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     L’aube était à peine levée. Le ciel passait du bleu au rouge dans un éblouissant camaïeu de couleurs. Il avait beaucoup plu, la nuit dernière, aussi un arc-en-ciel se dessinait-il timidement au milieu du ciel, le chevauchant de ses couleurs vives.

     Gaston regardait par la fenêtre. Il voyait les prés verdis par les dernières pluies. Il voyait les petites chaumières, dont les trous dans les toits de chaume provoqués par les averses étaient en train d’être comblés par les paysans, il voyait les remises, encombrées d’outils, de placards, il voyait les énormes greniers remplis de paille, dans lesquels il était allé jouer avec Romain l’année précédente. Il voyait la forêt d’Andrésy, en train d’être déboisée, à certains endroits, sur ordre du baron, prétextant qu’il était facile de s’y perdre. Il voyait le ciel d’un bleu azuré, qui descendait vers l’ocre profond, parsemé de nuages blancs aux contours roses. Il percevait le gai chant des oiseaux, il humait la délicieuse senteur des jardins, entretenus en permanence par trois jardiniers.

     Il aurait aimé aller dehors, pour rejoindre toute cette gaieté, il aurait voulu y aller, pour participer au printemps, pour être au milieu de tout cet étalage de merveilles. Il aurait aimé faire partie de la fête, jouer, danser avec les autres ; aider les paysans à réparer leurs demeures, aller fouiller les remises afin d’y trouver quelque ustensile amusant, jouer dans la paille, courir dans la forêt, regarder le ciel, allongé sur cette herbe si grasse, rêveur, un brin de paille entre les lèvres, écouter les oiseaux et se promener dans le jardin.

     Mais il ne pouvait pas. Un grand bandeau masquait ses joues, son front et son manteau, et lui soutenait le bras. Un mois auparavant, un grand garçon blond l’avait attaqué, et il ne s’en était toujours pas remis. Interdiction de sortir jusqu’à la fin du printemps. Babille, quel enfer !

     Dans un grincement sonore, la porte s’ouvrit derrière lui. C’était une grosse porte en bois sombre, l’un des rares meubles qui tranchait avec le mur désespérément blanc de la chambre de Gaston. Dans le fond, son lit, sans baldaquin, en ébène. Une table de nuit en chêne et, depuis son agression, un bureau en sapin, tout comme son écritoire.

     Le vieux maître se présenta dans l’embrasure de la porte. Il faisait prendre des cours particuliers à Gaston, qui ne les suivait que parce qu’il y était obligé. Ensuite, il jouait avec son père. Il conversait avec sa mère, de temps à autre. Non pas que sa compagnie lui déplaisait, mais il se sentait moins proche d’elle que de Raoul. Et puis, ces derniers temps, elle visitait de plus en plus le village voisin. Personne ne savait ce qu’elle y faisait. Elle parlait de faire du commerce. Toujours est-il qu’à chaque fois qu’elle en revenait, elle était plus heureuse. Tout le monde ignorait de quel genre de transaction il s’agissait. Gaston, pour sa part, avait cru comprendre qu’elle montait un commerce. Mais il n’en savait pas plus sur le sujet.

"Nous en étions restés, la dernière fois, à la libération de Brionne par Gilles le Breton, c’est bien cela ?"

     Gaston n’en savait rien. Depuis son agression, il n’avait pas la tête à étudier, et cette belle nature, cette formidable journée, cet air de fête et de gaieté qui l’attirait dehors, qui l’enveloppait jusqu’à la moelle, qui le tirait à travers la fenêtre, cet air de liberté qui rôdait en lui n’était pas là pour arranger les choses.

"Oui."

"Bien. Cette fois-ci, nous allons voir la suite des exploits de Gilles le Breton. Vous avais-je dit comment Baudouin trouva son blason ?"

"Oui."

"Et vous avais-je dit s’il avait rejoint les compagnons ou non ?"

"Oui."

"Les a-t-il rejoints ?"

"Oui."

"Bien. Je vois."

"Quoi ?"

