Peu de minutes après, le capitaine Kyréna se détourna des bureaux pour
l’entrée. Il relisait encore les autorisations d’accès de l’astroport,
ainsi que son enregistrement. Leur vol serait millimétré par les radars.
- Fou, hein ? Lança Immons. Toutes ces formalités, et on dit qu’en Eurasie c’est pire.
À sa surprise, le capitaine répliqua :
- Pourquoi, vous comptez vous y rendre ?
- J’adopterais bien une fille de là-bas, vous voyez… eh, ne me regardez pas comme ça !
- Je sais ce que veut dire une fille.
Ils se turent sur le reste du chemin. La partie administrative réglée,
il n’avait pas d’autre hâte que d’atteindre le site du projet et d’en
finir avec sa mission. Les maisons proches, la ville brillante et
tempérée de Nuuk, le ciel bleu riant masquaient à cette population une
proximité effrayante du Nouveau Monde, un saut de puce que les armées
pouvaient franchir à tout instant. Ils vivaient avec mais pour Kyréna,
comme pour tous ceux qui restaient sur Aïo, cette proximité rendait
anxieux, irrémédiablement.
Le Cive les attendait rampe ouverte. Un chef de hangar discutait avec
la pilote Naïa, s’éclipsa à l’approche de l’officier. Déjà s’était
instaurée une discipline relâchée et elle n’eut pas à saluer son
supérieur.
- On ne reste pas ?
Le capitaine montra son feuillet d’autorisations.
- Faites chauffer les réacteurs.
- Capitaine, à propos du biochimiste… il est sous traitement.
- Antidépresseurs ?
- Stimulants, narcotiques, drogues de combat, il a avalé le tout sous mes yeux. Il m’en a même proposé.
- Faites avec.
Un tube de pilules vide avait été jeté négligemment sous le siège. Le
professeur Jean toujours couché sur son ordinateur n’avait pas l’air
autrement affecté. Il releva la tête à l’approche des autres passagers,
il leur sourit.
- Vous y avez réfléchi colonel ?
- Capitaine.
- Quand vous y réfléchissez bien, quand vous y pensez la tête froide,
je ne comprendrai jamais pourquoi les gens veulent garder la tête
froide, c’est absolument désagréable, on a l’impression de se laisser
mourir, mais ce que je veux dire, c’est que ça ne peut être que la
thymine.
Les soldats à bords se regardèrent, et l’air entendu, statuèrent qu’ils l’avaient perdu.
- Tenez-vous bien doc’, on décolle.
Immons ajouta :
- Je crois que dans son cas c’est déjà fait.
- On reparle de vos rêves familiaux ?
Naïa releva la tête. Elle avait remarqué le changement de ton entre son
officier et l’homme de la CRIJ. Elle fit la moue, lança les réacteurs
et tandis que tous s’installaient, elle prévint la tour de leur départ.
- Le site est en eau profonde, vingt-cinq kilomètres à l’ouest.
- En eaux internationales ?
- À la frontière.
Ils partaient. Alors que leur navette passait au-dessus de la ville,
entre les vieilles demeures et les nouveaux immeubles de ciment, Kyréna
se leva, passa à l’arrière et vérifia le contenu des casiers. Il était
balloté, il se tenait aux parois. Le Cive n’avait pas été conçu au
départ pour l’atmosphère. Sous le regard intéressé d’Immons, il vérifia
dans le casier l’état des armes, des fusils et les encombrants HC8.
85 - Géo, être formel
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- Écrit par Vuld Edone
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