file Deux-Baisers

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il y a 18 ans 4 mois #8573 par Eonath
Deux-Baisers a été créé par Eonath
Bon, bin j'me lance.... Il s'agit du projet que je travaille depuis un petit moment, un texte que j'espère pouvoir finir un jour et présenter, pourquoi pas, à un éditeur. Advienne que pourra :)




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Prologue
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Le jour de ses seize ans, Sa Majesté le Roi Deruyaen décida de donner un grand banquet. Il fit habiller de bougies les soixante et une fontaines de ses jardins. Il ordonna l’invention de mets surprenants et délicieux tant à l’œil qu’aux papilles. Il invita les nobles des contrées sous sa tutelle, et sa Cour ne se fit guère prier de venir : Sa Majesté avait le sens du faste.

Chaque invité portait sur sa personne des richesses suffisantes à nourrir des villages entiers et s’en amusait avec son voisin. Des belles dames avec de grandes robes en soie, en velours, en satin, des belles dames parées de bijoux, aux cheveux lissés par des coiffes complexes, des belles dames dansèrent avec insouciance sur le marbre blanc. Des cygnes d’ivoire et d’argent glissèrent comme des songes sur l’eau pâle des bassins en porcelaine : ils en ridaient la surface parsemée de fleurs rouges. On but dans des calices un vin presque noir en festoyant de paons rôtis et de gâteaux au miel. Des chapelets de sourires s’échangèrent d’un bout à l’autre de tables ébène et or, couvertes de plats riches en saveurs et en couleurs.

Le jeune roi s’amusa beaucoup. Pour se divertir encore, alors que tous étaient passablement ivres et enclins à poursuivre la fête dans la débauche, Sa Majesté fit venir les augures de son Palais, qui courbèrent devant Elle leur vieux front dégarni.

- Faites bon usage de votre art et prédisez-moi quels autres délices m’attendent à l’avenir », dit Son Altesse.

Le premier vieillard s’avança et promit d’une voix chevrotante une longue vie au jeune roi. Le second lui assura la richesse et la félicité, le troisième la beauté et la santé, et ainsi de suite : l’un après l’autre, ces fidèles flagorneurs couvrirent l’auguste tête de louanges futures, comme une mariée que l’on apprête avant sa nuit de noces.

En les écoutant, le Roi souriait : il régnait sur les sept provinces de Qùel, sur Anan le Pays-Entre-Les-Montagnes, sur Pasiva où fleurissent des villes d’argent et des tours élégantes pleines de carillons joyeux.

Mais – comme c’est souvent le cas pour de telles histoires – il n’allait pas lui être permis de demeurer longtemps en cette agréable quiétude.

Le dernier des augures s’avança à son tour. Il était assez sale, avec une vieille robe grise et une barbe de même couleur, des petits yeux clignotants, un front haut : en cela, c’était un sage ordinaire, semblable à tous ceux qui l’avaient précédé. Peut-être, à l’instant où il ouvrit la bouche pour prendre la parole dans un silence tout relatif, la voix du Destin lui chuchota-t-elle à l’oreille. Peut-être que de véritables dons de prophète le surprirent en prenant possession de son corps transi. Peut-être, aussi, qu’un étrange hasard, mêlé de la rancœur propre à l’être humain et d’autres subtiles coïncidences, furent les seuls coupables.
L’augure s’avança et parla ainsi.

- Ô Roi, écoute l’avenir par la bouche de ton serviteur. En vérité, ce qu’ont dit mes collègues n’est pas tout à fait exact. Ô Majesté, une femme viendra : par elle ton règne prendra fin, ton royaume s’éteindra et ton trône s’effondrera. »

Et peut-être fut-ce l’air absolument sérieux, habité et fou de son augure qui fit taire le rire du jeune roi, qui le fit se pencher et trembler soudainement, parce qu’il régnait sur les sept provinces de Qùel, sur Anan le Pays-Entre-Les-Montagnes, sur Pasiva où fleurissent des villes d’argent et des tours élégantes pleines de carillons joyeux.

- Que racontes-tu, vieux fou ? Si tes yeux sont à ce point tournés vers le futur, peux-tu me dire quelle femme sera assez géniale et folle pour me mettre à bas ?
- Je le puis, répondit humblement le vieillard. La femme qui accomplira ce prodige aura trouvé la mort depuis des lunes. Ce qui te séduira en elle, ce qui provoquera ton déclin, sera ceci : la soie de sa chevelure, la finesse de ses os, la perfection lisse de sa peau. »

La Cour belle et ivre se mit à rire et à plaisanter. En vérité, disait-on, de tels attributs ne pouvaient que rendre une femme appétissante, pour peu qu'elle y allie des formes girondes et un esprit servile. Il fallait espérer que ce ravissant cadavre, s’esclaffaient d’autres, ait échappé à la putréfaction : il ne serait guère agréable au jeune roi d’en retrouver des morceaux dans sa couche ; que le roi prenne garde, gloussèrent-ils encore, à l’odeur de ses maîtresses : le parfum de la pourriture trahira certainement l’adorable garce.

Aux propos insensés de son augure, le jeune prince retrouva confiance et chassa le doute de son esprit. Car depuis quand les mortes se relevaient-elles de leur tombe pour s’en aller séduire les rois ?

Le vieux sage redressa avec philosophie ses reins douloureux et quitta le banquet sous la pluie des moqueries et des quolibets, auxquels le jeune roi ne participa cependant pas. Par retenue, vestige de respect ou à cause d’une crainte obscure qu’il avait du mal à s’expliquer, le souverain perdit un peu de son insouciance. Il rumina les paroles de l’augure, les oublia le lendemain, et c’est en cet état que le récit le quitte pour le moment.

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il y a 18 ans 4 mois #8574 par Eonath
Réponse de Eonath sur le sujet Re: Deux-Baisers
[size=150:pujdwnoy] LA DAME DU PAVOT NOIR
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A peu près seize ans plus tôt, dans un pays qui ne ressemble ni à Qùel, ni à Anan, ni à Pasiva, dans une maison de terre battue couverte d’une chevelure de chaume brun, une petite fille naissait avec de grands cris de protestation.

Epuisée par le travail fourni, la mère serra son enfant contre elle avec un sourire éteint, puis retomba doucement sur la couche souillée. C’était quelques heures avant l’aube, une fraîche rosée printanière bruinait dehors, exaltant les parfums de la terre mouillée. Lorsque le père fut autorisé à voir le bébé, il le leva en l’air en riant, le berça dans ses bras puis embrassa son épouse.

- Bénie sois-tu de m’avoir donné une fille, dit-il alors. Il aurait été difficile d’apprendre notre art à un garçon. Oui, regarde-la : c’est la plus prometteuse des héritières. »

Il faut le dire, cet homme et cette femme vivaient de la connaissance et de l’usage des plantes – une famille de paysans n’aurait certainement pas vu du même œil une telle naissance. Leur habitat comme leurs manières se tenaient à l’écart des hommes et du monde. Ils s’étaient installés au flanc d’une vieille colline bordée de forêts, dominant de leur modeste demeure trois longues plaines où fleurissaient de nombreux petits villages aux enceintes blanches comme la pâquerette au printemps. On montait parfois les voir pour prendre conseil, le plus souvent pour une prescription de simples, en échange de laine, d’huile de lampe ou de nourriture. Le couple possédait aussi quelques chèvres à son propre usage. Certes, c’était là une vie modeste, et les villageois ne les considéraient, l'un et l’autre, ni plus ni moins que comme des sorciers : mais ils s’aimaient d’amour tendre, appréciaient leur solitude et la proximité de leurs chères plantes.