"Pour votre gouverne, Baudouin n’a pas rejoint les compagnons."

"Ah..."

     Le vieux maître traîna Gaston à travers les couloirs. L’enfant était une vraie furie. Il se débattait comme un beau diable. De plus en plus excédé, le professeur tirait fortement l’enfant par le col. Une porte, devant. Trois coups.

"Oui ?"

"Monseigneur, c’est pour votre fils."

"Allons bon."

"Figurez-vous qu’il n’apprend pas ses leçons."

"Et alors ?"

     Le professeur était interloqué. Il restait là, devant le baron, dont le visage fatigué apparaissait dans l’embrasure de la porte. Le maître tenait sa tête légèrement en arrière, dans une expression de stupeur et d’indignation.

"Très bien ! Je ne vous importunerai plus avec l’éducation de votre héritier, monseigneur !"

"C’est cela, et bonne journée."

     La porte se referma avec fracas. Lentement, le professeur baissa ses yeux, pour jeter un regard noir à son élève.

"Petit imbécile."

"On pourrait arrêter les cours ici, m’sieur ?"

"Petit imbécile !"

"Merci, monsieur !"

     Gaston se dégagea vivement de l’emprise de son maître, et s’enfuit en rigolant. Le vieil homme n’esquissa pas un mouvement. Des années de travail pour arriver à un résultat aussi pathétique ! Et le baron lui-même qui permettait à son fils de tels écarts ! Autant ne plus rester ici. C’était décidé, il partirait de cette maison de fous !

*

     Rien n’est plus morne qu’un plafond. C’est blanc, c’est terne, ça n’a aucune nuance. Un plafond n’a aucun intérêt esthétique, en tous les cas, pas celui de la chambre du baron. Quelques lézardes ici et là renforçaient l’impression de poussière qui émanait de ce plafond. Et pourtant, ce plafond, ce plafond laid, ce plafond terne, monotone et inesthétique, ce plafond, Raoul d’Annecy le regardait fixement. Allongé sur son lit et sur le dos, inerte, les bras le long du corps, les yeux écarquillés, le baron d’Annecy observait ce plafond.

     Le regard fixe, en vérité, d’Annecy pensait. Il pensait à tout ce qui le contrariait, à toutes ces choses qui nous tourmentent, à toutes ces choses qui attirent notre attention, au point de nous aveugler, au point que l’on ne pense plus qu’à elles, si futiles soient-elles.

     Elles étaient nombreuses, ses contrariétés. Trop nombreuses et trop importantes. Le fils qu’il n’avait pu garder réapparaissait dans sa vie. Au moins n’avait-il pas sa mort sur la conscience, mais cet enfant avait été éduqué, avait été monté et endoctriné contre lui et son fils à tel point que sa conscience risquait d’avoir à supporter le poids de la mort de Gaston.

     Et puis, les affaires de sa femme, de moins en moins crédibles. Elle était de plus en plus joyeuse, mais de plus en plus distante de lui, au fur et à mesure que son affaire de commerce se concrétisait, du moins d’après elle. Mais que pouvait elle bien lui cacher ? Il avait interrogé les paysans des villages proches, et tous avaient affirmé ne pas l’avoir vue depuis deux mois au bas mot.

     Et encore, Gaston, son propre fils, qui se moque des leçons de son professeur, qui néglige son éducation. Foutredieu, quelle mélasse ! Pourquoi avait-il répondu avec tant d’indifférence au professeur ? Parce qu’il s’en foutait. Il s’en foutait, que son fils passe à côté de son éducation. Il s’en foutait, que sa femme lui mente ! Il s’en foutait, de ce bâtard de gosse qui venait frapper son fils à mort ! Et il s’en foutait de ce plafond désespérément blanc qui lui revoyait une image, une réponse à toutes ses pensées : rien. Ne pas y penser. S’en moquer.

