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C’était Naïa. En lisant la signature au bas de la note, dans le hall, les deux chroniqueurs s’échangèrent un regard. Ce nom ne leur revenait pas. Pourtant l’écriture leur était familière, le ton aussi, ce ton mi-agressif et mi-hautain. Mais ils ne se souvenaient pas d’une chroniqueuse nommée Naïa.
Heureusement leur compagne, bien qu’absente, avait le don de dire les choses franchement. Aussi avait-elle pris une page entière pour expliquer le pourquoi du comment elle avait trouvé bon de murer cet escalier. Le comment surtout était intéressant. Elle avait utilisé le Libra. Aussitôt Quirinal tourna sur son compagnon un regard inquisiteur et ce dernier, dans ses loques, mit quelques secondes avant de comprendre ce qu’il voulait.
Il fouilla dans ses haillons et en tira l’ouvrage à la reliure sans titre qu’ils connaissaient encore si mal. Tout devait tourner autour de cet ouvrage, comme dans ces intrigues de livres qu’ils passaient leur temps à inventer – à écrire aussi, parfois. À tout hasard Vlad l’ouvrit et fouilla parmi les pages, des fois qu’il y aurait une trace de la chroniqueuse dedans. En vain.
Le pourquoi ne manquait pas non plus d’intérêt.
« Alors ! Alors ! » le pressa le drogué. Face à lui, docte, Quirinal rajusta ses lunettes : « Permets-moi de la citer. » Il cita : « Ne touchez pas aux archives avant mon retour. » Ce qui constituait la première phrase de la note. De son air bonhomme le docteur continua. Il parcourait la feuille du regard et résumait de temps à autres.
La chroniqueuse avait dû revenir bien avant eux au château. Si la note expliquait assez bien tout ce qu’elle avait fait, le fin mot de tout ce qui se passait aux Chroniques lui semblait une évidence, puisque nulle part cela n’était expliqué, seulement sous-entendu. Ainsi disait-elle être venue chercher le Libra, puis sur le même ton, elle avait protégé les archives en attendant d’autres chroniqueurs.
Mais sans carte pour la guider et attaquée sur tous les fronts, elle avait dû prendre une initiative. De quels fronts elle parlait, cela dépassait les deux chroniqueurs. Ils ne cessaient de se regarder l’air confus, un peu bêtes tous les deux à essayer de démêler cette histoire. Au final, la chroniqueuse était allée récupérer quelques livres dans un livre, comme ils l’avaient fait eux-mêmes ou du moins, comme ils avaient tenté de le faire.
Quirinal soupira. En post-scriptum, cette Naïa avait abrégé que le pouvoir du Libra dépendait du nombre de livres dans les archives.
« Ce qui explique, cela va de soi, la nécessité d’en murer l’accès. »
« C’d’un bête ! Des accès, y en a des tas. »
Cette remarque laissa ce bonhomme de Quirinal muet. Il soupira encore agacé mais n’en montrant rien que le loqueteux ait une fois de plus remarqué quelque chose qui lui échappait. Parmi les innombrables passages menant aux archives, elle avait choisi de n’en murer qu’un. Ou bien ils trouveraient d’autres murs avec d’autres notes mais le bonhomme s’attendait plutôt à ce que bloquée comme eux dans un espace réduit des Chroniques, elle n’ait eu que cet accès-là.
Il fallait donc envisager que ces sceaux sur les portes, qui empêchaient de les ouvrir, étaient bien l’œuvre des chroniqueurs et qu’elle n’avait fait que les compléter. Le chroniqueur chassa toutes ces pensées qui ne menaient pas bien loin. Les réponses arriveraient en temps voulu. « Retrouvons-la » dit-il simplement à l’adresse de Vlad. Le gargouillis de son estomac lui proposa une autre course d’action.
Le loqueteux un doigt aux lèvres tendit le cou en direction de la note, puis la chipant à son compagnon il alla jusqu’aux bureaux du hall, qui formaient un cercle au centre, et la plaqua dessus avant de tirer un crayon de sa bourse. Il se mit à écrire au verso.
Son ami n’arrivait pas à sa hauteur que le drogué repartait d’un petit rire en direction des escaliers, pour y plonger, il sembla à Quirinal que son ami tombait le long des marches jusqu’au mur où il devait reposer la note, et il l’attendit bras croisés sans le suivre. Mais un détail l’avait frappé. Il revint sans attendre Vlad aux bureaux.

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