Au huitième mois de son existence, l’enfant fut nommée Shedeloan, ce qui signifie Lune de Printemps. Sa peau était diaphane et claire comme cet astre, sous laquelle on devinait des entrelacs veineux, tels des couleuvres assoupies. Longs rayons de miel : ses cheveux, d’or et d’ambre, de belles boucles qui tombaient le long de son dos et drapaient une silhouette déjà fort bien tournée. Ses yeux, surtout, rappelaient deux saphirs, à moins que ce ne soient des lacs de montagne, plus bleus que le bleu, purs et encore innocents. Elle grandit comme une plante dans un environnement silencieux, sous la tutelle paisible de ses parents – seuls êtres humains qu’elle connût alors – joua dans des clairières pleines de pollen doré et guetta des insectes féeriques aux ailes craquelantes.

Telle était donc Shedeloan. Quel rapport avec la femme décrite – qui serait décrite seize ans plus tard – par le prophète au Roi Deruyaen ? Cette jeune enfant n’avait ni la chevelure plus soyeuse, ni les os plus fins, ni la peau plus lisse que n’importe quelle autre fillette un peu jolie. Mais ses yeux, ah ! Ses yeux…

Pour jolie qu’elle était, avec ses membres doux et son visage de princesse, la fillette n’était pas dénuée d’une certaine vivacité d’esprit. Elle apprit l’art de ses parents quand elle en eut l’âge, ainsi qu’un mode d’expression plus délicat et plus soutenu que la moyenne des filles de son milieu : on disait, sans doute n’avait-on pas tort, que le père était issu d’une noble famille, à moins que ce ne soit la jeune mère.

A quoi l’enfant passait-elle ses journées, puisqu’elle n’avait aucun camarade de son âge avec lequel jouer ? Derrière leur maison de terre, le couple cultivait une sorte de vaste jardin, dans lequel il aidait ses végétaux favoris à prospérer. Shedeloan y gambadait souvent dans sa petite robe de chanvre brun, penchait son petit nez pour sentir les corolles épanouies ou admirer les éclats soyeux et chamarrés de leurs pétales. Le jardin, perdu parmi les futaies et les bocages, était un vrai petit labyrinthe : on y découvrait sans cesse des recoins inconnus. Ainsi, en une fin de journée qui tachait de carmin les feuilles et les troncs, la petite fille vit surgir devant elle un tertre de terre sèche, craquelée et aride, au centre duquel une unique fleur énorme, entièrement noire, épanchait ses dentelles lourdes et exhalait des parfums tout aussi épais. Fascinée, l’enfant s’approcha à croupetons. Elle tendit une main curieuse vers le cœur de la fleur, dans l’intention de caresser le duvet fin des sépales. Aussitôt, deux bras entourèrent sa taille et la tirèrent en arrière : de peur, Shedeloan cria et se débattit.

- Du calme, petite lune, dit gentiment son père en la serrant dans ses bras. Ce n’est que moi. C’est une belle fleur, n’est-ce pas ? On l’appelle Pavot Noir. Tu peux l’admirer de loin, mais ne la touche surtout pas ! Ses pétales et son haleine sont des poisons.
- Vraiment ? chuchota l’enfant accrochée au cou de son père, ses grands yeux bleus tout arrondis de curiosité.
- C’est une plante parasite : elle ne fleurit que dans une terre récemment arrosée de sang. Lorsqu’elle grandit, ses racines pompent la terre comme des sangsues, ce qui explique la sécheresse du sol où elle pousse.
- Elle ne me plaît pas, à moi, dit encore Shedeloan, puis elle enfouit sa tête dans le cou de son père. Ramène-moi à la maison. »

Cela fut fait, et Shedeloan n’approcha plus du Pavot Noir : elle finit bientôt par l’oublier, l’esprit accaparé par ce que ses géniteurs tâchaient de lui enseigner.

A l’âge de treize ans, les parents de Shedeloan lui avaient déjà appris les bases de l’art médicinal ainsi que le nom de chaque plante. A l’âge de seize, ils étaient morts.

- Bon débarras, dirent les gens des plaines, oubliant commodément les services rendus.
- Qu’allons-nous faire de la fille ? se demandèrent les femmes entre elles, en chuchotant et avec des coups d’œil entendus, tandis que l’intéressée marchait dans les rues pavées, pleine de détresse et d’incompréhension.
- Une bâtarde de sorciers n’a pas sa place ici », coupèrent les hommes avec autorité, bien que certains des plus jeunes aient échafaudé d’autres projets plaisants à ce sujet, et décochaient à Shedeloan des regards gourmands.

Ainsi, tout aussi commodément – sauf pour certains jeunes hommes qui boudèrent cette décision – on la chassa sans autre forme de procès. Shedeloan, qui n’avait connu que la bonté un peu indifférente de ses parents, qui les avait enterrés elle-même – sans savoir comment ni de quoi ils étaient morts – Shedeloan connut une première désillusion, et dut s’enfuir sous des jets de pierres. Brutalement catapultée dans le monde, refusée par ses semblables, elle se réfugia au sein de ce qu’elle connaissait le mieux : la forêt, finissant par s’y perdre.

Elle marcha des heures, les cheveux défaits et les bras écorchés, dans sa pauvre robe en haillons. Elle avait prié des dieux muets et distants, mais seul la forêt et son peuple s’étaient décidés à saluer sa détresse, à leur manière : c’est-à-dire, en tendant des branches griffues et inamicales, en tirant méchamment ses cheveux, en gonflant des racines sous ses pas. La terre meuble fourmillante de débris et de cailloux aigus avait mille fois meurtri ses pieds menus. Enfin, la fatigue la jeta entre deux racines saillantes, sous la chape épaisse d’un feuillage où coulaient encore des souvenirs de lumière. Et là, pelotonnée dans la mousse et le terreau, plus fragile et tremblante qu’un animal égaré, elle ferma ses paupières sur un sommeil malheureux.

En ces temps-ci, temps glorieux et cruels, les Esprits, ces Rêves du Monde, foulaient encore la terre au côté des hommes. Gracieux et voluptueux, on les voyait souvent vaquer à d’incompréhensibles tâches, et rire indifféremment du malheur ou de la fortune des mortels. Amoureux des humains, ils empruntaient de façon commune la forme la plus exquise de ceux-ci puis, beaux et terribles, dansaient d’illogiques ballets sur l’herbe mouillée du matin, entraînant le téméraire à oser les interrompre dans des jeux énigmatiques, bien souvent fatals.

Près du bosquet où s’endormit la fille aux cheveux d’or, passa alors un Esprit du monde nocturne. Il s’agissait d’un Erèbe, un Fils des Nuits, prince d’un peuple que l’on a tort de confondre avec les Mahren, les Esprits des Cauchemars : car si les Mahren se contentent de l’effroi des mortels pour simple nourriture, les Erèbes disposent de bien plus d’ambiguïté et de sensualité, capricieux tant que sages, versatiles tant que pondérés.

