Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

     Ferog et Tyrcevon, embarqués sans ménagement dans les tréfonds des souterrains, arriverent bientôt dans une vaste salle dont l’entrée était bloquée par une grille gardée férocement par un sectateur qui se trouvait etre le seul hobbit de la secte.

Il avait été choisi comme geolier d’une part a cause de son sale caractere qui convenait parfaitement a ce role, et d’autre part en raison de sa taille (verticale et horizontale, si l’on peut dire), qui ne lui permettait pas de participer a la position du mois, cette derniere exigeant des capacités érectives minimales pour atteindre l’orgasme collectif. Son nom était Hippolyte Portassiette, mais il avait de nombreux surnoms ; citons parmi les plus utilisés Courtebite, Cornichon-mou, Boules-à-terre, Minizobi et Pointure-fillette, dont aucun ne lui plaisait particulierement comme on peut s’en douter. Notre nain et notre pretre furent donc jetés aux pieds du halfeling mal luné, a la fois parce qu’il était de mauvaise humeur ce soir-la comme tous les soirs, et a la fois parce que ce soir-la comme tous les mois c’était la pleine lune et qu’il aurait du se transformer en hobbit-garou, ce qui lui conférait momentanément puissance et virilité. Hélas pour lui, la date de réunion de la secte était tombée précisément cette nuit la et il avait du renoncer a sa sortie mensuelle de tournée des villages et des villageois noctambules pour assurer la sécurité des cachots, de mauvais cœur mais contraint et forcé par le reglement intérieur qui stipulait qu’en cas de désistement aux obligations de la secte le membre concerné serait radié apres avoir été décapité. Ne pouvant pas apercevoir l’astre nocturne depuis le fond de la grotte, il était resté sous sa forme de misérable hobbit tandis que tous ses compagnons ripaillaient de chair humaine et partouzaient a qui-mieux-mieux. On comprend mieux pourquoi il fit un pietre accueil a nos deux héros, et les recut a coups de gourdins dans les cotes sans meme un bonjour, avant d’ouvrir la porte de la geole et de les jeter a l’intérieur comme de vulgaires sacs de patates.

     Tyrcevon et Ferog gisaient la depuis quelques secondes et en étaient déjà a se disputer pour savoir lequel d’entre eux rongerait en premier les cordes de l’autre lorsque tout a coup un chant étrange et fascinant monta du fond de la grotte :

 

(Sur l’air de Laisse béton , et pardonne-moi Renaud.)

 

« Dans ma taverne j’etais peinard,

Je m’biiiiipais avec bonheur

D’un coup est entré un barbare

(J’ l’ai reconnu rien qu’a l’odeur)

Il a roté, il s’est assis

Et m’a r’gardé d’un air contrit :

« L’est pas p’tite, ta biiiiip, elle m’excite !

Faut dire aussi que chuis biiiiip

Au cas ou t’aies pas remarqué

Viens faire un tour dans ma cabane

J’te montrerai c’qu’y’a sous mon pagne

Et je t’biiiiip bien profond. »

Moi j’lui ai dit : « Lèche-toi l’biiiiip ».

 

Y m’a filé une beigne

J’lui ai filé une mandale

M’a filé une chataigne

J’ai baissé mon futal.

 

Dans ma taverne j’etais peinard,

Je m’biiiiip d’vant l’miroir

Quand par-derriere une elfe noire

Saisit par surprise mon biiiiip

Tout en plantant ses ongles dedans

Elle murmura d’un air méchant :

« T’as un biiiiip, mon chou, qu’a pas l’air mou

Moi m’faut du SM pour qu’je biiiiip

Le fouet, l’cuir, les coups dans les biiiiip

Viens faire un tour dans mon palais

J’t’attacherai a mon chevalet

Et j’te torturerai ca s’ra bon »

Moi j’lui ai dit : « Biiiiip-toi l’biiiiip »

 

Elle m’a filé une beigne

J’lui ai filé une volée

M’a filé une chataigne

J’ai filé au ch’valet.

 

Dans ma taverne j’étais peinard,

J’me f’sais biiiiip par la serveuse

Quand v’la t’y pas qu’un autre batard

S’mit a tripoter l’biiiiip d’la gueuse

Puis en lui pincant les biiiiip

Y m’dit en me montrant ses biiiiip :

« Chuis un Nain, et les Nains, c’est pas des biiiiip !

