Durant plus d'un quart d'heure les évadés avaient pu évoluer librement dans le Pornev. Mais enfin les forces de sécurité avaient pris d'assaut le poste de commande et fait prisonnier le premier d'entre eux. La seconde s'était rendue d'elle-même, sous la menace des armes. Au lieu de les exécuter sommairement, les soldats du Nouveau Monde les ramenaient en cellule. C'était là que se rendaient Jean et Kyréna.
Le capitaine était épuisé comme après des heures d'efforts, abrutis à force d'errer dans les couloirs, et par l'accumulation des événements. Il ne comprenait toujours pas qu'on les laisse aller librement. Jean ne trouvait chez lui aucune trace d'inquiétude pour leurs compagnons. Il paraissait même plus serein.
Ils s'attendaient à les retrouver une fois aux cellules mais leurs deux groupes tombèrent nez à nez au croisement des couloirs. Naïa avait piteux état, pleine de cambouis et de contusions. Immons, lui, gardait un sourire narquois malgré un oeil poché. La surprise était de mise des deux côtés.
- Mais bon sang qu'est-ce que vous foutez ?!
S'emporta Kyréna. Immons jeta un oeil aux soldats qui les tenaient en respect.
- On visite, on prend l'air... vous savez, une cellule, on en a vite fait le tour...
- Et vous, lança Naïa, qu'est-ce que vous faites là ?
Elle avait remarqué qu'ils n'avaient pas de garde. Leur mutisme ne fit qu'augmenter sa méfiance. La pilote se laissa pousser par les gardes, passa à côté d'eux et comme son regard cherchait celui de Kyréna, le capitaine se détourna. Typique. Jean regardait la scène et ne disait rien, tournait la tête vers l'un ou l'autre le sourire aux lèvres l'air de ne rien comprendre, et quand ils furent partis, il se mit à tapoter sur l'épaule de Kyréna.
- Moi aussi, je ne comprends pas, normalement le Libra aurait dû fonctionner !
- Pardon ?
- Oui ! Vous aviez tapé une commande valide, à l'heure qu'il est ce vaisseau aurait dû s'écraser ! Quelque chose a dû perturber le fonctionnement du programme, il faudra que j'étudie ça de plus près ! Vous vous rendez compte ?
Kyréna le regardait comme un alien.
- Vous venez de quelle planète ?
- La même que vous c'est une chose certaine ! Allez ne vous inquiétez pas, ce n'est pas la première chose extraordinaire qui doit vous arriver, quand même ? On s'en remettra, les Libra fonctionneront je vous le promets !
Il le repoussa.
- Je me fous des Libra. Akdov nous laisse aller à sa guise, nos amis s'évadent, ce vaisseau devait s'écraser et tout se conclut, comme ça ? Et vous êtes satisfait ?
- Non, les Libra ne fonctionnent pas...
- Mais écoutez-moi ! Depuis que j'ai ce pansement sur la tête plus rien n'a de sens !
- Ca en a !
Le cri du biochimiste figea le blessé de stupeur.
- Lisez le journal, mais lisez enfin ! Allez !
Il n'avait pas l'habitude d'être bousculé, encore moins par un civil et encore moins quand cela remettait en question son autorité. Néanmoins Kyréna, dans son état, n'eut d'autre choix que de rouvrir son Libra. Il consulta le journal, sans savoir quoi chercher d'abord, avant de tomber très vite sur l'un des rapports de fonction. L'évasion apparaissait en toutes lettres. C'était Jean, qui d'autre ? qui avait déclenché cette suite d'événements improbables. Il sourit, un mince sourire : c'était bien là l'oeuvre d'un drogué.
- Vous voyez, dit-il en refermant l'écran : ça peut vous arriver, d'être utile.
Et il ne chercha pas plus loin. Le bon vouloir d'Akdov, leur liberté également, tout était dans ce journal, succession d'entrées de la même main et qui, il s'en doutait à présent, devait remonter déjà à la destruction du projet cinq. Depuis le départ.