Celui-là qui vagabondait dans la sylve endormie avait pris la forme d’un jeune homme élancé à la peau d’encre liquide. Ses gestes étaient fluides comme le vent et ses attitudes tendaient à une sauvage perfection. Ses cheveux étaient des fouets noirs, fins et sifflants, ses dents rappelaient l’opale de la lune, ses deux yeux fascinaient comme des gouffres. Enfin, comme il en est de tous les Erèbes, s’exhalait de lui une fraîche odeur d’eau et de menthe, et il dansait et riait et chantait sous sa lointaine tante la lune.

L’Erèbe ne tarda pas à apercevoir l’enfant misérable. Il glissa vers elle, avec curiosité et nonchalance, s’accroupit en face d’elle pour l’observer. Les lèvres de la fille, semblables à deux pétales rosis, frémissaient régulièrement. Dans sa détresse et son dépouillement, elle avait négligé la correction de sa tenue : ainsi abandonnée, un bras sous la nuque, la robe avait glissé et découvrait maintenant un sein adorable, comme une colline neigeuse où s’épanouissait la rose d’un mamelon délicat. L’Erèbe soupira de ravissement et se coucha auprès d’elle, avec son animale innocence d’Esprit : sa chevelure noire fit une flaque irréelle sur la mousse, et le temps devint muet.

Lorsque son regard sauvage se posa sur la gorge offerte, l’Esprit sourit pour lui-même : l’acuité de ses sens devinait le liquide nourricier, précieux nectar, qui gonflait si agréablement la gorge de l’assoupie. Le lait, caché dans chaque femme tel un trésor qui ne se révèle qu’à l’époque de la grossesse. Ce fut son odeur secrète qui charma l’Erèbe ; symbole de vie et de naissance, il n’existe pas de fluide plus convoité et plus aimé des Esprits que celui-ci.

- Oh, murmura l’Esprit noir, voici la plus tendre fleur abandonnée qu’il soit possible de concevoir. Quel chagrin enfle sous tes paupières, pauvre enfant ? Il n’est pas juste qu’il fane d’aussi exquis attraits. Car jamais fleur ne distilla suc plus précieux que celui que je vais maintenant recueillir. »

L’Erèbe avança alors la tête et, posant ses lèvres douces sur le velours du sein, téta avec délectation.

L’enfant-femme frémit dans son sommeil ; ses lèvres bougèrent, mais elle ne s’éveilla pas, et sans doute ignora-t-elle la créature magnifique qui s’abreuvait si intimement à son corps. Etrange tableau, dans l’écrin des fourrés, que cette enfant aux cheveux blonds épars allaitant sans le savoir un nourrisson surnaturel, à forme d’adulte et fait d’opaques ténèbres !

- Dors donc, dit l’Erèbe une fois rassasié, redressant son corps souple dans l’herbe attendrie. Mais il ne sera pas dit que le présent que tu m’as fait restera sans récompense. »

A ces mots, il se pencha puis posa un baiser sur les lèvres de la jeune fille : dès cet instant, elle eut la connaissance du monde nocturne, de son langage et de ses rituels. Aux deux endroits où la bouche de velours de l’Esprit s’était attachée à sa peau, fleurit une petite marque délicate, couleur de nuit. Elle s’épanouit sur son sein blanc et au coin de ses lèvres. Voyant cela, l’Erèbe rit, et la nomma à haute voix Mai Cusserea, Deux-Baisers, avant de s’éloigner d’un bond.

- Va maintenant, Deux-Baisers, dit le souvenir de sa voix entre les troncs couleur d’encre. Va dans le monde, toi sur qui j’ai apposé mon sceau : je t’offre ma bénédiction, sache t’en servir justement. »

Dormit jusqu’à l’aube celle qui fut si étrangement visitée, et qui reçut dans l’ombre du sommeil le nom de Deux-Baisers. Soyons certains que, par la suite, les présents de l’Esprit lui porteront tant chance que malheur, et deviendront la cause de glorieux événements.


Shedeloan ne s’éveilla que lorsque le soleil lui lécha la joue. Elle se dressa sur ses mains, fut fort étonnée de ne voir tout autour d’elle que branches et feuilles humides, avant de se rappeler pourquoi elle se trouvait là. Au souvenir de cela et de sa cause, elle pleura amèrement. Enfin, lorsque son âme eût retrouvé un peu d’ordre et de mesure, elle réajusta sa tenue, sans connaître les marques curieuses héritées du baiser de la nuit, et reprit la route.

Après le bois sans nom aux odeurs fraîches d’humus et de pluie, elle suivit un sentier de terre tracé dans l’herbe rase, s’engageant sur une longue plaine. La route qu’elle emprunta, sinueuse et sèche, marbrée par l’ombre sévère des grands saules, conduisait jusqu’aux portes blanches du village que l’on appelle Roadydd. Les tentacules d’une autre forêt tâtonnaient au Nord de celui-ci, une unique rivière roulait des hanches près de l’orge et du blé, fuyant, malicieuse, jusque dans le sein silencieux des bois remplis d’ombres.

Un peu en avant des frontières du village, des femmes s’activaient à la cueillette. L’une d’elles releva la tête hors de son panier et aperçut Shedeloan qui, hésitante, se tenait en retrait.

- Regardez ! dit la femme en ricanant. Une mendiante crasseuse semble souhaiter se joindre à nous. Qu’attendez-vous pour l’inviter ?
- Tu es cruelle, Selvé, dit l’une de ses compagnes. Ce n’est qu’une enfant.
- Ce n’est sans doute qu’une petite putain échappée d’un bourg voisin, répliqua la dite Selvé. Une enfant ? Je vois ses seins pointer d’ici ! Et ces cheveux défaits, c’est d’une obscénité ! Qu’elle s’ôte d’ici dans l’instant, ou bien elle tâtera du bâton, c’est moi qui le dis ! »

Selvé mit ses poings sur ses hanches, redressa les reins, et sourit en montrant les dents. Selvé était une assez belle femme, au regard pénétrant, volontaire, aux mains fortes et sûres, mais d’un caractère jaloux qui frisait l’obsession. Elle secoua sa crinière noire comme une louve et apostropha sèchement Shedeloan.

- Qui es-tu ? Comment t’appelles-tu ? Que viens-tu faire ici ? »

L’interpellée, les mains enfouies dans sa robe, fit quelques pas timides et répondit avec candeur :

- Je m’appelle Shedeloan. J’ai faim, je suis seule, je n’ai nulle part où aller.
- La belle affaire, dit Selvé. Il n’y a de place ici que pour des femmes obéissantes et travailleuses.
- Je travaillerai, assura Shedeloan.
- Et que sais-tu faire ? Sais-tu coudre ou filer ? Sais-tu rouir le lin ? Tanner les peaux ? Tresser l’osier ? Faire la cuisine, peut-être ?
- Rien de tout cela, balbutia la jeune fille avec affolement, tout en se rendant brusquement compte des innombrables lacunes de son apprentissage.
- Ah ! triompha Selvé au regard pointu. En plus d’être une traînée, serais-tu une incapable et une idiote ? Fiche le camp ! »

Puis elle se pencha pour ramasser une pierre. Sans attendre, Shedeloan fit demi-tour et détala, le sanglot au bord des lèvres. Lorsqu’elle fut hors de portée, les autres femmes se jetèrent des regards furtifs et échangèrent des chuchotements entendus.