*

     Gaston marchait lentement. Un pas. Le pied gauche. Un pas seulement. Un pas de liberté, un pas qui n’était pas demandé par son maître. Un pas qu’il avait, lui, décidé de faire, de son propre chef. Le pied droit, à présent. Il fallait savourer cet instant de liberté, cet instant durant lequel il aurait dû recevoir sans y penser toutes les informations plus inutiles les unes que les autres que lui divulguait le professeur, tel un liquide suintant et putride qui s’infiltrerait par tous les pores de sa peau, qui inonderait toutes les rigoles qui couraient à la surface de son cerveau, cet instant qu’il aurait dû passer à être couvert des divagations du maître, énormes cloques intellectuelles recouvertes d’un infâme pus d’élocution.

     Le pied gauche. Devant, une porte ! Le boudoir de sa mère ! Tendre lentement le bras... prendre la poignée... et pour le plaisir, ouvrir d’un coup, et bondir à l’intérieur !

     Gaston fit irruption dans la pièce. Sa mère se retourna, et, de surprise, poussa un petit cri. Elle n’était pas vêtue de sa robe bleue moulant habituelle, mais d’une petite robe blanche, toute fine, qui laissait apercevoir ses formes, ses courbes, encore gracieuses malgré son âge. Elle était entourée par des étagères recelant des livres, anciens ou non, et adossée à une petite table basse, vide, dos à la fenêtre. La pièce respirait le vieux parchemin.

"Ah ! C’est toi ! Tu m’as fait peur !"

"Je croyais que tu étais au village voisin."

"Oui... mais non... je suis là... je lis des livres."

"Pourquoi est-ce que tu ne le dis pas à papa ?"

"Parce que... parce que j’ai besoin de calme, pour lire... et tu sais, ton père... d’ailleurs, tu pourrais sortir, s’il te plaît ? J’ai besoin de tranquillité."

"D’accord maman. Au fait. Pourquoi est-ce que la fenêtre est ouverte ?"

"Eh bien... il fait si chaud, dans cette pièce, autrement ! Tu ne trouves pas ?"

"Non."

     Quelques heures plus tard, Raoul d’Andrésy marchait d’un pas ferme, lourd et résolu vers la chambre de son fils. Il avait été mou aujourd’hui, plus qu’il n’aurait dû l’être. Son enfant avait raté les cours pour une journée, mais il ne fallait pas que cela se généralise ! Il approchait de sa porte.

     Mon fils, aujourd’hui tu as raté les cours... non. Gaston, Aujourd’hui, j’ai été particulièrement léger... non plus. De toute façon, il arrivait. Il faudrait improviser. Sans même prendre la peine de frapper à la porte, le baron s’empara de la poignée et ouvrit cette dernière, sans violence, sans douceur. Gaston était penché à la fenêtre, et humait l’air d’un air absent. Raoul se dirigea vers lui, puis le prit par l’épaule.

"Gaston."

     Pas de réponse.

"Gaston ?"

"Oui ?"

"Ecoute... aujourd’hui, tu n’as pas eu de cours... mais ce n’est pas bien... tu reprendras l’école demain."

"Alors pourquoi tu m’as laissé faire ce que je voulais aujourd’hui ?"

"Parce que... parce que j’ai beaucoup de problèmes en ce moment, je suis tracassé... et il faut que je parle à ta mère, mais elle n’est toujours pas rentrée."

"Si tu veux lui parler, elle est dans son boudoir."

"Ah ! Et depuis quand ?"

"Depuis ce matin."

     Raoul observait son fils. Etait-il possible qu’il dise la vérité ? Gaston était l’être qu’il avait le plus cher au monde. Pouvait-il admettre un mensonge de sa part ? Qui croire ? Que décider ?

"Qui t’a dit ça ?"

***

     D’Annecy courait à travers les couloirs. Parbleu, si vraiment sa femme était en ces murs, il aurait des raisons de se poser des questions. Vite, courir. Les torches défilaient à ses côtés. L’escalier apparaissait enfin, au bout du couloir. Courir, courir. Michel apparaissait, un plateau à la main. Le baron ralentit.

"Michel ?"

"Sire ?"

