Le pilote était au travail sur l’un des deux réacteurs, derrière la
navette. Tandis qu’ils s’approchaient, le docteur Jean se pencha
par-dessus le garde-fou. Il regardait l’espace gigantesque qui les
séparait de la surface planétaire. Immons dut le retenir pour éviter de
voir culbuter dans le vide leur spécialiste.
En les entendant venir le pilote se redressa. La trentaine, les cheveux
bruns et courts, le regard froid, elle avait plus de déhanché qu’un
bataillon. Elle salua en premier le capitaine :
- Sergent Naïa, au rapport.
- Capitaine Kyréna. Nous avions une réunion au bloc.
- Sauf votre respect, elle n’aurait servi à rien sans les deux réacteurs du Cive opérationnels.
- Le Cive ?
Elle désigna de la tête la navette. Kyréna soupira. L’homme du CRIJ se présentait à son tour.
- Lieutenant Immons, célibataire, si vous étiez libre un soir…
- Capitaine, on doit vraiment s’encombrer du CRIJ ?
Ce dernier soupira de plus belle. Il les laissait déjà pour rejoindre
l’intérieur du Cive, assez étroit, avec quatre sièges soudés à l’avant
et l’espace à l’arrière, sans séparation, entièrement vidé en manière
de cargo. La porte sur le côté s’abaissait verticalement et servait de
rampe à l’embarquement.
Naïa fit verrouiller le réacteur, jeta son chiffon après s’être essuyée
et, le visage toujours taché de cambouis, elle rejoignit le capitaine
non sans bousculer au passage le gêneur.
- Dites, il y a une conspiration de l’armée contre le CRIJ ou quoi ?
- Arrêtez de dire des bêtises et montez.
Le lieutenant attrapa Jean au passage et quand ils furent à bord, la
rampe se referma. La pilote prit place aux commandes, appela la tour
qui, loin au-dessus d’eux, surplombait les hangars reliée à la station
par une douzaine de passerelles. Cette image d’Aïo s’ancra en eux, le
ciel d’étoiles découpé par les structures de la station.
Une fois leurs champs activés, Naïa activa les réacteurs. L’espace
s’ouvrit devant eux, un couloir dégagé. L’un après l’autre les
réacteurs s’activèrent et le Cive se détachant du quai fila en un
instant. La station disparaissait derrière eux.
- Nous sommes en courbe d’entrée. Prévint-elle à ses passagers.
Kyréna jugea le moment bon pour leur lire leurs ordres. Il tira de sa
poche le document, le déplia et le repassa en silence. Les autres
attendaient, sauf le biochimiste absorbé par son ordinateur.
- Notre destination est Nuuk, Groenland. Vous le savez peut-être, les
Tokamaks ont été abandonnés depuis l’an deux mille. Le seul actif à
notre connaissance était celui du site B.
- Excusez-moi capitaine, demanda Naïa, les Tomakoi ?
- Professeur Jean ?
Ce dernier releva la tête, surpris par le titre. Il parut complètement perdu. Kyréna continua.
- Les Tokamaks. Des centrales nucléaires écologiques, une utopie du
siècle dernier. Elles ont été abandonnées dû à leur instabilité.
- L’instabilité exactement ! Interrompit Jean.
- La CITL a décidé de retenter l’expérience. Il n’a pas fallu longtemps
pour que le Nouveau Monde l’apprenne et à présent ils ne rêvent que de
s’en emparer.
- Qu’est-ce qui les retient ?
La remarque d’Immons était très juste. Le Nouveau Monde avait besoin
d’énergie, ses propres ressources notamment le pétrole s’épuisaient. Or
ils ne manquaient pas d’uranium, notamment de déchets. Et s’ils en
manquaient, le Groenland, lui, en avait plein.
- Le projet lui-même. Ils attendent qu’on aboutisse et nous
n’aboutissons pas. Notre mission est d’inspecter les installations, de
comprendre les causes de l’échec et de rapporter à Aïo tous leurs
résultats.
Il replia l’ordre alors que le Cive atteignait l’atmosphère.
83 - Géo, des Cive
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- Écrit par Vuld Edone
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