- Ce n’était sûrement qu’une idiote, mais quels jolis yeux elle avait !
- Des yeux en gouttes de ciel.
- Des yeux comme sur le masque d’Aulde lorsqu’elle parle aux esprits.
- Des yeux de putain », trancha Selvé, après quoi il n’y eut plus que le bruit des fruits qui s’entrechoquaient dans les paniers.

Shedeloan se tordit les mains et maudit ses parents de l’avoir laissée ainsi, de ne pas lui avoir appris à se rendre plus utile qu’elle ne l’était à présent ; elle maudit les visages indifférents qui l’avaient chassée, maudit Selvé, et enfin se maudit elle-même. Puis la faim l’emporta et on la vit errer de nouveau autour des habitations, comme ces chiens efflanqués qui fouillent dans les ordures et que l’on chasse à coups de pierres. C’est à peu près l’accueil que lui réservèrent les membres mâles du village, les rires grossiers en plus.

- Vous n’êtes guère charitables », dit alors une voix rauque.

Les rires se turent.

Parmi la petite trentaine d’âmes qui peuplaient Roadydd, six seulement imposaient le respect à l’unanimité. Selvé ( bien évidemment), Sù, le jarn – c’est-à-dire le chef du village – , les trois aïeuls que l’on nomme Sages, et la vieille Aulde, la parle-au-vent. Et qui était Aulde ? Ce petit morceau de femme, courbée et ratatinée comme un morceau de parchemin, aux mains brunes et sèches semblables à des racines de gingembre : celle-là même qui venait d’exprimer sa désapprobation.

Lorsqu’elle s’avança, on s’écarta pour la laisser passer, tout en faisant silence, par habitude. L’index tordu de l’aïeule désigna Shedeloan.

- Toi, croassa-t-elle, toi, viens avec moi. »

Ce qui souleva aussitôt un concert de vives protestations.

- C’est une idiote, dirent certains.
- Nous ne savons même pas d’où elle vient ! Elle est peut-être malade ! rechignèrent les autres.
- Fais comme bon te semble, mais il n’est pas question que je m’en occupe », dit Selvé en grinçant des dents.

Aulde se tourna vers le chef, qui se composa l’attitude d’un chef et décida que ces histoires de femmes ne le concernaient pas. Puis il haussa les épaules.

- Qu’il en soit donc ainsi », dit Aulde, après quoi elle saisit Shedeloan par le bras et l’emmena chez elle.

Aulde vivait un peu en hauteur, sur la bordure Est de Roadydd, dans une maison de pierre surplombée d’un toit en ardoise. Elle ouvrit sa porte à Shedeloan et la nourrit de soupe, de choux cuits et d’œufs.

- Les hommes sont méchants, mon enfant, dit la vieille femme de sa vieille voix. D’autant plus méchants lorsque la peur les aiguillonne. Et qu’y a-t-il de plus effrayant qu’une jolie jeune femme en haillons ? Toutes les femmes sont des sorcières, ils le savent bien. »

Shedeloan la remercia d’un regard muet, plus loquace cependant que tout un flot de paroles.

- Allons, reprit son hôte. Je te donnerai de l’eau pour te laver, une table où manger, mon toit pour dormir ; en échange, tu m’aideras dans mon travail, et je t’apprendrai ma science. Ensuite, s’il te plaît de le faire, tu me raconteras ton histoire. »

Shedeloan vit que cette femme était bonne, et elle vit aussi des bocaux nombreux dans les niches qui tapissaient les murs, des bols pleins d’herbes pilées et de divers onguents, des masques mystérieux disposés à côté comme des visages scrutateurs. Elle lui confia alors l’érudition de ses défunts parents en matière d’herbes et de simples, puis dit comment, à leur mort un matin, les regards s’étaient tournés vers elle ; et comment, en tant que fille de sorciers, lui était apparue la voie de la fuite et de l’exil, jusqu’à ce que s’ouvre cette porte amie. Aulde hocha la tête à la fin, et dit :

- Bien, très bien. Comme tu le vois, je suis guérisseuse ; les connaissances héritées de tes parents font de toi dès aujourd’hui mon apprentie. Les gens de Roadydd n’ont pour moi qu’amour et respect, car je ne fais sur mon travail pas plus de secret qu’il n’en faut, et mes talents sont toujours à leur service. Sois aimable, travailleuse ; ainsi gagneras-tu ma confiance et la leur. »

Après cela, Aulde donna à sa protégée de l’eau et un baquet pour qu’elle puisse débarrasser son corps de la poussière des chemins ; c’est alors qu’elle remarqua l’empreinte noire sur la peau de lune, et comprit que ce qu’elle avait d’abord pris pour une blessure, à savoir la petite tache au coin des lèvres de Shedeloan, ne devait nullement en être.

- Dis-moi, mon enfant, d’où te viennent ces traces sur la peau ?
- Je ne sais pas, ô très aimable, dit la jeune fille en s’examinant avec stupeur. Peut-être les ai-je toujours eues. »

Aulde fronça les sourcils mais n’ajouta rien de plus.
Lorsque Shedeloan passa sa première nuit dans cette nouvelle demeure, sur une couche de paille sèche lavée par la lune, elle rêva d’un homme au sourire de nuit, et ne s’en souvint pas.

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il y a 18 ans 4 mois #8576 par Monthy3
Réponse de Monthy3 sur le sujet Re: Deux-Baisers
Bonjour

Très beau début de récit. D'abord, la seule faute d'ortho que j'ai relevée :

mais seul la forêt et son peuple

Seuls.

J'ai beaucoup aimé tes interventions dans le texte, l'idée du flashback est intéressante (me rappelle la Duchesse de Langeais que je viens de lire), certaines répétitions très appréciables. Pour être franc, je n'ai pas vraiment de critique, tu sembles t'être embarqué dans quelque chose d'assez gigantesque (création du monde, des plantes, Esprits...).

Juste quelque chose qui m'a interpellé, peut-être :

l’enfant fut nommée Shedeloan, ce qui signifie Lune de Printemps

En quelle langue ? Bien sûr, je pinaille, mais au point où tu en es...

Enfin, dernière question : as-tu écrit uniquement ça pour l'instant ? Sinon, comme je le pense, où en es-tu ?

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il y a 18 ans 4 mois #8577 par Eonath
Réponse de Eonath sur le sujet Re: Deux-Baisers

Monthy3 écrit: Bonjour


Bonjour aussi. On se serre la main ? :lol:

Monthy3 écrit: Très beau début de récit. D'abord, la seule faute d'ortho que j'ai relevée :

mais seul la forêt et son peuple

Seuls.


Ah, oui, sans aucun doute. Quoique, il me semble que parfois l'on peut utiliser ce mot sans l'accorder en genre et en nombre, comme l'adverbe "seulement". Mais tu dois avoir raison, je sais plus trop...

