Durant presque un quart d’heure, les quatre membres de l’équipe
attendirent mains derrière la nuque sous la vigilance de deux gardes
que le sous-marin atteigne sa destination. Quand la coque accrocha ses
attaches, après avoir été saisis par le ralentissement, ils furent
presque jetés à terre lors de la série de chocs qui firent trembler la
structure. Ils se relevèrent et suivirent, bien obligés, leurs gardiens
qui les menèrent au sas. Dehors, le premier le capitaine Kyréna
découvrit le quai sous pression où les deux submersibles du site
trouvaient refuge. Le lieu était étroit, l’air lourd avait des relents
de fer.
- Super, on quitte une boîte de conserve pour une autre.
- La ferme, beau gosse, tu vas nous attirer des problèmes.
- Beau gosse, c’est une avance ?
La pilote s’adressa directement aux gardes :
- Vous attendez quoi pour lui donner un coup de crosse ?
Aucun d’eux ne répondit. Le commandant les observait depuis le quai,
appuyé contre la paroi. L’eau clapotait comme des bulles sous l’effet
de la pression. À peine débarqués ils furent menés par les couloirs
jusqu’au poste de sécurité, par d’étroits boyaux de métal couverts de
rouille, dont l’odeur pouvait rendre malade, et où couraient d’étranges
grondements.
Une autre raison du choix du lac du Labrador pour l’installation du
projet cinq, la nécessité des eaux profondes venait de la nécessité
excessive de refroidir le réacteur à fusion. Une grande partie du site
ne servait qu’à pomper l’eau glaciale des fonds afin d’immerger
complètement le réacteur et le maintenir froid en permanence. Les
recherches utiles en termes de refroidissement avaient été perdues en
premier lieu à l’abandon international des Tokamaks, au début du
troisième millénaire, dans un second temps à la perte des documents de
deux mille soixante-et-un.
Tous les quatre furent installés dans un office plus large, aménagé à
l’ancienne avec des meubles d’avant-guerre. Là, sous bonne garde ils
attendirent le retour du commandant accompagné du responsable de
projet. Quant cette femme entra, aussitôt elle en eut le souffle coupé.
Elle s’approcha du biochimiste, tout en jetant des regards
d’incompréhension au commandant :
- Vous êtes Valdes ? Le docteur Jean Valdes ?
- En personne ! Je devrais vous connaître ?
La scientifique se tourna d’une pièce face au commandant et soudain en colère :
- Mais libérez-les ! Le docteur est au-dessus de tout soupçon !
- Et les autres ? Nota le commandant.
- Au diable les autres ! Docteur, ce serait un grand honneur si vous acceptiez de visiter le projet cinq.
Jusque-là les autres prisonniers s’étaient regardés sans y croire. Même
Kyréna, sorti de sa réserve, cherchait de tous côtés une explication à
ce revirement. Immons saisit sa chance :
- Comment ça au diable ? Je suis du CRIJ bon sang, relâchez-nous !
- Immons, la ferme.
- Vous n’avez pas encore compris ? Enchaîna Kyréna. Cette installation
vit encore à l’époque de la guerre, le CRIJ ça ne leur dit rien du
tout. Il est même possible que personne ne leur ait dit pour le Canada.
- Quoi, le Canada ?
- Qu’il est aux mains du Nouveau Monde.
Un malaise brutal parmi le personnel présent confirma les dires du
capitaine. Le site sous-marin n’avait aucune liaison radio, une très
faible couverture radar, aucun sonar, aucun contact avec les
ravitailleurs qui se contentaient de déposer les conteneurs dans la
cale. Quand les cargos ne venaient pas, le site vivait sur ses
réserves. Au projet cinq, le monde s’était figé durant presque cinq ans
et les premières consignes de sécurité, à l’époque envisagées pour
quelques mois, duraient encore à présent.
88 - Géo, cinq années
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- Écrit par Vuld Edone
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