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Les Chroniques ressemblaient aux Chroniques, quelques heures de lecture n’y avaient rien changé. Les torches continuaient de brûler là où ils en avaient rallumé et tous deux l’un derrière l’autre parcouraient nonchalamment les couloirs de pierre. Tout allait de soi, les portes du château étaient ouvertes, parce que c’était dit dans le texte.
C’était facile, en fait. Leurs habitudes rôdées bien avant qu’ils ne reviennent les guidaient à leur place au hasard des portes et des corridors, sans que l’un ou l’autre puisse dire exactement les pièces qui étaient accessibles avant et celles qui ne l’étaient pas. Il leur apparaissait simplement normal de s’y déplacer, comme ça.
« Nous devrions aller aux archives. Les intrigues et les drames attendront, ma curiosité me pique concernant le titre de ce texte. »
Quirinal faisait toujours référence à l’histoire qu’ils venaient de lire, les heures précédentes, et qui leur permettait désormais de se promener plus librement chez eux. La solitude leur pesait encore, un peu, mais ils se sentaient respirer à présent. Un courant d’air n’aurait pas fait meilleur effet.
Le docteur, ses lunettes ajustées au nez, voulait parler des gigantesques caves au plus profond des Chroniques, sous les fondations successives de l’ordre et qui contenaient les documents les plus anciens, toutes les copies et en termes plus récents, toutes les sauvegardes.
Plus loin, la prochaine porte lui résista.
Il força un peu, se rappela une mésaventure et au lieu de pousser la porte, il la tira. Elle s’ouvrit sur un corridor tout de blanc laqué, sans la moindre lampe ni la moindre bougie mais lumineux malgré cela. Leurs chaussures quand ils y entrèrent rendirent un bruit étourdissant. Un des chroniqueurs avait dû décorer ce coin, il ne se rappelait pas lequel.
« Eh, Quir’ ! » lui lança Vlad. « Ce s’rait pas chez toi ? »
« Non. »
Répondit sèchement Quirinal. Peut-être cet endroit ne correspondait-il à personne, tout simplement. Pour que tout soit si propre, si sobre, il fallait manquer désespérément de personnalité. Comme l’effet d’une gomme.
Ils continuèrent tous deux, le drogué dans le dos du docteur, à s’écouter marcher jusqu’à un grand hall ouvert sur trois balcons d’étages et rempli de bureaux. La lumière perçait ici et là, non plus celle artificielle d’une flamme ou d’un néon mais les rayons du soleil. Des fenêtres donnaient sur les étages au-dessus du hall.
« Tiens, nous ne sommes pas loin des presses. Je me demande si les machines y sont toujours. »
« Déjà oublié les archives ? Le p’tit Quir’ ‘sait pas c’qu’y veut ! »
« Ici ou ailleurs, de toute manière… »
Le docteur suspendit sa phrase indéfiniment. Il se rappela vite pourquoi les airs moqueurs, en général indifférents de Vlad l’exaspéraient. Et puis quoi ? Il n’y avait rien de plus à dire, tous deux se remirent en route sans attention pour le gigantesque plan du château exposé au centre du hall sur un mur de cristal. C’était chez eux. Même sans mémoire exacte, et même après tout ce temps, ces lieux ils les connaissaient.
Quelques enjambées et coins de couloirs les emmenèrent jusque devant la salle des presses, l’une des imprimeries des Chroniques. Un chariot sur roulettes, tout de fer, avait été abandonné devant les portes à double battant. Il reconnut ces portes pour les avoir ouvertes un nombre incalculable de fois. Ses gestes furent naturels, jusqu’à ce que la porte lui résiste. En avant en arrière, un battant ou l’autre, ils lui résistaient.
« Encore un de ces verrous magiques, » remarqua Quirinal.
« Pas sûr, pas sûr ! »
Tandis que Quirinal insistait, Vlad avait appuyé la tête contre le battant le plus près. Il s’était mal appuyé et son corps avait repoussé le chariot mais malgré cela le drogué entendait parfaitement, dans la fente, le loquet. Quelqu’un l’avait verrouillée à l’ancienne.

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