Une fois la cale refermée, le petit équipage se trouva plongé dans le
noir. Leur vaisseau paraissait minuscule dans le cargo de quelques
cents mètres. Naïa les avait posés au centre pour parer aux mouvements
de la houle et profiter du maximum d’espace. Leurs patins touchaient le
plancher dans une forte obscurité, seulement réduite par le dégagement
mourant des réacteurs.
Ils débarquèrent donc lampes en mains, à la recherche d’une porte
d’accès. Les cloisons étaient celles qui, autrefois, avaient contenu
les lanceurs. Le sous-marin Ohio descendait par paliers, en plongée
lente, à destination du projet cinq. Ils le sentaient s’enfoncer, une
sensation désagréable qui les prenait au ventre.
Un rai de lumière apparut au fond : deux files de gardes pénétrèrent,
suivis par le commandant. Avant que les passagers ne comprennent, ils
étaient tenus en respect. Leurs lampes les aveuglaient.
- Pas un geste. Intima le commandant, puis à ses hommes : Fouillez-les, et fouillez leur navette.
- Eh, on est de la CITL ! Tu vois, ça ?
Immons leur désignait son insigne à la partie supérieure de sa manche.
Le commandant n’en tint aucun compte. Son accent avait une forte
consonance américaine. Dans l’obscurité, ils le distinguaient mal.
- Qui vous envoie ? Quelle est votre mission ?
- Nous venons inspecter le tore.
La réponse du capitaine Kyréna était laconique. Il ne paraissait pas perturbé par les événements.
- Ne vous foutez pas de moi. Quelle est votre véritable mission ?
- Je suis comme vous. Je me contente d’obéir aux ordres.
- Commandant !
Deux soldats ressortaient du Cive, plusieurs armes dans les bras. Ils
avaient très vite ouvert les casiers et vu leur contenu. Le commandant
sourit méchamment.
- Des HC8. Le Nouveau Monde utilise ce genre de fusils.
- On n’est pas des espions du Nouveau Monde ! S’insurgea Immons.
- Alors expliquez-moi quelle mouche soudaine vous pique pour venir ici
armés jusqu’aux dents sur une quelconque excuse d’inspection.
Le lieutenant du CRIJ en resta coi. Il se tourna vers Kyréna qui ne
réagissait toujours pas, mais laissait faire l’officier. Naïa elle se
tenait prête à l’action, même si l’issue ne faisait pas de doute. Elle
aurait voulu intervenir, seulement la pilote sentait bien qu’elle
risquait de ne faire qu’envenimer encore plus la situation. Le
lieutenant tourna la tête du côté de Jean Vlades, le biochimiste, qui
tenait toujours à ses bras levés son ordinateur. Aucun d’entre eux ne
répondrait.
Les soldats les fouillèrent un à un. Ils retirèrent au capitaine son
arme, puis apportèrent son ordre de mission au commandant. Ce dernier
partit avec.
- Je rêve ! Lança Naïa, interloquée. Il va nous planter là ?!
- Laissez.
Le projet cinq, bien plus qu’Aïo, bien plus que le site B lui-même,
avait été pendant presque cinq ans comme coupé du monde. Avec une
maigre compagnie pour défendre une installation vieillissante, proie
rêvée du Nouveau Monde, le commandant était peu à peu devenu
paranoïaque.
Menacés par les gardes, les quatre passagers se laissèrent conduire
hors de la cale. Ils se retrouvèrent dans les couloirs du bord, toutes
portes verrouillées sur leur passage. Ils ne rencontraient personne. Le
bâtiment naviguait en équipage minimal et cela depuis longtemps, les
tuyaux des cursives et les roues de sas en portaient la marque, en
train de rouiller. L’eau gouttait partout. Ils étaient prisonniers à
bord.
87 - Géo, dans le Ohio
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- Écrit par Vuld Edone
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