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Les trois eldars retinrent leur souffle. Les tyranides les cherchaient. Dans la salle adjacente, ils entendaient le léger bruit des griffes sur la chair du Vaisseau-Ruche, le souffle régulier qui sortait des naseaux des créatures et l’imperceptible bruissement de leurs narines. Tout indiquait dans les sons qu’ils entendaient que l’on les avait repérés. Seul le fait que leurs tripes ne soient pas encore répandues sur le sol et que leurs cerveaux soient toujours dans leurs boîtes crâniennes indiquait que l’Esprit de la Ruche n’avait aucune idée d’où ils se trouvaient. Puis les bruits décroisèrent, avant de disparaître. Amgear risqua un rapide coup d’œil en ouvrant la porte de chair. Comme il l’avait supposé, les tyranides avait déserté l’endroit. Tout en tenant son canon plasma de ses deux mains, il poussa du bout du pied le morceau de chair qui tomba, faisant entendre un bruit mat qui résonna aux oreilles des eldars. Le Capitaine sortit et jeta un regard suspicieux dans la grande salle sur laquelle débouchait l’artère où il se tenait. Sans qu’il n’eut besoin de prononcer une parole ou d’esquisser un geste, Therver et Fiolas sortirent dans un silence absolu. D’un bond, Amgear entra dans la Salle des Corps, quittant ainsi le tuyau situé à une cinquantaine de centimètres du sol. Il se cacha avec empressement derrière un cocon mais aucun bruit ne lui parvint, confirmant pleinement ses hypothèses. Alors, il aperçut le corps contre lequel il s’était appuyé. C’est un homme aux longues griffes qui partaient de ses doigts, au corps à demi-humain, à demi-bestial. Mais la tête reposait dans les fils transparents au niveau de la hanche, elle avait été coupée, causant à coup sur la mort de l’humain.

Bizarrement, Amgear eut envie de voir ce qui était arrivé à cet être, car ses traits figés exprimaient un immense regret et un évident soulagement face à la mort. Tout en se " glissant " dans ses pouvoirs psychiques, l’eldar se sentit attiré par l’homme. Puis, il fut aspiré vers la tête décapitée. Il fonça dessus et, lorsqu’il la percuta en plein front, sombra dans une inconscience irresponsable, car à présent, il n’était plus qu’un témoin, un observateur, un spectateur, rien de plus...

" Je suis...Mais que suis-je en fait ? Un être, un être vivant, j’en serais certain tant que mon cœur battra dans ma poitrine. Mais que suis-je d’autre ? Un humain ? J’en ai l’apparence mais pas l’esprit. Alors ? Je suis...un meurtrier, un assassin, un monstre, un tueur ou pour employer le terme exact : un Bourreau. Quelle est la différence ? Un autre nom, la même action : tuer. Un Bourreau tue pour la justice ? Le seul fait de tuer est un crime, alors pourquoi tuer celui qui a tué ? Je ne suis rien, pas même un homme, je ne suis qu’une parodie de l’humain, je n’ais rien de lui...Et pourtant, encore une fois, me voici confronté au choix que j’ai fait, il y a des années, et qui m’a fait renier jusqu’à la moindre parcelle d’humanité que j’ais eut la chance de posséder. Une fois de plus, je vais tuer, Tuer avec un grand T ; car je tuerais pour soi-disant une noble cause, pour la justice pour le Bien...Balivernes...Mensonges et tromperies caché sous un habit, sous une capuche de noir et rouge, couleurs qui reflètent le sang dont est couvert mon corps et la noirceur de ma pensée.

Ça y est, j’ai revêtu le vêtement, je suis devenu le Bourreau, car dans mon cas, l’habit fait bel et bien le moine. Et bientôt, le Bourreau accomplira son œuvre, tuant encore un être, soit coupable des pires atrocités, soit innocent, mais peu importe, car je n’ais qu’un seul but : tuer. Aujourd’hui, c’est encore un homme qui doit mourir, ils sont fourbes et violents, ils...ils...Mais que fais-je à dénigrer ce modèle de la nature alors que je n’en suis qu’une pâle imitation. Je ne vaux pas mieux que le dernier des derniers et pourtant je continue à vivre, dans cette vie que j’ai gâchée, dans ce monde que je souille par ma présence et parmi ces êtres que je tue un par un. Alors pourquoi suis-je encore dans cette vie semblable aux pires tourments des six cent soixante-six abysses ? Car j’espère, j’espère pouvoir, un jour, changer. Devenir quelqu’un d’autre que l’horrible monstre dont j’ai l’esprit mais pas l’apparence.