Monthy3 écrit: J'ai beaucoup aimé tes interventions dans le texte, l'idée du flashback est intéressante (me rappelle la Duchesse de Langeais que je viens de lire), certaines répétitions très appréciables. Pour être franc, je n'ai pas vraiment de critique, tu sembles t'être embarqué dans quelque chose d'assez gigantesque (création du monde, des plantes, Esprits...).


Marzi ! :oops: Oui, j'adore étoffer.

Monthy3 écrit: Juste quelque chose qui m'a interpellé, peut-être :

l’enfant fut nommée Shedeloan, ce qui signifie Lune de Printemps

En quelle langue ? Bien sûr, je pinaille, mais au point où tu en es...


En Qembrag, évidemment... C'te question. :lol: Vui, j'invente la(les) langue(s) aussi... Sinon, je trouve que c'est pas complet... Sourire !

Monthy3 écrit: Enfin, dernière question : as-tu écrit uniquement ça pour l'instant ? Sinon, comme je le pense, où en es-tu ?


Hm, j'en suis beaucoup plus loin, mais tout est en phase de relecture... De toute façon, je posterai la suite ;)

Merci beaucoup pour tes remarques ! ^^

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il y a 18 ans 4 mois #8580 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Deux-Baisers
Le prologue est très agréable à lire, vraiment ! Reste que le premier chapitre reste encore dans le ton du prologue : on reste très distant de Shedeloan, on ne connait pas son caractère, ne parle pas, on ne connait pas ses émotions, sentiments... disons qu'à la fin elle m'a presque semblée niaise, gourde. C'est peut-être voulu, mais quand elle ne se pose pas de question sur les marques de son corps, on se demande si elle a la lumière à tous les étages...

Je garde quand même en mémoire une impression de floue, peut-être un rêve... soit tu vas exploiter ce style soit il faut que tu nous rapproche de ton personnage, que tu nous montre le monde à travers ses yeux que l'on puisse en juger et la comprendre... après tout elle a 16 ans... rebéllion, le monde est contre elle, tout ce qu'elle fait est voué à l'échec, elle remet en cause l'éducation de ses parents, cherche à faire ses marques, à dépasser les lois... (merci au BAFA ado pré ado ! ).

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il y a 18 ans 4 mois #8582 par Eonath
Réponse de Eonath sur le sujet Re: Deux-Baisers

Krycek écrit: Le prologue est très agréable à lire, vraiment ! Reste que le premier chapitre reste encore dans le ton du prologue : on reste très distant de Shedeloan, on ne connait pas son caractère, ne parle pas, on ne connait pas ses émotions, sentiments... disons qu'à la fin elle m'a presque semblée niaise, gourde. C'est peut-être voulu, mais quand elle ne se pose pas de question sur les marques de son corps, on se demande si elle a la lumière à tous les étages...

Je garde quand même en mémoire une impression de floue, peut-être un rêve... soit tu vas exploiter ce style soit il faut que tu nous rapproche de ton personnage, que tu nous montre le monde à travers ses yeux que l'on puisse en juger et la comprendre... après tout elle a 16 ans... rebéllion, le monde est contre elle, tout ce qu'elle fait est voué à l'échec, elle remet en cause l'éducation de ses parents, cherche à faire ses marques, à dépasser les lois... (merci au BAFA ado pré ado ! ).



Ouais, elle est un peu niaise, c'est voulu ^^ c'est très.... détaché.

Bon, quand à son âge... 'ttention, l'univers est moyenâgeux. A 16 ans, on est déjà une femme, en somme ( même si, elle, elle est un peu attardée, faut dire qu'elle a vécu dans un bain d'insouciance aussi...).

Une femme, jeune, dans un monde dur, où les femelles n'ont le droit que de baisser la tête, de faire des mômes et de laver le linge... Uh... La révolte est un luxe de notre époque. ;)

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il y a 18 ans 4 mois #8585 par Eonath
Réponse de Eonath sur le sujet Re: Deux-Baisers
Je mets la suite, à croire que j'ai décidé de vous inonder... Promis, je me pencherai sur les autres textes et je tâcherai de commenter à mon tour !

Ah, et Shedeloan s'est changée en Shedelooan... C'est normal u_u j'ai pas corrigé le premier chapitre... Gnuh...




Vint le lourd été. Il épanouit sur Roadydd son emblème de ciel bleu dont il peignit forêts et campagnes. Les femmes tressaient des chapeaux de paille pour leurs époux, protection qu’ils enfonçaient volontiers sur leur crâne quand il fallait bêcher les champs. De sa voix aiguë, Selvé rabrouait vertement et quotidiennement son mari – un petit homme sans caractère – et reniflait avec dédain au passage de Shedelooan, mais c’était devenu une habitude. Des chiens jouaient avec des enfants nu-pieds vagabondant dans l’herbe coupante, se roulaient dans la poussière des chemins ; des jeunes gens munis de leurs grands bâtons poussaient des troupeaux aux cornes tordues, et s’interpellaient en criant.
Effacée et serviable, Shedelooan était désormais acceptée de presque tous en tant que l’aide de la vieille Aulde ; laquelle, peinant à se déplacer à cause de son grand âge, l’envoyait chercher eau et légumes pour elles deux. Shedelooan l’assistait lors de sa toilette ou préparait les repas ; toutes deux partaient parfois dans l’ombre silencieuse de la forêt pour cueillir des plantes secrètes aux propriétés diverses. Là, Aulde enseignait son art, avec rigueur et sévérité : c’était un apprentissage différent de celui que Shedelooan avait reçu, mais ô combien essentiel.

- Ne crois jamais que tout t’est dû, disait-elle souvent. Si les plantes et les arbres nous offrent leur aide et leurs sucs, c’est qu’ils le veulent bien. En échange, témoigne-leur amitié et respect ; n’offre jamais trop, ne prends pas plus que ce qui t’est nécessaire. »

Elle lui apprenait ensuite les noms des esprits qui dorment et vivent dans l’écorce des arbres, et ceux qui veillent sur le moindre brin d’herbe ; elle lui dit dans quel langage s’exprimer, à quelles créatures faire confiance et lesquelles éviter. Elle lui donna également des masques, instruments indispensables à la communication d’avec les Rêves du Monde : un masque pour les esprits des plantes, un masque pour les esprits du vent (qui favorisent les récoltes) et un masque pour ceux de la nuit. Des visages inquiétants, faits de bois peint et affublés d’accessoires tels des plumes, des racines séchées ou des griffes de hibou. Pour chacun de ces masques, Aulde peignit en bleu le pourtour des yeux : un bleu intense, diapré, bien que plus terne, et de loin, que celui des yeux de Shedelooan.
Shedelooan assimila vite et bien. Son professeur remarqua surtout avec quelle aisance la jeune fille se familiarisait avec les esprits de certaines plantes, comme la menthe, le bouleau ou la jacinthe, créatures indubitablement nocturnes. Elle la mettait parfois en garde mais, le plus souvent, se contentait de hocher la tête en silence.
Un matin, Aulde tomba malade.

