À un moment l'alarme s'était tue, il ne savait pas bien lequel, et
quoique tous deux savaient leurs compagnons toujours en fuite ni Jean
ni Kyréna ne s'en formalisèrent. Le blessé sentait sa tête le lancer à
chaque pas et pourtant il tenait bon. Jean approcha d'une porte qu'il
voulut ouvrir mais dont il retira vivement la main : elle était
brûlante.
Ils se trouvaient près des hangars anéantis au canon à photon. Aucun
des deux compagnons ne savait à quoi s'en tenir, s'il fallait revenir
en arrière ou continuer. Ils continuèrent. La fumée apparut dans le
couloir roulant d'abord au plafond puis de plus en plus bas et bientôt
ils rejoignirent les équipes de lutte contre le feu. Ceux-ci
projetaient la neige dure par à-coups sur les parois, et progressaient
lentement. Ils avaient dégagé une portion de couloir ouverte sur le
vide, déchirée et dont les lambeaux de la coque pendaient encore.
- Eh !
Le chef d'équipe sur place vint les arrêter avant qu'ils ne continuent droit dans le vide.
- Mais vous venez d'où ?! Vous ne voyez pas qu'on travaille ?
- On se promène !
- Avec un blessé au bras, non mais ça va pas ? Allez au bloc sanitaire, bon sang, j'ai assez à faire ici.
- Vous avez tort, dans moins de deux minutes une impulsion
électromagnétique va réduire vos efforts à néant ! Des incendies, il y
en aura probablement partout !
- Mais qu'est-ce que vous racontez ?
Et il fit signe au blessé que le docteur était drogué. Signe que le blessé lui rendit, puis dolent :
- Ils vont tirer au Do-Lô.
- Quoi ? Mais qui ? Sur quoi ? On est attaqué ?
- Non ! Répondit Jean en toute sincérité.
- En fait oui. Rétorqua Kyréna.
- Il faudrait vous décider !
Cependant le capitaine retrouvait assez de forces pour se redresser. Il
se dégagea du bras de son compagnon et fit quelques pas en direction du
vide, jusqu'à ce que le chef d'équipe l'arrête. Il regardait au sol le
bouclier Laurentien, un paysage assez plat et morne fait de roche. La
guerre, toujours la guerre... Ils avaient donc dépassé la mer du
Labrador et s'engageaient sur le continent.
Même le Libra ne pouvait pas contrer ça.
La flotte venait de passer la baie d'Ungava et se dirigeait sur celle
de James avant de virer au sud puis sud-est en un large coude pour
Montréal, au lieu de passer depuis Nain le long de la côte jusqu'au
golfe Saint-Laurent pour en remonter le fleuve. Les raisons en étaient
multiples, l'une d'elle était la réception prévue de l'Ange Noir. Dans
tous les cas, ils étaient en terres canadiennes, dans le Nouveau Monde.
Il ne se rendit compte qu'en voyant le sol loin sous ses pieds quelle
avait été sa décision. Bon sang, Immons et Naïa allaient détruire le
Pornev ! Ils allaient s'écraser et probablement y passer tous. Le
capitaine regarda Jean, son monde tout fait de drogues et de
narcotiques. Le docteur avait l'air plus tête en l'air que jamais. Il
aurait voulu le gifler.
- Allez vous faire soigner, tous les deux !
- Mais je n'ai pas besoin de soins, regardez ma tête, je vais très bien !
- Fichez le camp de mon incendie !
Tous deux se remirent en route, dans n'importe quelle direction qui
pouvait les éloigner du tir. Bientôt ce fut le blessé qui entraîna le
biochimiste avec lui. Bon sang, le Pornev allait s'écraser. Maintenant
qu'il y songeait c'était complètement fou, ce qui s'était passé, tout
ce qui s'était passé à bord, depuis la rencontre avec Akdov. Il devait
faire un cauchemar.
Mais ces pensées s'envolèrent bien vite : des soldats passèrent qui
annoncèrent qu'ils avaient capturé les fugitifs. Une poignée de
secondes plus tard, d'autres soldats relayaient la même nouvelle. Et
Kyréna ne sut s'il devait être effrayé ou soulagé.
105 - Géo, retour à soi
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- Écrit par Vuld Edone
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