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     Une fois de plus, vous déambulez dans l’immense bibliothèque... L’odeur des vieux livres vous enchante et vous respirez à plein poumon, malgré la poussière qui prend d’assaut vos narines et irrite vos yeux... Alors que vous laisser votre regard couler sur les rayonnages qui s’étalent à pertes de vue, un choc sourd sur votre crâne vous tire de votre rêverie pour vous assommer. Après vous être relevé, vous cherchez d’un œil courroucé le coupable de votre future bosse... Un petit bruissement attire votre regard vers vos pieds... Là, un livre à la couverture de cuir rougeâtre semble vous faire de grands signes. Vous le ramassez rageusement, la couverture est faite de cuir d’un rouge rubis à la profondeur magnifique, des motifs compliqués sont imprimés dans le cuir et des dorures courent jusqu’au fermoir qui vibre légèrement. Vos doigts caressent la reliure antique puis glissent sur la gemme qui orne le centre du livre... Une étincelle brille en elle et elle émet une lueur semblable à celle des flammes. Etrange, le livre semble plus beau et plus chaud chaque instant, mais toutes ces pensées sont balayées par le courant magique qui se répand dans l’ouvrage que vous avez entre les mains... Le fermoir tremble à présent, vous l’ouvrez d’une petite pression. Les pages sont faites d’un papier d’un lustre et d’une douceur peu commune, mais il est vierge... Vous devenez encore plus stupéfait alors que les pages tournent d’elles-mêmes puis commencent à se couvrir de fines runes elfiques agréable à l'œil...

Arkanahn

- Ca y est mon Seigneur ! déclara une jeune elfe en passant la tête par la porte de la salle du trône.

- Enfin ! s’exclama un elfe au cheveux roux et au port noble, bien calé sur les coussins de son trône sculpté dans la pierre.

 

     La servante s’en fut, bientôt suivie par son souverain. Celui-ci avançait à grands pas dans les couloirs en granit du Weyr de Tahml’akdir, l’une des plus ancienne forteresse de Caledor, il bouscula un jeune courtisan occupé à lui faire sa révérence. Le Seigneur Caeron était en sueur lorsqu’il arriva devant la porte de ses appartements. Il poussa la porte ouvragée doucement et ce avec hésitation, contrairement à ses habitudes...

 

     Son épouse était allongée dans le lit aux montants sculptés en forme de Dragons qu’ils partageaient depuis bientôt deux siècles. Elle bordait dans ses bras une minuscule créature, Caeron resta un instant interdit sur le seuil de la porte, du moins jusqu’à ce qu’une servante lui souffle que " les courants d’airs n’étaient pas bons pour le petit ". Il referma la porte derrière lui et s’approcha du lit... Sa femme releva les yeux alors qu’il élevait la voix :

 

- Alors c’est donc lui mon premier-né ?

- Oui, c’est le fils du Dragon mon époux... lui répondit-elle.

 

     La fatigue se lisait dans ses yeux mais aussi la joie. Il l’embrassa et elle lui tendit l’enfant qui ne broncha pas. Le père serra son fils dans ses bras et l’embrassa doucement sur le front.

 

     Demain, mon fils, tu seras conduit devant la narine du Dragon qui jugera si tu es digne ou non de régner un jour ! s’exclama le Seigneur-Dragon Caeron Ier en levant l’enfant à bout de bras.

 

     Aux premières lueurs de l’aube, un cortège s’écoula de la porte principale du Weyr de Tahml’akdir, cheminant sur les sentiers étroits jusqu’au volcan appelé " la Narine du Dragon " en raison de la fumerolle qui s’en échappe sans cesse. Le Seigneur Caeron menait la troupe du haut de son coursier caparaçonné, suivait quelques’un des membres de sa garde personnelle puis son épouse et l’enfant juste avant les prêtres et les anciens. La Narine du Dragon écrasait les elfes de sa masse volumineuse, encore bien des mètres les séparaient du sommet.

 

     Aux alentours de l’Apogée (midi) le cortège arriva enfin à la hauteur d’une ouverture dans le flanc du volcan. Les anciens et les prêtres s’agenouillèrent pour prier tandis que Caeron prenait délicatement son fils des mains de la mère. Il fixa les yeux de sa femme en quête d’une approbation mais seule l’inquiétude transparaissait dans le regard qu’elle lui lança en retour. L’enfant gigota au contact du plastron de son Armure-Dragon. Il se sentit plus sûr en sentant sa masse autour de lui. C’était l’une des dernières armures des origines, taillées dans les écailles des Grands Dragons, offertes en signe d’amitié éternelle et de protection réciproque envers les souverains des premiers Weyr. Peu de souverains caledoriens pouvaient se vanter d’en posséder des pièces et seules une ou deux anciennes lignées princières hors de Caledor en possédaient encore. Caeron se ressaisit et avança dans l’ombre de la caverne qui s’ouvrait telle une blessure dans le flanc du titan vomissant de la lave... Une caverne à l’atmosphère surchauffée s’ouvrait par-delà le mur de ténèbres de l’entrée. Il resta un moment aveuglé et interdit devant le rougeoiement de la lave. Puis une voix puissante et grave s’éleva, on aurait dit le son des montagnes qui se forment, une vibration trop présente qui emplissait la caverne et ricochait partout, une voix à laquelle il était impossible d’échapper, cependant de la bonté transparaissait dans ce son...