- Je ne vais pas pouvoir me lever aujourd’hui, dit-elle à sa protégée inquiète. Tu as suffisamment d'expérience pour cueillir sans moi les plantes nécessaires.
- Je reviendrai vite », murmura Shedelooan en embrassant doucement la vieille main.

S’éloignant de la couche d’Aulde, la jeune fille prit une sacoche en peau de chèvre, un couteau de corne puis son masque-forêt : celui peint en vert sombre, décoré d’épines et pourvu d’une chevelure de lianes. Elle sortit dans l’air figé du jour, clignant des paupières sous la soudaine luminosité. Tournant le dos au village, Shedelooan dirigea ses pas vers la forêt : une fois face à celle-ci, elle mit le masque inexpressif devant son visage et pénétra à couvert.
Pour quiconque y serait entré, du paysan plein de superstitions au prince plein de convenances, la forêt restait une forêt. Un domaine embroussaillé, au sol accidenté grouillant d’humus et de plantes sauvages, avec des frondaisons mouchetées d’or et des branches squameuses où pendent de vieilles lianes comme les restes des toiles d’énormes araignées. Telle serait cette ancienne forêt : cela, seulement cela, aux yeux de quiconque n’a pas la science des esprits. Pour Shedelooan en revanche, dès qu’elle revêtit son masque comme un second visage, un visage primitif et puissant, la nature se para d’une vie nouvelle. Elle avança doucement, très doucement, avec d’infinies précautions, à travers un champ tumultueux d’esprits légers comme de la buée, de petits êtres furtifs aux grands yeux noirs pleins de gravité : les habitants de l’herbe, le peuple des plantes basses. Elle salua un à un les visages ravinés creusés à même l’écorce des arbres : et alors que certaines de ces figures anciennes étaient bienveillantes, d’autres intimaient que l’on détourne la tête. Sur chaque pousse hors de terre, sur chaque brindille, dans le cœur de chaque fleur : pas un être semblable. C’était une abondance aussi merveilleuse qu’effrayante : c’était à travers cela que Shedelooan évoluait, grâce à la vision réveillée par son masque.
La plupart de ces petites créatures dormaient. D’autres semblaient ne pas voir. D’autres montrèrent Shedelooan du doigt en riant et en chuchotant.

- Regardez, regardez, voici la cueilleuse aux yeux de ciel. Elle serait jolie, sans ces horribles pattes qui lui servent de tiges. »

Puis elles cachèrent des visages pointus dans les cols de leurs robes-rhizomes, dans l’abandon de leurs cheveux-sépales, et clignèrent de longs cils tranchants. Shedelooan préféra ignorer les moqueries : il n’est pas bon de provoquer une plante, si modeste soit-elle ; et l’on dit qu’autrefois l’homme fit un grand outrage à la gent végétale, ce dont celle-ci s’empresse de se venger dès qu’elle le peut.
Tandis qu’elle allait ainsi, les pas guidés par l’habitude bien que plus pressée que d’ordinaire, vers des bosquets précis, Menthe aux yeux de serpent et Jacinthe aux mains de noyée l’aperçurent et lui sourirent, se penchant l’une vers l’autre pour se murmurer d’étranges secrets. Shedelooan leur sourit en retour, poliment.

- Salutations, cueilleuse, chuinta Menthe. Tu sembles bien pressée. Quelque chose te tracasse ? As-tu besoin d’une de mes feuilles ?
- Salut, œil-cobalt, grinça Jacinthe. Ta jolie peau paraît fripée, mais je n’ai pas une très bonne vue. Désires-tu un peu de mes sucs pour te rafraîchir ?
- Ni ceci ni l’autre chose, prit le temps de répondre la jeune fille. Aulde est malade : c’est de ta cousine, Menthe, que j’ai besoin, ainsi que de la Livèche.
- Ah, Aulde est malade, gloussèrent les deux inquiétantes créatures, et Menthe reprit :
- Fort bien. Tu trouveras ma cousine, Lamier Blanc, ainsi que Livèche la Jaune non loin de la rivière. Que la journée te soit bonne. »

Shedelooan remercia humblement les deux esprits, qui continuèrent de la fixer de manière dérangeante alors qu’elle s’éloignait. Mais comme c’était une fille assez brave, elle chassa rapidement ce trouble : de plus, une cueillette dangereuse l’attendait, et Aulde avait besoin de ses soins.
Dire que cueillir une plante est parfois une entreprise périlleuse peut prêter à sourire : en ces temps-ci, c’était un fait. Parmi les esprits des plantes, on l’a vu, il y avait les bienveillants, les indifférents, et les hostiles. Par malheur, Livèche appartenait à la dernière catégorie. Par chance, c’était une créature aveugle.
Dès que Shedelooan empoigna sa tige élancée et commença de couper, avec son couteau de corne, les feuilles fines et la base de la racine (et le sang noir des esprits se mêlait à la sève), la Jaune s’écria d’une voix rauque :

- Aïe ! Aïe ! Qui ose, parmi tous les êtres vivants et mobiles que porte la Terre, me faire un tel outrage ?
- C’est moi, Eanadd, fille de ma mère, qui te fais ainsi outrage, répondit Shedelooan en poursuivant prudemment son travail.
- Ah ! Ah ! reprit la plante menaçante. Eanadd, puisque tel est ton nom, je te ferais payer ton attitude irrespectueuse. Sois maudite, et maudits soient tes parents puisqu’ils t’ont mise au monde. Je ferai naître des bubons sur tes cuisses. Je tuerai le lait que porte ton père en son ventre. Je garnirai de pus la gorge de ta mère. Je ferai tout ceci, puisque tu m’as blessée. »

Shedelooan se garda bien de répondre, bien que ne courant aucun danger : le nom factice qu’elle avait donné à la plante la protégeait de cette vengeance, car n’étant point le sien. Et même si cela la préservait, elle ne pouvait s’empêcher de trembler : pour autant qu’elle le savait, toutes les malédictions proférées par des plantes s’étaient réalisées.
Pour Lamier Blanc, en revanche, ce fut différent. Tout le temps que dura son travail, l’esprit se contenta de fixer la jeune fille. Ses yeux étaient opalins et vitreux, inexpressifs : son silence, pour ne pas être hostile, n’avait rien d’amical. D’une certaine manière, il était plus désagréable à Shedelooan d’avoir affaire à cet esprit plutôt qu’à la Livèche. Pour combler le silence, et pour tenter de taire son malaise, la jeune fille parla à la plante : elle lui expliqua la raison de sa venue, de quoi elle avait besoin et, une fois la cueillette achevée, s’inclina en demandant pardon, avant de s’en aller bien vite. Son labeur accompli et son panier rempli, Shedelooan tourna les talons puis s’apprêta à reprendre le chemin du retour mais soudain, un rire charmant retentit sur sa gauche et la fit s’arrêter.

