Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

L’astroport de Nuuk, au centre de la cité, était le second plus grand de Groenland. La ville faisait face à la mer du Labrador, cachée en embouchure. Cette mer était tout ce qui séparait la Confédération d’un assaut du Nouveau Monde, autant dire rien. Par le cockpit, alors qu’ils achevaient les manœuvres d’approches, l’équipage du Cive put observer entre les ilots de l’embouchure les masses de métal rouillées, noires, souvenirs de la tentative d’invasion de deux mille soixante-quatre.
Avec la défaite de la première superpuissance, que se partagèrent les deux généraux russes Raivac et Akdov, dès le début de la guerre une gigantesque lame d’immigration avait empli les cités. Le Groenland s’était enrichi de la guerre, s’était peuplé en même temps et derrière le bouclier du Canada, durant les premières années, il était resté relativement sauf. À la seconde vague venue d’Europe, la principauté danoise devenue territoire de la CITL, et grâce aux bases américaines qui s’y trouvaient encore, le Groenland se donna les moyens de se défendre et se tourna vers l’espace.
Puis le Canada tomba.
- Dites donc Kyréna, vous êtes d’ici non ? Comment dit-on, groenlandais ?
- J’étais basé à Thulé.
Il détourna le visage. Ce n’étaient pas des souvenirs agréables à se rappeler. La radio crépitait, de temps à autres la tour de Nuuk corrigeait l’approche. La navette enfin glissa sur le côté de l’ancienne piste jusqu’à un hangar de béton où il se rangea.
- On est arrivé ? Demanda le docteur Jean.
Le capitaine se leva :
- Attendez-moi, je serai revenu d’ici une demi-heure.
Immons se leva à sa suite. Aussitôt :
- Où allez-vous ?
- Je vous suis.
- Vous avez un problème avec l’impératif présent.
- Et vous avec la hiérarchie. Je suis du CRIJ, vos ordres j’en fais des papillottes. Alors, on y va ?
Nouveau soupir du capitaine qui ouvrit la rampe, quitta l’appareil et ne se retourna qu’une fois la rampe refermée, dans l’espoir qu’Immons n’aurait pas eu le temps de le suivre. En vain.
Plus loin en rampe, dans sa phase de décollage se trouvait un des nombreux cargos d’eau traitée. Des vagues de flammes réchauffèrent l’air, l’engin se détacha lourdement du sol, gagna en hauteur et quand il ne fut plus qu’un point, alors au-dessus de la mer du Labrador il largua ses appoints. C’était le coût nécessaire pour entretenir les biosphères d’Aïo et du site A, plus de cent tonnes d’eau à porter en orbite au quotidien, entre autres nécessités. La retraite spatiale rêvée par la CITL, autrefois, ne verrait jamais plus le jour.
- Vous rêvez ?
Immons ramena le capitaine à la réalité.
- Il y avait votre petite amie dans ce cargo ? Si c’est le cas elle est noyée, mes condoléances.
- Personne ne vous retient.
Et Kyréna ouvrit le bras en direction de la tour, invitation que le lieutenant prit bien garde de ne pas suivre, peu pressé de devancer son homologue militaire.
- Vous savez votre problème, Kyréna ? C’est que la vie vous em…
- Je n’écoute pas.
Arrivé au contrôle, le capitaine sortit son ordre et son passe, informa de sa destination et se mit à remplir les fiches d’autorisation. Il traitait à la machine devant le préposé tandis qu’Immons, dans son dos, regardait le hall.
Il ne se rappela qu’alors que le lieutenant ne lui avait jamais présenté d’ordre de mission. Alors, discrètement, il demanda au préposé de vérifier.

Connectez-vous pour commenter