Difficile d’y croire, et pourtant : un chroniqueur avait utilisé la
serrure d’une des portes au château des Chroniques. De mémoire, ce
n’était plus arrivé depuis… était-ce seulement arrivé ? Les occupants
avaient fini par se demander si elles servaient vraiment à quelque
chose, ces serrures, la partie la plus rouillée du château.
Ils
n’avaient plus accès à la salle des presses. Quirinal haussa les
épaules, les clés se trouvaient régie, à l’administration et à dire
vrai il ne tenait pas plus que tant à retrouver cette pièce. Lui-même
ne s’y rendait presque jamais, autrefois. Près de lui Vlad paraissait
également indifférent. Il aurait traîné ses haillons n’importe du même
pas égal.
« Assez perdu de temps. Les archives nous attendent. »
Un bruit désagréable détrompa le docteur.
« Eh eh eh ! » Fit Vlad, « la cuisine d’abord ! »
« Je suis un homme de lettres, les contingences ne me touchent pas. Je me nourris de livres. »
« Ben v’là où y sont tous passés ! »
Il
allait rétorquer quand, et si c’était vrai, après tout ils étaient aux
Chroniques. Mais il lui semblait qu’avoir ouvert les portes leur
permettrait d’avoir très vite le fin mot de l’histoire. La faim
attendrait.
Le drogué sur ses talons, Quirinal repartit en direction
du hall, avec l’intention de prendre les escaliers vers les sous-sols.
Invention bénie des escaliers qui n’avaient pas de porte. Derrière eux
la large porte des presses trembla, la poignée tourna bloquée par son
verrou, puis il y eut un déclic et la porte s’ouvrit.
Tous deux
retrouvèrent le hall tel qu’ils l’avaient toujours trouvé au fil des
ans. Ce n’était pas la partie du château que le docteur fréquentait le
plus, les lieux lui semblaient trop neufs, trop espacés. Il n’aurait
plus manqué que le parquet ciré au lieu du dallage. La carte verticale
se livrait à leurs yeux, gigantesque. Vlad s’en approcha et, bave à la
lèvre, se mit à la parcourir du doigt. Il n’arrivait guère plus qu’à
désigner les lieux de loin.
« Nous on est là ! »
« Non. »
« Mais ici c’est là ! »
«
Non Vlad » lança son compagnon chroniqueur le soupir au visage. Il
était déjà aux escaliers, ouverts dans un coin, et qui descendaient en
colimaçon. Ils auraient dû garder leurs torches, le passage était
sombre. Puisqu’il fallait y aller, Vlad se décrocha de sa
contemplation, traîna son air bête jusqu’aux premières marches.
Un
étage plus bas, ils trouvèrent l’accès muré, avec une note accrochée
sur la brique fraîche. « Je vais me courroucer » fit remarquer Quirinal
en arrachant la note sur feuille large. Le drogué dans son dos se
tendit pour voir par-dessus son épaule, ce qui était impossible dû à
leurs tailles respectives. L’odeur du loqueteux était abominable, il
l’aurait volontiers jeté bas les marches s’ils n’étaient pas déjà au
fond du passage.
Le chroniqueur eut beau coller son nez contre la
feuille et ajuster plusieurs fois ses lunettes, il n’arrivait pas à
lire dans la pénombre des escaliers. Le papier était neuf, encore
rigide. Il n’avait pas souffert de l’humidité, récent donc. Une
étincelle de réactions passa sur la face du drogué. « Eh Quir’ ! »
lança-t-il en agitant les bras, sans que son compagnon daigne se
retourner. Cela le frustra. Il fit la moue, puis d’ennui, lui écrasa le
pied.
Il obtint l’attention de son ami, le temps au moins de lui
dire que ce papier devait venir de la salle des presses. « Et c’est
pourquoi tu m’as écrasé le pied ? » demanda ce dernier avant de se
rendre compte qu’il avait ironisé. Cela le fatiguait, aussi, que le
drogué ait toujours raison. Il avait ce défaut d’une perception aiguë
qui ridiculisait souvent le docte Quirinal.
Cette question réglée,
il était vain de rester. Le mur n’allait pas s’écraser dû à leur
présence. Ils remontèrent tous deux lire la note à la lumière de la
lumière. Revoir le hall pour la troisième fois d’affilée avait quelque
chose de lassant mais le docteur passa outre. Il était intéressé
surtout de lire un mot d’un autre chroniqueur.
72 - Ouvert, encore
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- Écrit par Vuld Edone
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