- Petite lune, ah, comme c’est curieux de te revoir, chantait la voix, une voix féminine et harmonieuse, bien que sinistre d’une manière difficilement explicable. Curieux, et inespéré… Où cours-tu ? Ne viendras-tu me souhaiter le bonjour, petite fille ?
- Qui s’adresse à moi ? murmura craintivement la jeune fille (la voix était celle d’un esprit qu’elle n’avait encore jamais entendu, ce qui n’était pas pour la rassurer). Qui dit me connaître ? »

Comme elle n’avait en réponse qu’un nouveau rire perlé, elle tendit l’oreille, un peu arquée vers l’avant, son panier tenu fermement en main et le masque devant les yeux. Guidée par l’hilarité sans doute moqueuse de l’esprit inconnu, elle s’égara dans les bosquets. A droite, à gauche, en arrière, plus haut, derrière la colline ! Cela la narguait, l’irritait, l’interpellait et se jouait d’elle, et bien entendu attisait sa curiosité. Au bout de plusieurs minutes de marches – plusieurs heures, il sembla à Shedelooan – la jeune fille parvint à un coude dans l’étroite forêt. Et derrière ce coude, ce qu’elle vit lui sembla si terrible et si effrayant qu’elle recula d’un pas, et couvrit sa bouche de sa main.
Un espace dégarni comme un crâne chauve, une terre vieillie et sucée au milieu de la flore luxuriante. Une terre sèche, si sèche qu’elle semblait pouvoir tomber en poussière, et au centre de laquelle, telle une reine grotesque assise sur un pays conquis, se tenait une fleur épanouie, comme un bubon géant, environnée de parfums létaux et de sa propre noirceur. De cette fleur effrayante, comme d’une robe aux multiples jupons, un torse de femme émergeait, blême et menu, surplombé d’un visage allongé aux yeux de chat, l’expression et le regard aussi prédateurs que ce même animal. Toute l’apparition suait la cruauté, la jalousie et la colère, car tel était l’esprit du Pavot Noir.
Pavot Noir posa un doigt en forme d’épine sur son sourire puis fit une courbette à l’intention de Shedelooan.

- Oui, oui, susurra-t-elle, c’est bien là la petite lune, la fille de ses parents. C’est bien là le fruit de leurs reins, le cristal de leur amour : cet amour que tu m’as volé.
- Que me veux-tu ? » murmura l’intéressée, qui hésitait entre la tentation de s’enfuir immédiatement et la fascination suscitée par le végétal morbide.

Le minois de menthe religieuse se déforma sous le coup d’une haine telle que la jeune fille recula d’un autre pas.

- Ce que je veux ! glapit l’esprit en épanouissant ses pétales et ses parfums vénéneux, ce que je veux ! Je veux l’aboutissement de ma vengeance. J’étais leur enfant, leur préférée, leur trésor, avant ta venue. De mémoire d’esprit, jamais humain ne me choya plus qu’ils le firent. Mais toi, toi ! Avant même ta naissance, ils faisaient des projets qui ne me concernaient plus. Avant même ta naissance, ils s’étaient détournés de moi. Avant même ta naissance, je t’ai abhorrée, entends-tu bien ? Mais – minauda-t-elle comme une femme coupable l’aurait fait – ils ne chérissent plus personne maintenant, là où ils sont. Ils ne vouent plus tout leur amour à quoi que ce soit d’autre que moi. »

Une vague d’horreur facilement compréhensible emplit la jeune fille, qui eut un haut-le-cœur. Ses jambes chavirèrent, manquant la laisser à genoux. Elle couvrit sa bouche de ses mains pour ne pas crier, puis ses yeux, pour ne plus voir son ennemie, puis ses oreilles, pour ne plus entendre le rire grinçant. Tout ceci en vain.

- Tu as bien compris, enfant, chantait Pavot qui tournait sur elle-même, je suis celle qui leur a donné le repos. Il a suffit de peu de choses : oh, trois fois rien. Un peu de pollen sur une main inattentive. Un souffle de vent, une négligence dont vous, mortels mobiles, êtes coutumiers : ma semence dans leur soupe sans qu’ils s’en aperçoivent. Pourquoi n’en as-tu pas bu, ce soir-là ? Je n’aurais pas à te poursuivre comme je le fais pour achever mon travail…
- Tais-toi, cruelle ! » cria Shedelooan, puis elle fit un pas en avant, comme pour arracher la plante avec ses mains tendues telles des serres.

Attitude qui n’amena qu’un autre rire, plus aigu et plus dément que jamais :

- Oui, oui, approche, embrasse-moi, arrache-moi de terre, détruis-moi autant de fois que tu le pourras ! Tu ne m’empêcheras pas de revenir, encore, et encore, et encore, acharnée à ta perte, présente à tes souffrances, sans trêve : et ta mort, tu me la demanderas à la fin comme un bienfait. »

Shedelooan se détourna de l’haleine polluée, des pétales préhensiles, et se mit à fuir : le rire du Pavot déclina derrière elle, la forêt la recracha comme un aliment désagréable puis se referma dans son dos. Ce fut une Shedelooan échevelée, tremblante de colère et éperdue de douleur, qui déboula dans la chaumière d’Aulde, où cette dernière l’attendait calmement auprès d’une décoction fraîchement préparée, sans plus trace des souffrances dont elle faisait preuve le matin même.

- Te revoilà donc », dit la vieille femme sans grande émotion, tandis qu’elle touillait sa préparation fumante.

Shedelooan tâtonna puis arracha son masque, avant de se laisser tomber sur le sol terreux tapissé de paille, haletante.

- J’ai vu… » commença-t-elle, avant que le reste ne se perde en balbutiements et en sanglots nerveux.

Aulde s’approcha sereinement et la gifla.

- Cela suffit, jeune fille. Calme-toi et raconte-moi. »

Ce que fit l’intéressée lorsqu’elle fut remise de son hébétude, les mains enfouies dans le pli de sa jupe, les yeux encore pleins de terreur et de haine rentrées.

- Sage Aulde, murmura-t-elle ensuite, il y a des arcanes de ton art que tu n’as jamais voulu me révéler. Toi qui sais rendre la vie, je gage que tu sais de quelle manière la reprendre. Apprends-moi. »

La parle-au-vent eut un rire sec.

- Un esprit ne vit pas, ce n’est qu’un rêve. Désires-tu tuer un rêve ? Crois-tu que je le puisse, moi ? »

Shedelooan ne dit rien, mais ses yeux bleu cobalt orage et rivière parlèrent pour elle. Et ses yeux hurlaient : tu es la sorcière, je suis l’apprentie. La vengeance que je réclame est juste : tu dois m’aider. Aulde vit cela mais secoua calmement la tête, avant d’envelopper sa protégée dans une couverture de lin, avec une tendresse un peu rude : Shedelooan tremblait encore.