J’sais, ca rime pas, rien a biiiiip

Les vers c’est pour les biiiiip

Moi tout c’que j’veux c’est qu’ta copine

Elle m’leche les biiiiip et puis la biiiiip

Toi tu peux t’casser tete de biiiiip »

Moi j’lui ai dit : « Avorton »

 

Y m’a filé une beigne

J’lui ai filé un coup d’masse

M’a filé une chataigne

J’lui ai filé la pétasse.

 

La morale de c’te pauvre histoire

C’est qu’dans ma taverne j’suis peinard

Jusqu’au moment ou j’sors mon biiiiip

D’vant une elfe noire ou un barbare.

Dans cette putain d’chanson d’Kundïn

C’était l’nain l’moins chiant pour une fois :

Il en voulait ni a ma biiiiip

Ni a mon biiiiip, ca m’va comme ca. »

 

     Interloqués par cet air surgi de nulle part, les deux compagnons du barde empalé avaient écouté en silence le mystérieux chanteur jusqu’au bout. A la fin de la chanson, ils apercurent au fond de la grotte la silhouette d’un homme se lever et venir a leur rencontre.

- Alors les gars ? On s’est fait ramasser comme des bleus par les gidouilleux ? Trépignez pas je vais vous détacher.

     Alors que leurs yeux s’habituaient peu a peu a l’obscurité, le nain et le pretre virent plus distinctement leur mystérieux interlocuteur. Curieusement, celui-ci était revetu d’une armure complete et meme son visage disparaissait sous un heaume de métal muni de grandes cornes ; les deux fentes percées a l’endroit des yeux laissaient apparaître une lueur rougeatre des plus sinistres. On eut dit un chevalier prêt a partir au combat, si ce n’est qu’il n’avait visiblement aucune arme sur lui. A chacun de ses pas, de nombreux cliquetis résonnaient dans la geôle et son armure sans défaut reflétait la pale lueur d’une torche lointaine qui scintillait dans le couloir. En quelques instants, il arriva devant les deux compagnons et s’agenouilla pour défaire leurs liens de ses mains gantées de fer.

- Qui t’es, toi ? fit Ferog aussitôt détaché.

- Kusonné, Simon.

- …

- Ca vous dit quelque chose ?

- Si ton cul sonnait, ca nous dirait l’heure. J’la connais.

- Ah ah oui, non j’déconnais je m’appelle Kytskyl. Avec deux y.

- Ca sonne beaucoup plus réaliste en effet. C’est le dernier prénom a la mode dans les contrées du rêve ?

- En fait, j’ai changé de nom récemment. Kytskyl, c’est le nom que m’a donné le Docteur Jakull. Avant j’étais barde, humain, et je m’appelais Raoul Zet.

- Raoul Zet ? Ben t’as rien perdu. Et maintenant t’es quoi ? T’as changé de carriere ? T’es passé guerrier du Chaos ?

- Non, maintenant je suis un golem de fer.

- Un golem de fer ? Attends je t’arrete tout de suite, il est dit clairement dans les regles que, je cite, « un golem de fer[…] est incapable de parler ou d’émettre le moindre son. » Tiens, regarde c’est page 108. Kundïn s’est foutu dedans.

- Remarque a la ligne suivante, il est marqué qu’il ne dégage pas d’odeur, et lui il fouette un max ! T’as chié dans ton armure ou quoi ?

- C’est l’huile de chat mélangée a la graisse de fesse de dryade. Pour mes articulations. J’ai pas de corps c’est juste une armure posée sur des mécanismes métalliques.

- Putain mais c’est quoi ton histoire a la fin ? Qu’est ce que tu fous dans un cachot et comment t’es passé de barde humain à Golem schlingueur, parleur et même chanteur ?

- Ca va etre long. Pour résumer, disons que je me baladais tranquillement dans la foret quand j’ai été accosté par un groupe de sectateurs de la Grande Gidouille Bleue, qui cherchaient des jeunes gens dynamiques et vigoureux pour participer a un projet de rénovation de conception des systemes mécaniques automatisés et comme c’était la branche dans laquelle j’avais fait mes études avant de finalement devenir barde, j’ai accepté de les suivre. Ils m’ont emmené aupres du Docteur Jakull qui est leur chef, une espece de savant fou comme on en trouve fréquemment dans les mauvais récits d’aventure, et ma participation a consisté a etre attaché sur une machine, le Krabouillizeur, qui a transféré mon esprit dans celui de ce golem de fer. Finalement, comme j’étais plutot insoumis et que je faisais un assez mauvais golem, le docteur Jakull m’a envoyé au cachot en attendant de me recycler dans quelque chose d’autre.