Enfin !!! ...Je quitte à présent ma retraite, cette pièce qui me sert d’habitat, d’antre, de repaire... Je traverse le couloir ; celui que mes victimes ont l’habitude de nommer le Couloir de la Mort. Je crois que je les comprends, pour moi aussi, c’est devenu le Couloir de la Mort ou plutôt le Couloir de l’Agonie, car à chaque fois que j’y fais un pas, je meurs. Je meurs à petit feu, lentement, consumé par mes crimes...crimes soi-disant justes et bons.

" Je pense donc je suis ", cette phrase, cette évidence, a telle un contraire ? " Je tu donc je ne suis plus. " Oui, voilà ce que je suis, non, ce que je ne suis plus. En fait, je n’ai jamais été. " Je suis un bourreau donc je ne suis pas, je n’ai jamais été, et ne serais jamais. " C’est tout, cette phrase c’est moi...Et jamais je ne serais car je ne pourrais changer...Je suis trop faible, c’est pour ça que j’ai été choisi. C’est parce que je n’ai rien, ni caractère, ni valeurs, ni morale, ni volonté, ni détermination...Du moins n’avais-je pas de jugement du Bien et du Mal avant. Car maintenant, je sais ce qui est Mal : tuer comme je le fais c’est le Mal ; tout le reste c’est le Bien.

Pourquoi certains débattent de ce qui est Mal et de ce qui est Bien ?

Mais d’autre diront que c’est l’acte de tuer en général qui est mauvais. Non, car ceux qui ont fait de l’assassinat, la tuerie ou la guerre leur métier, on toujours le choix. Celui qui, dans l’armée, reçoit l’ordre d’aller se battre et de tuer a le choix ; l’assassin de fortune a le choix, mais moi je n’ai pas le choix. Ou plutôt je l’ai eu le choix et je n’ai pas su faire le bon, maintenant, je suis pris dans un tourbillon sans fin...

Ça y est, je suis sortit, je suis dehors. Le soleil brille et seules quelques taches blanches viennent faire ressortir l’éclatante couleur bleue du ciel. Un beau jour pour mourir, c’est certain...Bien qu’il n’y ait jamais de beau jour pour rendre l’âme. Surtout pour mourir ainsi ; tué sans avoir la chance de se défendre, de la façon la plus misérable : à genoux, la tête sur un billot de bois.

Le chariot qui doit m’emmener vers la mort est là. Avec le condamné, lui aussi va vers la mort apparemment. Je monte dans le véhicule et il se met en route. Avant de m’asseoir en face du détenu, je soulève le couvercle d’un coffre et en sort la Maudite. Puis, je laisse tomber le rabat et m’assoit dessus. Ma hache entre les mains, j’observe ma prochaine victime, enfin je suis aussi ma prochaine victime, car à chaque meurtre, je perds un peu de moi-même.

Je le regarde, il me regarde, nous nous regardons.

Cependant, je ne saurais dire pourquoi, son regard me trouble. Il n’est pas comme les autres. Je baisse les yeux et alors je comprends : cet homme me pardonne. Alors que les autres me détestent, me supplient ou me haïssent, lui, il me pardonne. Son regard est plein de compassion, de compréhension, d’amour ; cet homme a compris que je n’y suis pour rien...Enfin, j’y suis tout de même responsable, mais comment dire ? Il me pardonne, c’est suffisant. Brusquement, je relève la tête et le regarde. Je lui souris. Je sais qu’il m’a compris, même s’il n’a pas vu mon sourire. À son tour, il sourit ; c’est merveilleux ! C’est le premier qui sourit face à la mort, il a compris qu’un jour où l’autre, il devra mourir.

Autour de nous, la foule amassée sur les bords du chemin reste silencieuse. Pourtant lorsqu’il s’agit de criminels ou d’hérétiques, elle hurle et vocifère. L’homme devait être aimé par tous, un homme comme qui j’aurais voulut être.

