Coupé du monde par une réglementation stricte, le projet cinq ou
Tokamak de faible volume, volume en fait égal au premier prototype le
JET n'était pas averti de l'arrivée du Cive et de son équipage.
Toutes les nations avaient abandonné la technologie du Tokamak à l'aube
du troisième millénaire. L'année suivante, dans un secret tout relatif
les États d'Amérique relançaient un projet qui devait apparaître dans
les dossiers perdus de deux mille soixante-et-un, et d'où venait la
centrale du site B. Longtemps confondu avec le nom de projet cinq,
cette tentative américaine dont le site lunaire était l'aboutissement
avait à son tour poussé la CITL à développer des Tokamaks. Il
s'agissait de la retraite dans l'espace, la volonté de vivre en orbite
dans l'autonomie la plus complète. Même avec la perte de toutes ces
illusions, le projet cinq continuait ses recherches.
Dès le départ les travaux du projet cinq s'étaient heurtés à des
difficultés sans fin. Il fallait redécouvrir pratiquement l'ensemble de
la technologie, après la dévastation des guerres et les flux de
population. Le milieu sous-marin avait été choisi d'une part pour se
cacher des drones du Nouveau Monde, d'autre part dans l'espoir que les
eaux glaciales du nord préviendraient tout réchauffement ou incident. À
quelques deux cents mètres de profondeur, le réacteur du Tokamak avait
accumulé incident sur incident au fil des mois. Plus le projet
demandait de nouveaux fonds et plus il précipitait sa fin.
Ils survolaient à présent la gigantesque étendue plane du lac du
Labrador. Au-dessus d'eux les masses nuageuses couvraient le ciel.
- Charmant. Commenta Immons. Vraiment charmant comme paysage.
- Nous arrivons dans deux minutes.
- On descend, on pose des questions, on visite, on ramasse des papiers et on repart ?
- Ne soyez pas ridicule.
Difficile de dire si Kyréna était dur ou moqueur. Il était engoncé dans
son siège, devant celui du biochimiste pour qui n'existait rien d'autre
que son écran d'ordinateur.
- Poser des questions, qui le fera, notre spécialiste ne ferait pas la
différence entre un tore et une lampe à bulles. Visiter, quoi, des
couloirs tuyautés suintant d'eau sur des kilomètres. On nous envoie
justement parce que nous ne risquons ni de visiter, ni de poser de
questions.
- Qui est ce "on", au juste ?
- Le général Oïc reçoit des ordres tout comme nous.
- Quand vous aurez fini, j'ai leur balise en visuel.
Naïa fit plonger la navette à proximité des flots. Devant eux à un
kilomètre, se rapprochant à grande vitesse flottait une balise
lumineuse ancrée au-devant du site. La tour leur avait donné la
position de la balise, il leur fallait à présent attendre qu'un
sous-marin remonte pour les prendre. La navette se mit à tourner en
cercles autour du phare brillant. Ses réacteurs soulevaient des lames
sur l'eau paisible.
- Mais qu'est-ce qu'ils font ?
- Un problème, sergent ?
Elle fit mine d'ignorer le ton de reproche.
- Rien, capitaine. Le sous-marin devrait arriver d'une minute à l'autre.
- Et s'il n'arrive pas ?
- Vous savez nager ?
Le dernier ravitaillement avait eu lieu une semaine auparavant. Depuis
lors rien n'avait filtré du projet. Ils pouvaient aussi bien avoir
disparu sans que personne ne s'en doute. Une semaine auparavant,
l'inspection n'avait pas été ordonnée. Entre temps, n'importe quoi
avait pu se produire.
Enfin une masse sombre apparut sous la surface. Bientôt la tour puis la
coque bombée du bâtiment émergea au milieu des embruns. C'était un
classe Ohio dont les lanceurs avaient été remplacés par une cale.
Celle-ci ouverte, le Cive s'y posa.
86 - Géo, coupé du monde
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- Écrit par Vuld Edone
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