- Et la chanson de tout a l’heure, c’était quoi ?

- Ben une des chansons que je chantais quand j’étais barde. Ca vous a plu ? C’était pour vous souhaiter la bienvenue dans la geôle.

- Et pourquoi c’était plein de biiiiips ?

- On m’a intégré récemment une puce sauvegarde-morale. C’est un peu genant pour une chanson paillarde mais bon… On devine.

- C’était plutot zarbe, mais merci d’avoir essayé.

Soudain, la porte de la geôle s’ouvrit violemment et Hippolyte Portassiette apparut, trainant derriere lui un elfe tout empaqueté.

- Tenez, les pouilleux, v’la d’la compagnie ! fit le hobbit en jetant brutalement le nouvel arrivant au fond du cachot.

- Merde, mais c’est…

- Siani !

- Gné ?

- Putain mais t’es vivant ?

- Non non connard, chuis mort et je t’emmerde ! Ca te prend souvent de balancer tes compagnons du haut d’un précipice ?

- Ouais ca va, oh, j’l’ai pas fait expres !

- C’est un ami a vous ? fit Kytskyl.

- J’vais t’buter, enculé ! cria Siani à Ferog, ignorant la question du golem.

- Ta gueule ! T’es encore attaché je te signale. Si tu continues je vais t’étrangler pour t’apprendre la politesse ! répondit Ferog.

- Oui oui, c’est un compagnon a nous, on l’avait perdu en route mais apparemment il a survécu, je lui demanderai comment quand ils se seront calmés. Par contre je ne sais pas ce qu’il a fait de la Troumpfette qu’il trimballait avec lui, dit Tyrcevon a Kytskyl tandis que le ton montait entre les deux autres prisonniers.

- Pauv’con de Nain !

- Couillon d’elfe !

- Vous étiez nombreux dans votre compagnie ? demanda Kytskyl.

- Oh, au début nous étions sept, puis on est passés a six avant meme d’avoir fait le premier épisode, on a du changer le nom de la compagnie…

- Vous vous appelez comment maintenant ?

- La Compagnie du Barde Empalé.

- Mes dieux ! Qu’est ce que vous avez fait pour mériter pareil surnom ? fit Kytskyl tandis que la dispute battait son plein entre Siani, toujours ligoté, et Ferog qui commencait a regretter de ne pas avoir poussé l’elfe plus fort.

- Tarlouze !

- Ordure !

- Eh bien, reprit Tyrcevon, disons qu’en chemin nous rencontrâmes un fort parti de pygmées de Toteuhnaut…

- Totheunaut, corrigea Kytskyl.

- Oui, pardon. Et malgré une résistance héroique de ma part, je ne pus défendre mon ami le barde Kouyoli qui fut pris par ces féroces pygmées et connut une triste fin, empalé sur un pieu dédié a une de leurs divinités afin que cette derniere fertilise leurs champs, d’apres ce que j’ai pu en comprendre. Je dois dire que le reste de mes compagnons ne fit alors pas vraiment preuve d’un grand courage pour venir au secours de notre ami, soit dit entre vous et moi. Mais leur conscience les harcelera…

- Ahuri !

- Ouah l’insulte a deux balles !

- J’vais t’la rentrer dans l’fion l’insulte, tu vas voir !

- Mouais… Triste histoire effectivement. Et vos autres potes, ils sont ou ?

- Il y avait encore deux filles, une voleuse et une mago demi-elfe mais Jakull les a envoyées au laboratoire quand on a été capturés.

- Au labo ? Ah merde, désolé.

- Pourquoi ? demanda le pretre.

- Ta mere a poil chez les orques !

- Ta mere elle suce des kobolds !

- AH ! j’t’ai bien eu, ma mere elle a été brulée vive l’année derniere d’abord !

- Et sa barbe a brulé avec ?

- MAIS JE VAIS ME L’FAIRE CE BATARD !

     Et tandis que Tyrcevon et Kytskyl séparaient les doigts du nain du cou de l’elfe, loin dans son laboratoire, le docteur Jakull s’apprêtait a mettre un terme a une horrible expérience.

 


 

     Alors que nos amis se disputaient dans leur cachot, en effet, les deux filles étaient ligotées sur l’infâme Krabouillizeur, le mystere hideux du docteur Jakull, la machine dégénérée issue des méandres compliqués d’un cerveau malade et sadique, dont le propriétaire s’activait a manipuler leviers et mécanismes, en ricanant de facon inquiétante.