"Mon épouse est bien partie dans les villages avoisinants ?"

"Assurément, monseigneur. Je l’y ai accompagnée ce matin."

     Raoul bouscula son serviteur, et continua sa route, de plus en plus excédé. Qui croire ? Le fils ? Le serviteur ? Tout trouverait son explication, dans le potager, face à la fenêtre du boudoir de sa femme. Il ralentit un peu. Au fond, était-il certain de vouloir la connaître, cette vérité ? Que pouvait donc bien lui cacher sa femme ? Et, dans le cas où Michel dirait vrai, que penser de son fils, qui lui mentait sur le compte de sa femme ? Pourrait-il supporter tout ce qui se tramait dans son dos ?

     La porte du potager se présentait devant lui. Une lourde porte de bois vermoulu, cerclée de fer. Un battoir en forme de gueule de loup permettait de l’ouvrir. Raoul tendit sa main vieillie par les années, sa main parcourue de veines protubérantes, cette main recouverte par une peau, constellée de tâche brunes, une peau si relâchée qu’elle laissait apercevoir les phalanges.

"Au revoir, monsieur."

     Le baron s’arrêta dans son mouvement. A sa droite se tenait le professeur de son fils, vêtu de son éternelle tunique blanche, salie au bout, son écritoire en bandoulière derrière le dos, et une liasse de parchemins sous le bras.

"Pourquoi au revoir, mon bon ?"

"Parce que je vous quitte, monseigneur."

"Vous nous quittez, vraiment ?"

"Vous, et toute cette maisonnée, mon seigneur. Adieu."

     D’Annecy ne sut que répondre. Il restait là, le corps droit, le bras tendu, la tête tournée vers la droite dans une expression d’étonnement et d’incompréhension. Le professeur attendit une réponse de sa part pendant quelques secondes puis, impatient, se dirigea vers les portes principales. Il s’y présenta, mais les gardes hésitèrent sur la marche à suivre.

"Devons-nous lui ouvrir, monseigneur ?"

     Le baron n’esquissait aucun mouvement. Il restait là, immobile, telle une statue. Les deux paysans en armes crurent bon d’accéder à la demande du vieil instituteur. L’un d’entre eux monta le petit escalier qui jouxtait la porte. Petit à petit, la herse se mit en branle, puis, quand elle fut assez élevée, le second garde ouvrit la porte au maître, qui sortit sans mot dire.

     D’Annecy ne réagit toujours pas. Le professeur parti, plus personne ne pourrait s’occuper de l’éducation de qui que ce soit. Il y avait bien un monastère, à quelques kilomètres du château d’Annecy, mais il était hors de question d’y envoyer Gaston, dans l’état où il se trouvait. Bon, il faudrait bien l’ouvrir, cette porte. Il faudrait bien voir si sa femme le trompait où non.

     Le fallait-il vraiment ?

     L’heure de déjeuner était passée. Camille avait préparé une soupe de fèves, avec quelques morceaux de lard. Il y avait peu de viande, car la plupart des villageois étaient employés à abattre la forêt d’Andrésy. Ils n’avançaient pas très vite, et s’ils continuaient ainsi, la récolté céréalière serait mauvaise, cette année. La soupe fut bonne, le lard aussi. Raoul d’Annecy avait entamé se promenade digestive dans la forêt. Il était seul, sur son cheval. Aucune de ses gens ne l’avait accompagné, sur son ordre. Il désirait être seul.

     Sa monture avançait lentement. C’était un pur sang brun, à la crinière blanche. Il avançait lentement. Son cavalier n’avait pas la tête à galoper.

     Ils traversèrent ensembles de vastes clairières herbeuses, ou de grands parterres de champignons, ils croisèrent des nids d’abeilles, passèrent devant un chêne centenaire, dont les branches comme les racines torturées s’étendaient à plusieurs mètres à la ronde. Il longèrent de longs affleurements rocheux, passèrent devant quelques arbres fruitiers, aperçurent des grottes sans doute habitées par de féroces animaux. Ensemble, ils traversèrent la forêt jusqu’au château d’Andrésy, dont le seigneur était un vassal de Raoul d’Annecy.

