Ils sont entrés tous les deux, elle est restée effacée derrière la
ruelle, elle aussi les gardes l’ont laissée passer peu après, quand le
chef de la secte ne pouvait plus la voir. Elle n’avait pas été là pour
protéger Fadamar lorsqu’il était tombé dans ce piège et à présent qu’il
escortait un personnage aussi dangereux, aussi imprévisible en plein
milieu d’un quartier aussi fourbe, L’apprentie ne voulait plus le
quitter d’un pas. Il lui avait fallu rester dehors pourtant, à
l’intérieur qu’aurait-elle pu faire ? La Garde Sombre s’y trouvait,
mieux valait pour elle se faire discrète, et attendre. Elle avait toute
confiance en Fadamar.
Ce chef de secte ressemblait aussi à un
mendiant, un mendiant gras voilà tout. Elle les vit sortir, Fadamar, ce
chef et son acolyte qui avait manié cette incompréhensible énergie.
Elle comprenait moins ce que c’était que le moyen dont il avait usé
pour la manier, quand plus personne d’autre n’arrivait même à
rassembler les énergies. Son attention revint au chef, alors qu’elle
les suivait cette fois par les rues puis à distance des douves, en
direction du pont-levis abaissé des années durant de la Lumière de
cendres. Ils les conduisaient à l’intérieur du château, non, il se
faisait conduire à l’intérieur lui et son acolyte. L’apprentie
assassine le devinait trop bien aux airs indifférents de ce personnage.
La secte, la rumeur de l’invocation, la disparition des énergies, tout
cela était lié en un seul homme et cet homme se promenait tranquille à
peu de distance d’elle. Celui-ci dit :
- Tu sais les rats ça fait plutôt et il fit le bruit du rat.
Celui-là répondit :
- C’est bien, tu seras détendu même devant la mort.
Le premier :
- Oh, j’t’ai vexé ?
Le
second allait répondre quand devant eux les portes de la Lumière de
cendres grincèrent, leurs gonds jusqu’alors silencieux glissèrent en
geignant, les deux battants coulissèrent en avant et s’ouvrirent tirés
par les masses d’hommes, le bruit couvrait leurs voix, ils essayaient
de se parler encore tandis que les portes se descellaient à grand
bruit, elle se rapprocha encore, elle ne les entendait pas, elle se
rapprocha et le devin la vit, le devin lui sourit alors que le bruit
devenait assourdissant, le bruit cessa comme dans un claquement de
couverture.
Vlad arrêta là sa lecture. Il renifla longuement, l’air bête sur ce
manuscrit refermé dont les mots ne faisaient plus sens du tout.
Avachi
dans un des sièges du petit salon devant lui son compagnon chroniqueur
chassait une mouche imaginaire. Quirinal dut dire quelque chose pour
plaindre l’être gras qu’était ce Quill, puis il chercha des yeux le
Libra, le trouva, se demanda pourquoi ce livre aurait jamais pu
disparaître.
« Même reconstituée cette histoire ne fait pas beaucoup de sens, tu ne trouves pas ? »
Le
drogué secoua la tête de haut en bas, renifla encore plus fort plus
longuement et puis la laissa retomber sans force avant de reprendre :
« T’as pas l’esprit ouvert, Quir’ ! »
« Il n’en demeure que mon souvenir était… différent. »
Quirinal
se leva, s’étira comme après toutes les lectures qui l’absorbaient un
tant soit peu, ou comme après une sieste. Il nota que ses lunettes
avaient glissé par terre, il les ramassa et prit bien soin de les
nettoyer. De son côté Vlad fouillait sa bourse l’air désolé.
Le
petit salon des Chroniques avait à peine changé, le même désordre rangé
en hâte, la porte toujours pendante même une fois remise en place, les
armoires pleines de vaisselle et de verres, de bouteilles au fond. La
lumière avait dérivé un peu, à force de temps, il n’en faisait pas
moins clair.
« Eh, Quir’ ! La porte, elle s’est ouverte ! »
Le
chroniqueur comprit et, un doigt hautain pour rehausser son visage, il
pressa le pas suivi de Vlad dans les couloirs du château, en quête de
la bibliothèque.
70 - Pion, aux portes
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- Écrit par Vuld Edone
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