Canton

Après avoir quitté le tribunal et sortis du poste militaire où ils avaient été affublés de leurs bracelets de localisation, les agents du CRIJ avaient suivi Hayao et sa fille, Eliz, dans un restaurant. Angie était de suite partie à l'hôpital rejoindre Dwaïn, s'enquérir de son état et l'informer de la tournure des évènements. Assis sur des coussins autour d'une table basse, ils entamaient un repas que leur estomac clamait depuis longtemps, sans faire attention aux deux MP qui gardaient la petite salle où ils se trouvaient, hors de portée d'oreille.

Après quelques minutes Naïa se tourna vers son collègue.

_ Dis moi Tetsuo, de quoi voulaient-ils parler en citant le WHW ?

_ C'était une période hippie, version informatisée. La White Hat War. Sur le réseau les hackers sont distingués en deux catégorie : les White Hat hackers, ceux qui construisent et donnent de leur temps pour créer sont différenciés des pirates qui volent et détruisent, les Black Hat hackers^[1].

Naïa fit la moue.

_ Il serait temps d'apprendre à nous connaître Tetsuo. Nous ne savons que très peu de quoi demain sera fait, et le peu que nous en connaissons n'est pas réjouissant.

Tetsuo soupira et aux regards tournés vers lui, il se résigna :

_ C'était en 2063, j'allais avoir 20 ans et les grandes puissances envahissaient tous les territoires sans défenses. Seuls les meneurs de ces puissances influeraient sur la suite des évènements et ne se souciaient que très peu de la population, aveuglés dans leur folie meurtrière. Il semblait que, pour beaucoup de ces meneurs, seule leur mort les stopperait dans leur démence. Ils pensaient surtout qu'il ne fallait pas baisser de régime de peur qu'un ennemi soit plus rapide et prenne de l'avance dans leur conquête.

"À l'époque beaucoup de petites milices naissaient et mourraient aussitôt réprimées par les armées déferlantes. Cela dépassait l'imagination, personne ne pouvait prévoir les mouvements politiques plus d'une heure à l'avance : la guerre avait dépassé la vitesse de l'information et était menée à l'aveugle. Les soldats se livraient à d'innommables génocides non justifiés, se retournant parfois contre leurs dirigeants et allant jusqu'à détruire leurs propres pays ou leurs familles. Ceux qui n'étaient pas de cette folie étaient terrifiés, mués de peur et tentaient de fuir mais n'avaient où aller. Mais vous sûrement de quoi je parle.

"Un groupe de quatre hackers chevronnés a lancé un appel sur le net à toute personne habile et férue d'informatique. En quelques jours ils avaient regroupés une armée virtuelle de plus de 250 000 hackers de tous pays. Le quatrième jour une offensive virtuelle fut lancée à l'encontre de tous les systèmes informatiques afin de ralentir une éventuelle pulsion Asiatique. Ainsi tous les réseaux bancaires et gouvernementaux s'écroulèrent sous la masse de piratages en quelques dizaines de minutes.

_ Je comprends que l'on vous en veuille. Comment se fait-il que nous n'en ayons pas entendu parler ? Comment se fait-il que seules certaines personnes haut placées sachent ce qui s'est passé ? fit Naïa.

Tetsuo regarda Noé dans les yeux; il semblait qu'il soit déjà au courant.

_ Nous étions au Groenland, expliqua Noé, je ne savais pas qu'il y avait eu une action préliminaire. Mais j'imagine que tous ces réseaux s'en sont vites remis non ?

_ Oui, malheureusement et une demi-journée après cette attaque beaucoup de pirates furent délogés de leurs caves ou autres caches improvisées et emmenés pour être interrogés s'ils n'étaient pas exécutés sur place ou victimes de bombardements suivant les pays.

"Le sixième jour, un nouvel appel fut lancé sur le net. Il s'agissait d'être rapide et ordonné. Ce jour là leur nombre avait quadruplé, rejoints par tous les hackers ayant suivis l'attaque ou en ayant été informés et souhaitant prendre part au mouvement. Le forum avait été déplacé mais menaçait de tomber. En effet les Brigades Virtuelles^[2] s'attelaient à démanteler le réseau.