- Non, Lune de Printemps, dit-elle très doucement, non, je ne t’aiderai pas. Je ne peux pas et tu ne pourras pas détruire la créature qui veut ta perte. Pavot Noir est rongée par la jalousie, l’envie, la vengeance et par la solitude qui découle de ces trois choses : elle en meurt, elle s’en vivifie. C’est un feu auquel elle s’abreuve, parce qu’elle ne peut pas concevoir sa survie autrement. Réfléchis, petite Shedelooan, désires-tu te nourrir à ses flammes, toi aussi ? »

Shedelooan s’entoura lentement de la pelisse épaisse et ne répondit pas, mais la colère dans ses yeux s’atténua pour laisser place à de la réflexion, mêlée de détresse. Elle se voila la face avec ses cheveux pour cacher d’autres larmes, de honte celles-ci.
- Je ne suis pas assez sage pour renoncer à me venger, s’écria-t-elle, mais je suis trop lâche pour le faire.
- Le reconnaître est un premier pas vers la sagesse, gloussa Aulde, qui lui tendit la décoction brûlante. C’est pour cela que je ne vais pas te jeter dehors et t’abandonner à ton sort sur-le-champ. Parle-moi de tes parents, jusqu’à en perdre le souffle et à ne plus pouvoir pleurer. Fais-en enfin ton deuil. Apprends à mourir, ensuite, tu pourras grandir. »

Si étrange que soit sa démarche de pensée, Aulde obtint ce qu’elle désirait : Shedelooan parla. Elle parla longtemps de la maison autarcique, du jardin-labyrinthe, du père et de la mère patients et froids comme les végétaux dont ils s’occupaient, du Pavot Noir enfin, fleur sensuelle et morbide entre toutes.
Dehors, la lumière déclina, fixant des chatoiements incandescents sur les carreaux épais. La nuit s’assombrit puis s’épaissit. Aulde remonta la pelisse sur les épaules d’une Shedelooan endormie, épuisée, et sortit dans la fraîcheur pour admirer les étoiles. Au loin, montant des profondeurs sylvestres, bruissantes, Pavot Noir chantait des louanges folles à son propre poison.

- Ris donc, Venimeuse, murmura la vieille femme. Tant que je serais là, tu ne l’auras pas. La petite mérite mieux que de finir dans tes serres. »

Rien ne protesta, ni les ailes du phalène aveugle, ni les cricri incessants des grillons de nuit, ni le vent discret dans les feuilles mouillées. Rien ne protesta mais Pavot se tut.
D’un geste calme, Aulde plaça devant son visage le masque-nuit. Elle le sortait rarement et l’utilisait encore moins : Nuit n’est pas un domaine que l’on sollicite pour des futilités. Elle s’assit dans l’herbe, courbant ses membres usés et, de ses mains habiles d’enchanteresse, captura un morceau de lumière lunaire – c’était une chose que l’on pouvait faire, jadis. Là non plus rien ne protesta : sans doute le masque y était-il pour quelque chose. Aulde sourit au silence, satisfaite, et modela lentement l’objet de sa cueillette, malaxant l’étrange matière, la polissant sous ses doigts noueux.
Peu avant l’aube, la vieille femme rejoignit Shedelooan dans la maison au toit d’ardoise. Elle glissa sa création, une délicate broche d’argent ornée de deux triangles imbriqués l’un dans l’autre, sous les mèches dorées. Les paupières de la jeune fille frémirent.

- Rien de plus que le talisman d’une vieille femme, murmura Aulde. Mais, puisque la nuit semble être ton signe, petite lune, peut-être pourra-t-il te protéger. Ou te révéler à toi-même…
- Quel bel objet, dit la jeune fille encore engourdie de sommeil.
- Garde-le. Te sens-tu mieux, Shedelooan ?
- Je ne sais pas, répondit celle-ci en caressant sa broche, ainsi que le symbole étoilé gravé dans l’argent. Je suis encore en colère, et j’ai peur.
- Oublie la colère, garde ta peur, la sermonna Aulde. Ces états d’âme ne sont pas pour le petit peuple. Pense à la journée qui t’attend : aux hommes, aux femmes, aux enfants qu’il faudra soigner aujourd’hui, aux naissances qu’il faudra assister, aux plantes qu’il faudra aller cueillir sans provoquer la colère des esprits. Tu verras que tes envies de vengeance te paraîtront des absurdités. Sais-tu ce qu’un devin a annoncé, voilà quelques semaines, au souverain de notre pays ?
- Je l’ai entendu dire, oui, dit la jeune fille. Il aurait prophétisé au Roi qu’une morte renverserait son règne.
- Que penses-tu de cela ? Crois-tu que les morts se relèvent de leur tombeau ?
- De telles choses n’arrivent jamais, murmura Shedelooan en baissant les yeux.
- Non, sourit Aulde. En effet, jamais. »


La sagesse de la vieille guérisseuse fit donc son chemin dans l’esprit de sa protégée. En quelques jours, toute morosité et toute tristesse quittèrent les yeux de Shedelooan pour se réfugier en un recoin sombre de son âme, partie d’elle-même qu’elle refusait le plus souvent d’écouter. Son humeur discrètement enjouée reprit donc le dessus, même si, une nuit de temps en temps, elle versait des larmes sur sa broche d’argent, en silence, et caressait des projets inaccessibles à propos d’une certaine fleur aux noirs parfums.

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il y a 18 ans 4 mois #8600 par Iliaron
Réponse de Iliaron sur le sujet Re: Deux-Baisers
Prologue (je ne lis que ça ce soir).

Je dois avouer être perplexe, peut-être parce que malheureusement je n'ai jamais vraiment apprécié ce ton qui me semble toujours trop festif, toujours trop irréel, comme emprunté au conte.
Je ne puis que t'applaudir car ça ressemble vraiment à un conte dans le style narratif, dans la préparation de l'intrigue pour l'instant totalement basique, et même cliché, mais comme je n'ai jamais aimé la façon de conter les contes, mes critiques s'en trouvent biaisées.

En fait, je trouve que tu as quand même parfaitement maîtrisé ce que tu voulais faire, créer un décor surréel, un destin prédit, toujours le dernier qui prédit le mal (comme toujours d'ailleurs^^ )... On ne ressent aucune peur, mais là n'est pas ton but.


Bref, un début vraiment réussi mais dont malheureusement le style choisi, aux antipodes de ce que j'apprécie, m'empêche d'apprécier le texte. Je le regrette, car je remarque une vraie maîtrise, et je pense que tu as pu transmettre tout ce que tu voulais, mais voilà, je n'apprécie malheureusement guère (malheureusement pour moi, d'ailleurs :cry: )



Désolé, mais comme on dit, des goûts et des couleurs, on ne discute pas.

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il y a 18 ans 4 mois #8601 par Eonath
Réponse de Eonath sur le sujet Re: Deux-Baisers
Bah ! Je le prends du bon côté, ça prouve que j'ai à peu près réussi mon atmosphère de conte ;)

Parave ! Toute façon, je posterai sans doute d'autres petites choses. Qui ne ressembleront pas forcément à celle-là ! Et, qui sait, ça te plaira p't'être. ^^

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il y a 18 ans 4 mois #8606 par Krycek
Réponse de Krycek sur le sujet Re: Deux-Baisers
J'ai l'habitude de jouer sur les clichés et commencer par un esprit conte pour trancher par du gore j'ai pas encore fait.... tiens ! 8) Passons, il y a juste que si tu veux faire ça il ne faut pas le faire longtemps. Pour le Roi Phoenix j'ai utilisé les 3 premiers chapitres en clichés pour endormir la méfiance du lecteur et lacher un paquet d'indices.
Mais ne tarde pas à te reprendre... disons que même le chapitre 1 est dans son style conte, du fait que l'on prend tout l'opposé :
- pauvre
- pas de chance
- innocente
- martyr
..etc
C'est dangereux si on ne le relève pas après surtout le dernier, martyr...

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