- Et voilà mes chéries ! Dans un instant, vous participerez a une passssionnante expérience qui vous laissera des souvenirs… impérissables ! Niiiark niark niark !

- Peuh, il nous a meme pas violées, fit Sibéa. C’est vraiment pas la peine de se faire capturer si c’est pour finir sur une machine idiote.

- Moi j’attends de voir, lui répondit Périna qui était enchainée a coté d’elle et s’inquiétait, a juste titre, de ce qui allait leur arriver.

- C’est parti ! On ferme les yeux et on prend une grande inspiration… Et clic ! RAAAAH AH AH AH AH AHHH !

     Le Krabouillizeur se mit en branle d’un coup dans un vacarme épouvantable. Il y eut une grande lumiere, des trucs tournèrent, des bidules sifflèrent, des schpountzs glougloutèrent et l’infernal vacarme vint couvrir le ricanement démoniaque du non moins démoniaque Docteur. Cela dura une minute, puis, aussi subitement qu’elle avait démarré, la machine s’arreta.

     Sibéa ouvrit les yeux. Elle ne constata pas de changement important de prime abord, si ce n’est qu’elle avait apparemment changé de place. Elle attendit ce qui allait se passer.

     Périna, elle, sentit tout de suite qu’il y avait un changement. Elle ne réalisa pas exactement ce qui s’était passé, mais elle ne percevait plus les choses de la meme facon. Il lui semblait qu’elle était dans une sorte de trou assez étroit depuis lequel elle voyait les murs blancs du laboratoire, mais ne sentait plus son corps de la meme facon. Elle percevait les choses autour d’elle mais différemment, comme si sa vision des choses était globale et non limitée a un champ visuel…

     Sibéa entendit le docteur Jakull parler a quelqu’un, juste a coté d’elle.

- Allons, viens ici, toi, viens voir ce qui lui est arrivé ! fit-il en gloussant de sadisme.

     Il s’approcha enfin de Sibéa, tenant quelqu’un par la main. La demi-Elfe poussa un cri puis resta bouche bée, incapable de croire a ce qu’elle venait de voir. Dans un ricanement, l’horrible docteur se déplaca jusqu’à Périna, se saisit d’un miroir et le mit devant la voleuse. Elle ne comprit pas tout d’abord, puis réalisa que ce qu’elle voyait, c’était elle… Elle aurait voulu s’évanouir d’horreur, mais cela était impossible.

 


 

     Dans la geôle où l’atmosphere s’était enfin détendue, Tyrcevon, Ferog et le barde-golem Kytskyl écoutaient avec attention le récit de Siani, qui pour des raisons qui leur étaient inconnues avait décidé de changer de nom, prétextant que c’était la coutume chez les Elfes, et désirait maintenant s’appeler Edsianié ce qui signifiait tout betement qu’il était devenu adulte selon les criteres Elfiques. Quoi qu’il en soit il leur raconta comment, grace a un buisson bien placé, ils avaient survécu a leur chute lui et la Troumpfette et s’étaient retrouvés sur un balcon de pierre sis au milieu de la falaise, ou ils avaient du attendre des heures dans l’espoir qu’un grand aigle, traditionnel ami des elfes et des troumpfs, leur vienne en aide. Hélas ce n’était pas un allié qui était venu, mais un sectateur de la Grande Gidouille Bleue qui avait ouvert la porte secrete des toilettes pour aller pisser et les avait trouvés sur la plate-forme d’ou les adorateurs faisaient leur caca, économisant ainsi les frais liés a une fosse septique. Capturé, il avait été emmené dans les geôles et ne savait rien de plus.

- Et la Troumpfette ? firent en chœur Tyrcevon et Ferog.

- Euh… je ne sais pas, ils l’ont emmenée aussi. Mais pas ici.

- Elle est aussi au laboratoire ?

- Peut-etre. J’en sais rien, répondit le rodeur elfe avec un soupir dans la voix.

     Il avait en effet omis de raconter l’étreinte passionnée qu’il avait partagée avec la Troumpfette car cela s’était assez mal terminé pour la pauvrette, qui pour tout dire ou presque était morte dans d’atroces conditions. Aussi, quand on veut se faire accoupler un éléphant male et un caniche femelle, on réfléchit d’abord aux conséquences, ou alors le caniche va au-devant de graves ennuis.

 

Bref.

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