"A cette époque, le protocole utilisé sur les réseaux était établi sur le système cryptographique RSA. Dans les grandes lignes, celui-ci était reposait sur le fait qu'aucun outil ou individu ne pouvait résoudre une certaine équation rapidement et se basait sur celle-ci pour crypter les données. Parmi l'équipe de base, un des hackers avait cracker le cryptage en question. Ils avaient de la sorte accès à toutes les informations circulantes sur le réseau et ceci plus rapidement que les brigades elles-mêmes. Fort de ce pouvoir, le forum se maintint quelques heures puis disparu comme il était apparu. Les brigades virtuelles se félicitaient de leur travail.

_ Vous n'étiez qu'une milice en quelque sorte ? Mais je ne comprends toujours pas…

_ Je n'ai pas fini…

Tetsuo but une gorgée de Saké et souffla comme pour estomper les quelques flammes naissantes dans son gosier. Aux mines de ses coéquipiers il savait qu'il devait continuer son récit même s'il n'était pas totalement fier de ce qu'il avait fait.

_ C'est alors que le septième jour l'attaque finale fut lancée. Les brigades nous attendaient et recherchaient un quelconque rassemblement virtuel mais tout avait été planifié la veille. À onze heures GMT tous les hackers de tous pays avaient pour objectif de pirater des sites désignés à l'avance, et ceci par petits groupes de cinq cents. Les tâches avaient été réparties de façon à ce que chaque groupe attaque un pays différent du sien pour éviter toute défection. L'attaque eut lieu et une heure après son début, tous les systèmes bancaires et gouvernementaux chutèrent à nouveau attirant l'attention de la Maintenance^[3].

"C'est alors que le gros de l'attaque eut lieu, toutes les bases militaires, fournisseurs d'accès, forces de l'ordre, tous les centres de communications, serveurs relais et satellites furent piratés simultanément. L'ordre était de les rendre inopérants le plus longtemps possible afin de ralentir voire de stopper toutes les attaques "réelles" des armées. Ce jour-là, un million de personnes mirent virtuellement en échec toutes les forces armées de la planète en les coupant de leur commandement et de leurs ressources.

"Malheureusement un des premiers hackers avait une autre idée en tête faisant partie du groupe contrôlant les silos nucléaires du futur Nouveau Monde. Nous n'avons pas eu d'autre choix que de couper définitivement les communications entre les réseaux et ceci à leur base.

_ Nous ? Quel rôle jouais-tu ? Comment avez-vous…

_ Nous avons désactivé tous les satellites de communication, leur commandant de se réactiver après une quinzaine de minutes, permettant ainsi à la Maintenance et aux Brigades Virtuelles de reprendre le contrôle de tous les systèmes.

_ Vous avez abandonné l'action ?

_ Oui et non, nous n'avions pas le choix. Notre volonté n'était pas de se servir des armes et encore moins des missiles nucléaires, Hawk ne nous a pas laissé le choix. D'un autre côté nous avons réussi car la "trêve" qui eut lieu les deux mois suivants a permis de calmer les tensions et de laisser aux gouvernements le temps de reprendre leur souffle et de faire état de la situation. Les populations ont ainsi renversé certains gouvernements, d'autres ont fait front devant les bases militaires pour arrêter le carnage. Je peux, sans aucune vantardise, affirmer que nous sommes pratiquement à l'origine de la fin des guerres.

Naïa attendait toujours sa réponse et le fit sentir d'un regard insistant.

_ Quel rôle je jouais ? Hawk, Evan, Steel et moi-même étions les quatre hackers à l'origine de ce rassemblement. Evan a cassé le cryptage, Steel et moi commandions les groupes chargés de pirater les satellites et Hawk est celui qui souhaitait activer les missiles.

Naïa était bouche bée.

_ Je n'ai pas tout assimilé mais je comprends l'idée générale, fit Hayao, vous avez pris possession de leurs stations… leurs…

_ …ordinateurs.

_ C'est ça. Vous les avez alors déconnectés et obligés à faire une pause et prendre du recul afin de leur faire comprendre qu'ils ne contrôlaient pas si bien la situation. Je vois que le tribunal était bien loin du compte, vous et vos trois amis étiez en fait à l'origine du mouvement. Plutôt bien joué, mais pensez vous vraiment qu'ils ne se seraient pas arrêtés sans vous ?

_ Nous avons beau être à l'origine de ces attaques, il reste néanmoins que nous avons mis le monde en danger pendant ces quelques jours mais nous n'aurions pas réussi si bon nombre de personnes ne partageaient pas notre avis partout sur la planète. De plus nous n'étions pas les seuls à agir, quelques groupuscules travaillaient eux aussi de leur côté à enrayer la catastrophe. La guerre se serait peut-être finie mais plus tard, avec plus de morts… ou peut-être avec la fin de l'humanité si les frappes nucléaires avaient continué.