 

- Je te salue et te souhaite la bienvenue Seigneur-Dragon Caeron Ier fils d’Uhmladir, petit-fils de Taldar, arrière-petit-fils d’Arkohn troisième du nom, arrière-arrière-petit-fils d’ Arkohn le second, arrière-arrière-arrière-petit-fils d’Arkohn Ier le Destructeur, arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils d’Arnonis, arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils d’Aetris II le Fou, arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils d’Aetris Ier et arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de Caledor le dompteur de Dragon.

 

     Caeron attendit patiemment que l’étalage de ses titres et de ceux de sa famille veuillent bien se terminer, puis il prit la parole :

 

- Bonjour à toi, Souffle-Cœur, pardonne-moi de te tirer de ton sommeil... Je viens pour mon premier-né.

- Bien, amène-moi l’enfant que les Dragons des premiers jours le jugent !

 

     Caeron s’avança un peu plus, il ne distinguait toujours pas son interlocuteur, mais il savait bien à qui il avait affaire. A mesure qu’il avançait entre les stalactites, les veines de lave et les cristaux, un bruit sourd et régulier se faisait entendre, comme la respiration d’une créature titanesque. Il se trouvait maintenant dans le cratère du volcan, sur un mince pont qui s’élevait vers le centre, en-dessous, à des mètres et des mètres, la lave bouillonnait. Caeron s’avança d’un pas assuré sur la mince arche... Son Armure-Dragon le protégeait de la chaleur et son fils ne semblait pas en souffrir. Au centre parfait de la Narine du Dragon, deux autres arches rejoignaient le pont qu’il avait emprunté et une plate-forme où un autel en pierre noire se dressait occupait le point de convergence. Il s’approcha encore et bientôt il déposa son premier-né sur l’autel sculpté dans une pierre noire comme la nuit et striée de veinules de rubis.

 

- Bien Seigneur-Dragon... Recule-toi maintenant... Fit la voix.

 

     Caeron, non sans un dernier regard au nourrisson, s’exécuta. Le souffle se fit plus fort et bientôt un battement d’aile se fit entendre. Il avait déjà senti ce déplacement faramineux d’air... Mais cela faisait bien longtemps. Une ombre gigantesque courut sur les murs. Il leva la tête, mais le ciel était masqué par la voûte et la fumée. C’est alors qu’elle apparut... Une silhouette sombre passa en flèche entre deux ponts. Elle était d’une taille non négligeable, sans doute que le grand halle du Weyr de Tahml’akdir n’aurait pas suffit à la loger. Caeron ne distinguait pas bien les traits de la bête car la lave l’aveuglait. Les pattes repliées le long du corps et les ailes battantes, elle s’élevait dans les airs. Pas de doute, un Dragon et pas un petit. La bête s’éleva encore un peu sur l’air chaud qui s’élevait du fond du cratère puis se laissa glisser jusqu’à l’autel. La créature se posa, les arches vacillèrent mais tinrent bon. La créature avança son cou et bientôt sa gueule garnie de crocs aussi gros que la tête d’un elfe se trouva à la hauteur de Caeron, celui-ci sentit un souffle chaud et parfumé s’engouffrer par la visière de son heaume, puis la tête s’abaissa encore et tourna légèrement de coté, un œil aussi gros qu’un poing fixa intensément Caeron. On pouvait lire dans ce regard un âge et une sagesse incroyable et surtout une sorte d’attitude paternelle. Puis la tête s’approcha du nourrisson qui ne manifestait aucune peur. La bête le poussa du bout de son museau. Caeron était nerveux, son fils ne manifestait aucune crainte et promenait ses petits doigts sur le museau du Dragon, il pouvait contempler les traits de la bête. Une tête légèrement carrée, de grosse écailles lisses et brillantes d’un éclat bleu-violacé. La mâchoire était impressionnante, mais la tête gardait une sorte d’humanité. Le Dragon prit appuis sur sa queue et ramena ses pattes avant vers le nourrisson, c’était en vérité plus des mains que des pattes, elles étaient énormes, musclées et noueuses. De longues griffes terminaient chaque doigt et avec celle-ci il commença à tracer des signes dans l’air et sa voix grave s’éleva pour entonner une litanie gutturale et lancinante. Puis il souffla une toute petite flammèche et l’air s’enflamma, traçant une cage au-dessus du nouveau-né et consumant d’étranges runes. Puis le Dragon se tourna vers Caeron et il prit la parole :

 

- Prends ton épée Seigneur-Dragon et entaille mon front !

- Je n’oserais pas grand Souffle-Cœur...

- Vas-y, c’est pour ton fils !

 

     Caeron dégaina son épée et traça à grand peine un sillon sur la longueur du front de l’antique créature. Un filet de sang violet sombre s’écoula doucement, le Dragon recula, il trempa sa griffe dans son sang et traça un signe avec sur le front du nouveau-né. Souffle-Cœur renversa sa tête en arrière et cracha le feu à la face des cieux. Caeron recula d’un pas... Il n’avait jamais vu un ancien Dragon ainsi, le Dragon s’arrêtât et posa son regard de braise sur le Seigneur du Weyr de Tahml’akdir.

 

- Ton fils est celui par qui vient le feu ! Son nom sera Arkanahn, Seigneur des flammes ! Sois-en fier et fie-toi au destin...

 

     Avant que Caeron ait pu desserrer les dents, le Dragon s’envola et disparut. Le Seigneur-Dragon s’approcha de l’autel, l’air était brûlant et saturé de magie élémentaire des Origines. Son fils dormait sur l’autel.

 

- Arkanahn... murmura-t-il, qu’il en soit ainsi !

 

     Et il se saisit de l’enfant qu’il serra contre son plastron.

 

Fin des Origines et début de la Vie...

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