Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Jamais à sa connaissance les bureaux du hall n’avaient servi, à plus forte raison parce que personne ne s’y était jamais tenu. Tout comme la salle des presses, seuls deux ou trois chroniqueurs passionnés s’y étaient arrêtés quelquefois, à de rares occasions et pour des raisons obscures. Le bonhomme n’appartenait pas à ceux-là et à l’occasion la curiosité le piquait quant à ce que de tels lieux devenaient.
Ce qui avait frappé Quirinal était une plume à bec de cuivre abandonnée de travers sur un dossier au centre de l’alignement, près de trois cartouches d’encre. La poussière était commune à toutes les Chroniques, y compris là où les chroniqueurs passaient et repassaient constamment. Aussi ne fut-il pas surpris d’en trouver sur la plume comme autour.
Néanmoins à présent qu’il y prêtait attention, rien n’était plus incongru que cette plume de travers parmi l’ordre parfait des affaires sur les bureaux du hall. Il ouvrit à tout hasard le premier tiroir à sa portée, heureux de constater que tout aux Chroniques n’était pas verrouillé. De mémoire, il aurait dû y avoir des enveloppes de différentes tailles. Elles n’y étaient pas. Le tiroir suivant était vide aussi, de même que le prochain, et ainsi de suite.
Il eut tôt fait d’en ouvrir la plupart pour se rendre compte de la même absence. Les fournitures étaient là, trombones, gommes, ruban adhésif, il manquait seulement les supports. Même les timbres avaient disparu.
« Tu fais ‘mumuse, Quir’ ? »
Le docteur se retourna, sans s’émouvoir, face au loqueteux revenu de son escapade dans les escaliers. Il lui montra d’un geste théâtral les tiroirs vidés, avec aux lèvres un sarcasme qu’il ne voyait pas de raison de lancer, et une de le retenir, qui était de ne pas nourrir Vlad.
« Je peux comprendre que quelqu’un s’attaque aux livres. Que quelqu’un fasse disparaître du matériel de bureau est quelque peu différent. »
« Oh, faut s’plaindre ! C’pas bien ça ! »
Soit. Quirinal voulait bien reconnaître qu’il s’interrogeait trop sur du matériel de bureau. Il essayait de placer cette nouvelle pièce du puzzle parmi toutes celles dont ils disposaient déjà. Ce faisant il entraîna avec lui Vlad et partit en direction de la cuisine. Dans son dos le drogué triomphait, persuadé qu’ils allaient prendre un bon repas. Le chroniqueur ne cessait de le détromper, ils cherchaient des traces d’activité de Naïa, la fameuse chroniqueuse dont aucun d’eux ne se rappelait.
Elle avait été là avant eux, elle avait forcément dû avoir faim. S’ils avaient accès aux cuisines, elle avait dû avoir accès aux cuisines. Aussi abandonnaient-ils le hall et ses tiroirs sans se sentir plus avancé qu’auparavant, avec la même frustration qui chez eux deux renaissait de n’avoir aucune direction sûre à prendre. Du moins chez le docteur, il n’était pas sûr que son compagnon drogué s’en soucie réellement.
Bientôt il fallut que le plus jeune des deux prenne les devants. Vlad connaissait mieux la direction que le bonhomme qui désormais en arrière les avait presque perdus dans les couloirs. Il s’enfonçait dans ses habits propres et maniait entre ses mains ses lunettes, le regard enfoncé dans la nuque du loqueteux. L’odeur le dérangeait au point que son nez ne cessait de frétiller.
L’entrée de la cuisine, l’une des entrées du moins, apparut très vite au bout d’un long corridor rustique. Une autre note avait été placée sur le loquet, en équilibre. Quirinal s’en empara, constata que c’était la même écriture. Il se permit de se gratter la gorge avant d’en commencer la lecture. Son ton trahissait de l’humeur.
« Plaisant. Elle utilise la cuisine pour mener une expérience, et prie tout chroniqueur de ne pas l’utiliser en attendant. »
Ils se regardèrent, le docteur les yeux mi-clos, le drogué ses yeux brillants. Vlad s’appuya sur le battant pour écouter, puis poussa. La porte n’était ni verrouillée ni fermée vraiment, elle s’ouvrit devant eux. Il y eut l’odeur de la nourriture. Après un haussement d’épaules, tous deux s’invitèrent à l’intérieur.

Connectez-vous pour commenter