"Evan et moi avons survécu, je ne sais pas ce qu'est devenu Hawk mais Steel a été tué lors des derniers bombardements. Puis Evan a émigré vers la CITL. J'étais le plus jeune de la bande et me suis retrouvé seul, l'amiral Oïc m'a recruté pour mes capacités, étant au courant de notre action. Mais à présent je pense que s'il me voulait au CRIJ c'était sûrement parce qu'il pensait que je ne me soucierais pas de savoir si j'oeuvrais pour le bien ou pour le mal. Avant de nous écraser au Groenland il m'a contacté pour que je fasse capoter la mission, les canons à photons qui nous ont abattus ont coupé la conversation.

_ Je suis fier de te compter dans mon équipe, fit Noé lui posant la main sur l'épaule.

Tetsuo sourit.

Naïa le regardait à présent d'une autre façon. De prime abord il lui avait paru comme quelqu'un d'éteint, de renfermé, toujours derrière son ordinateur, sans influence possible sur la réalité, obéissant bêtement mais il avait apparemment aussi une personnalité et une créativité qu'elle tardait à présent de découvrir. Elle acheva d'avaler son riz et reposa son bol sur la table. Il lui brûlait les lèvres de poser sa question à Tetsuo. Aurais-tu accepté ta mission si tu avais eu le temps d'y réfléchir ? Celui-ci sentit son regard et lui sourit. Naïa se mordait les lèvres mais il prit la parole avant qu'elle ne se décide :

_ Pourrais tu nous parler des Hôs, Noé ?

L'intéressé sourit et regarda Hayao.

_ Ah nous y voilà… je suppose que je ne peux y couper cette fois ci. Ca reste long à expliquer.

_Je n'ai rien à faire pour le moment…

Noé fini son verre.

_ Les Hôs sont une petite communauté d'hommes qui se sont exilés à Lhassa dans les années autour 2004. Tout d'abord c'était un rassemblement de philosophes et pratiquants religieux qui refusaient la vie que leur offrait leurs nations mais la plupart s'accordaient à ne pas accepter l'ère du cybernétisme qui s'annonçait, l'alliance de l'homme avec la machine. Ils cherchaient une réponse à ce qu'était la vie et tout un tas de questions assez barbantes je dois dire.

Hayao sourit et retint Eliz de le reprendre. Noé ne la remarqua pas et continua son explication.

_ Puis certains ont eu des révélations ou un truc dans le genre, peu importe, on a plus beaucoup d'informations à ce sujet. Quoiqu'il en soit, beaucoup d'entre eux cherchaient un moyen de partir plus loin, autre part. Ils se sont alors immergés dans des sommeils artificiels faits de médicaments, de thérapies et d'hypnoses afin de rechercher un état, une transe particulière. Rapidement leurs tentatives s'approchèrent des NDE, expérience proches de la mort, et autres animations suspendues. Je ne te cache pas que certains d'entre eux n'en sont jamais sortis et d'autres doivent toujours dormir dans un coin, oubliés. Quoiqu'il en soit, certains y ont découvert quelque chose qui les a changés. Pour la suite, Hayao expliquera bien mieux.

_ Tu te défiles bien vite je trouve, répliqua celui-ci. Bien. Nous sommes réunis autour de l'idée que le corps de l'homme n'est qu'un cocon pour l'âme et qu'il permet à celle-ci de grandir, de mûrir pour passer à autre chose.

_ La vie après la mort ? s'enquit Naïa.

Hayao sourit, quelqu'un s'intéressait à leur histoire.

_ Non, justement, la mort serait une fin en soi, la mort n'est que celle du cocon, si l'âme y est encore elle disparaît avec. Il existe une manière de s'évader, de quitter son corps et passer dans un autre lieu, si je puis dire… C'est encore difficile à expliquer mais ça s'approche de ce que tu ressens quand tu rêves. Et si moi et quelques uns sommes toujours là, c'est une façon de garder la porte ouverte, d'en informer les gens quand le moment sera propice même si celui-ci ne vient que dans plusieurs siècles.

_ Plusieurs siècles ?! Vous n'êtes pas impatients de leur dire ?

_ Nous venons à peine d'en prendre conscience et pourtant l'homme foule cette terre depuis très longtemps.

Tetsuo sceptique fit la moue et se replongea dans un autre bol de riz.