Finalement, le chariot arrive à l’échafaud. C’est toujours ainsi, je monte les marches avec ma hache, le condamné les montes derrière moi. Il se met la tête, ou on la lui met, sur le billot de bois. Je lève ma hache, je l’abats, redescends, repart et rentre dans ma cellule pour pleurer. Pourtant, là, quand je monte les marches, je tombe. Rien de grave bien sur, j’ai simplement buté sur une marche. Mais alors que je me relève, je vois une main tendue devant moi. Sans réfléchir, je m’y agrippe. Une fois debout, je me rends compte que c’est ma prochaine victime qui m’a secouru.

Alors je pleure.

Rien d’exagéré, comme j’en ai l’habitude. Un petit pleur, un hoquet de tristesse qui fait rouler deux larmes. Puis, je le regarde. Encore une fois, je lis dans ses yeux, un pardon et un amour incommensurables. Le condamné se retourne après un long moment, s’agenouille et pose sa tête de plein gré sur le morceau de bois. Soudain, je comprends...cet homme ne doit pas mourir. Tous les éléments s’enchaînent pour me le dire. Je m’approche de lui. Je le pousse et place ma tête à la place de la sienne. Je regarde le ciel devenu brumeux, les nuages et le soleil, lève ma hache au niveau de ma gorge en la tenant aux deux extrémités.

Au moment précis où je vais la lâcher, je sens la haine naître en moi ; bizarrement, des griffes poussent à une vitesse ahurissante au bout des mes doigts. Je vois mes muscles gonfler, devenirs plus puissants, plus bestiaux. Je ressens un sang agressif, brutal et violent couler dans mes veines. La Bête est en moi ; jamais je n’ai connu cela mais je sais que c’est la manifestation de la Bête, de la Nature sauvage et indomptable. Cependant, j’ai toujours des regrets, regrets d’avoir tué, tué et encore tué. Mais que puis-je contre la force qui m’a enfantée ? Pourrais-je vaincre mes instincts qui ont été inscrits et gravés dans mes gènes depuis le jour où la créature qui me sert de père a violé ma mère ? Je me tort la tête pour voir la réaction de ceux qui entourent l’échafaud. Ils sont tous effrayés. Dans leurs visages, je lis la haine, la peur et l’incompréhension. Ils me craignent car je suis différent ; je suis un hybride mais qu’y puis-je.

Je regarde de nouveau l’homme qui aurait du être une de mes victimes. Il me sourit encore, un sourire de compréhension et d’amour.

Je place le tranchant de la hache à une dizaine de centimètres de mon cou

Avant que je ne lâche mon arme, l’homme murmure ces quelques mots :

-Tu seras pardonné..."

Le retour à la réalité fut brutal et sec. Amgear réintégra son corps alors que défilaient encore dans son esprit des images sanglantes, emplies de tristesse et d’amour. L’homme qui flottait à présent entouré par les fils translucides était un hybride. Fils d’une créature tyranide et d’une humaine. C’était une véritable bombe génétique. Durant des années il avait dû vivre normalement ; les seules traces de son origine auraient été son comportement et ses troubles mentaux. Cette soif de meurtres refoulée, cachée, dissimulée derrière des remords quasi-sincères. Et puis, l’arrivée de La Flotte-Ruche aux alentours de sa planète natale avait du agir comme un détonateur psychique, déclenchant la mutation de l’homme en un hybride. Mais la parcelle d’humanité qui subissait en l’humain l’avait poussé au suicide plutôt qu’à faire du mal à ceux qu’il enviait. Ce que Amgear n’arrivait pas à expliquer s’était la présence de ce cadavre dans le Vaisseau-Ruche. Les tyranides n’enterraient en aucun cas leurs morts ; alors de là à les mettre dans une salle réservée aux des futures expériences génétiques...

Amgear continuait à s’interroger lorsqu’il remarqua enfin l’absence de Fiolas et de Therver. Son premier réflexe fut de les appeler mais des milliers de jours passés en guerrier sur une planète harcelée par les tribus nomades orks alors qu’il n’était encore qu’un Exodite lui firent reprendre ses habitudes qu’il avait perdues après des années de pilotage. D’un œil avisé il examina les bosses et les dépressions de la chair ; à la recherche d’une trace tyranide ou eldar. Cependant rien ne trahissait la présence ou la disparition de ses compagnons.

Il était seul parmi les morts...seul vivant parmi les défunts...

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