     Ils traversèrent champs et pâturages, longèrent collines et montagnes, traversèrent quelques villages, jusqu’à ce que la fatigue les gagne.

     Enfin, ils firent demi-tour, et s’enfoncèrent à nouveau dans la forêt. Enfin, après une heure de route sur le chemin du retour, le baron perçut le doux clapotis d’un ruisseau. Il stoppa sa monture, et mit pied à terre.

     Le soir tombait. Il faisait encore jour, mais la couleur azurée du ciel commençait à se teinter de brumes. Gaston regardait encore par la fenêtre. Il avait vu le maître partir, il y avait quelques heures de cela. Tant mieux ! Ce vieux croûton cesserait de lui faire perdre son temps ! Mais à présent, il attendait le retour de son père. Comme celui-ci tardait ! Comme la maison paraissait vide, sans lui !

     Enfin, une tâche brune se détacha de l’immensité verte de la forêt d’Andrésy. La tache s’approcha. Gaston reconnut le cheval de son père, sans cavalier. Il bondit de joie : lorsque son père faisait ça, c’est qu’il avait quelque chose d’important à lui dire, en cachette. Gaston sortit de sa chambre en quadruple vitesse, fonça à travers les couloirs, dévala l’escalier, et enfin se présenta devant la porte d’entrée.

"Ouvrez les portes, s’il vous plaît."

     Les deux gardes le regardèrent sans mot dire.

"Ouvrez les portes."

     L’un d’eux fit un pas en arrière, mais se ravisa, et ramena sa jambe à sa position d’origine.

"Je vous somme d’ouvrir cette porte !"

     Enfin, le garde muni d’une épée se précipita à l’étage. L’autre continua d’observer le jeune homme d’un air dubitatif. Enfin, la herse se leva. A peine s’était elle élevée d’une trentaine de centimètres que Gaston s’élança en dessous, non sans s’écorcher le bras emmailloté dans du tissu, et ouvrit la grande porte. Le destrier l’y attendait. Il avait l’habitude.

     A présent, il fallait le monter. Avec un bras en charpie, cela n’allait pas être simple. Mettre le pied gauche sur l’étrier. Le bras gauche sur la selle. Pousser ! Han ! Passer la jambe de l’autre côté. Puis foncer ! Sa monture connaissait le chemin ! Elle avait déjà fait ça à plusieurs reprises : son maître le laissait, il rentrait au château, Gaston montait dessus, puis le cheval l’amenait à Raoul.

     Ils passèrent au beau milieu d’un groupe de paysans qui s’évertuaient à abattre des arbres. Ils s’y mettaient par groupes. L’un montait, muni de cordes, jusqu’à mi-hauteur. Il accrochait les cordes, puis les lançait à ses compagnons et redescendait. Tous alors tiraient sur les cordes pour déraciner l’arbre. Une fois cela fait, il fallait le couper en tronçons. Des paysans avec d’énormes haches le faisaient. Ensuite, il s’agissait de charger les rondins sur des attelages tirés par des bœufs, qui ramenaient le bois au château, où il serait coupé en petites bûches pour l’hiver, ou en planches, en prévision des réparations à venir. Ils étaient une centaine, ainsi, grimpant, tirant, coupant, chargeant. Une centaine à suer de partout selon le bon désir du seigneur, une centaine à se faire des cloques, des ampoules et des courbatures.

     Le cheval et Gaston continuèrent leur chemin. Ils passèrent quelques fourrés, puis, au beau milieu de la forêt, stoppèrent près d’un ruisseau. Gaston descendit de cheval.

     Il s’approcha du cours d’eau, cherchant son père. Il le vit, allongé sous l’eau, droit et fier, les bras repliés sur la poitrine, tenant fermement l’épée dans l’alignement du corps. Les yeux fermés, il ne bougeait plus. Seuls quelques pans de sa tunique dansaient lentement, portés par le roulis de l’eau.

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