_ Nous savons surtout que peu de gens nous croiront, continua Hayao comme répondant à la réaction de celui-ci. Il sera long, très long de leur apprendre.

_ Mais que deviennent les corps ?

_ Ils sont toujours là.

_ En vie ?

_ Jusqu'à ce que mort s'en suive. Imaginez que ce soit le destin de notre espèce… nous serions plus évolués car notre cocon ne serait pas qu'une protection inerte mais plutôt une enveloppe vivante. Cependant comme dans la nature, nombre de chenilles n'arrivent pas à l'état de papillon.

Naïa réfléchit quelques instants. Noé souriait, il savait que ça l'intéresserait et comprenait à la fois Tetsuo qui ne jurait que par les vérités scientifiques.

_ Alors pourquoi Noé et Naem se sont-ils intéressés à vous…? Ou plutôt que s'est il passé entre vous ?

_ J'ai été envoyé à Lhassa par l'Amiral Ethan qui avait entendu parler d'eux et surtout de la présence de Naem sur place.

_ Vous acceptiez qu'un homme comme Naem vous rende visite ? fit Tetsuo.

_ Nous sommes neutres, et à ce titre nous devions le rester à l'égard de nos visiteurs, répondit Eliz.

_ Et ? reprit Naïa

_ Eh bien, Naem y était et je me suis rendu compte que ce n'était pas vraiment pour lui que l'on m'avait envoyé sur place, mais surtout pour prendre note de ce qui pourrait être une menace ou une aide pour la CITL.

_ Je ne comprends pas… comment pouvaient-ils les aider ?

Noé interrogea Hayao du regard.

_ Nous nous sommes rendu compte qu'il existait plusieurs états pendant le passage. Que si nous le contrôlions, nous pouvions maîtriser certaines forces. Il y a d'abord notre corps avec lequel notre âme ne fait qu'un, puis la matière, l'énergie, le temps et enfin l'émotion, la composition première de notre âme, défiant toutes les lois physiques connues et à l'épreuve bien des choses si l'esprit est assez fort. Il y a peut-être d'autres stades que nous n'avons pas encore découverts mais cela nous a permis de comprendre beaucoup de choses.

Hayao se leva.

_ Mais …? Continuez ! fit Naïa pressante. Je ne comprends pas, que voulez vous dire par…

Eliz prit la main de Naïa.

_ Chaque chose en son temps, vous le saurez le moment venu. Pour le moment, vous devez partager ce que vous savez avec notre gouvernement. Tout n'est pas gagné, et loin de l'être, avec notre pays… mais je vous fais confiance.

_ Confiance pour quoi ? demanda Tetsuo.

_ Vous allez avoir un grand rôle dans la suite des évènements. Sachez surtout que les dirigeants ne sont pas les seuls à jouer des grands rôles. Parfois de bien simples personnes ou des gens peu recommandables se trouvent être des éléments clés, ou porteurs de bannières. Ne les négligez pas quand vous les verrez arriver…

_ Bien, fit Hayao qui réprima du regard sa fille pour son zèle, une cellule de crise a été constituée et l'on requiert votre présence en haut lieu.

_ Ah? fit Tetsuo. Et comment savez vous que…

Le portable de Noé sonna. Une fois raccroché il se tourna vers ses compagnons.

_ Lwaï Tse Now demande à nous voir… en cellule de crise.

***

_Monsieur ?

La secrétaire s’approcha un peu plus de l’homme qui chérissait dans son sommeil une bouteille de whisky bien entamée.

_ Monsieur Ivanov vous êtes attendu en salle de conseil.

L’homme grogna et releva la tête. Il s’était assoupi sur ses dossiers afin de digérer pleinement son verre d’alcool et les autres qui avaient suivis. Il se massa le menton et chercha à tâtons la casquette bleue marine de l’Eurasian Air Force que sa secrétaire lui tendit avec pitié. Il la condamna du regard et sortit de la pièce pour rejoindre la cellule de crise quelques portes plus loin dans le couloir.

En entrant dans la salle il remarqua que tout le monde l’attendait et eut un bref signe de tête avant de rejoindre son siège sans faire attention à l’homme qui le présentait aux autres invités. Il fit un bref tour de table du regard.

L’Administratrice était assise deux sièges à sa droite, toujours resplendissante dans ses somptueux atours. Il semblait néanmoins à l’Amiral qu’une ombre était tombée sur son visage. Plus loin se trouvaient les trois conseillers de l’Administratrice, un français, un espagnol et un chinois, Ivanov n’avait jamais su retenir leur prénoms tant ils leur semblaient insignifiants. Leur présence était seulement due à la volonté de l’Administratrice de représenter le peuple pour de grandes décisions. En vérité leur parole n’avait pas d’importance.

Le Général Onara en face de lui le fixait avec mépris. Ivanov le savait chercher à prendre sa place, probablement afin de fomenter un coup d’état ou un autre coup bas dans le genre. S’il n’avait pas un faible pour l’Administratrice et s’il pouvait prendre sa retraite sur simple demande, il le lui aurait laissé depuis longtemps. A côté se trouvait le chef de la police Tory Ama ainsi que le chef des forces spéciales Enzo Vasari, un italien qui semblait plus sorti d’un cocktail que d’une formation commando.

L’amiral remarqua alors les deux hommes et la femme situés à sa gauche et cru se rappeler les rumeurs concernant un attentat et un rapide procès clôturé par l’Administratrice. Il ne regarda pas l’homme assis entre lui et l’Administratrice à sa droite. Encore un dont il ne se rappelait plus le nom mais il savait qu’il était apparenté à Lwaï Tse Now et différentes affaires concernant le Sun Yee On. L’Administratrice n’avait jamais vraiment nié son appartenance à la plus grande triade chinoise mais avait facilement noyé le poisson en réussissant après son arrivée au pouvoir à détruire toutes les autres triades et en supprimant les inégalités sociales.

L’homme à la droite d'Ivanov devait être un des haut dirigeants du Sun Yee On et, à vrai dire, l’amiral n’avait jamais cherché à le savoir tant cet il lui donnait des frissons. Il assistait à toutes les réunions de crise et ne parlait jamais. Et s’il tentait quelqu’un de le prendre à parti il lui renvoyait simplement un regard indescriptible mélange d'analyse de l’opposant et menace voilée.

Le dernier homme, assis en bout de table face à l’Administratrice se leva et fixa Noé, Tetsuo et Naïa à sa droite.

_ Je suis le secrétaire d’état, Howard Hackman. Nous sommes réunis aujourd’hui pour ce qui semble être le plus gros canular concernant les excuses de terroristes…

Il regarda autour de lui pour mesurer l’impact de ce qui lui semblait être une bonne entrée en matière, il s’arrêta de nouveau sur Noé :

_ Aujourd’hui, vous avez causé la mort de huit personnes et blessé plus d’une cinquantaine à la gare de Canton. Dieu merci, l’Ange, entre autres, responsable de ces morts n'a pas explosé suite à ce qui semble être un défaut de "fonctionnement"…

_ Ce n’est pas un défaut, entreprit Tetsuo, j’ai hacké le…

_ Vous attendrez que l'on vous donne la parole ! coupa Hackman sèchement. Surtout pour nous parler de vos discutables prouesses.

Il entama un tour de table.

_ Je disais donc que cet Ange aurait pu causer la mort de plus de quatre vingt millions de personnes ici à Canton, peut-être même plus en considérant les conséquences de la chute de notre capitale et la mort de notre Administratrice.

Sur ce il s’arrêta faussement soulagé.

_ En réponse à cet attentat, vous osez détourner les soupçons qui pèsent sur vous par une inadmissible accusation envers la CITL et le Nouveau Monde alors que nous faisons tout notre possible pour nous entendre avec ces nations…

Tetsuo sentait la colère lui monter mais Naïa le retint d’une main sur son genou, de faire une bêtise. Noé quant à lui attendait une réaction de Lwaï Tse Now. En vain. Celle-ci semblait faire tout son possible pour montrer de l’intérêt aux propos d’Hackman évitant de croiser son regard.

Hackman semblait malgré tout nerveux.

_ Grâce en soit rendue à la grande clémence de notre Administratrice, celle-ci a daigné vous laisser une chance de prouver vos dires. Quoiqu’il en soit nous sommes entrés en contact avec le Général Akdov qui nous a fortement démenti cette accusation et sa responsabilité quant à la présence de l’Ange. Il a d’ailleurs exigé des excuses pour ces infamies. Je pense que notre diplomatie en a prit un coup avec cette affaire. D’ailleurs dans quelques heures l’Amiral Oïc a promit de nous rendre visite afin de prouver sa bonne foi. Je pense que vous devriez d’ores et déjà changer votre version des faits et nous expliquer en détail ce qui s’est réellement passé.

Un lourd silence s’installa dans la salle, tous les regards étaient tournés vers les accusés.