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     Nous y revoila, la nuit fut-elle bonne ? Moi aussi merci. Mais revenons au récit : quittons un instant la chaleur du tunnel où se livrait un féroce quoique bref combat, et allons faire un tour du coté de la falaise, une dizaine de metres en contrebas de l’endroit ou Siani et la Troumpfette étaient tombés quelques heures auparavant.

Sur une petite corniche formée par un rocher plat qui semblait émerger au milieu de la falaise, sans doute créé par un éboulis et plus surement par le Scénario (qui prévoyait tout), le rodeur elfe était allongé sur le dos et reprenait peu a peu connaissance. La Troumpfette, qui tentait de l’éventer depuis des heures avec un pan de sa robe déchirée, vit qu’il commencait a ouvrir les yeux et se mit a lui mettre des claques, ce qui ne devait pas lui faire bien mal.

- Troumpfez-vous, allez, troumpfez-vous !

- Où… Où suis-je ? By Jove, j’ai bien cru que mes poumons allaient éclater !

- Quoi ?

- Non non, rien, ce ne sont que quelques phrases-clé qu’il faut glisser dans chaque récit d’aventure si l’on veut honorer ses classiques.

- Je ne troumpfe pas un mot de ce que vous me troumpfez ! Parlez troumpf !

- Je m’excuse… Nom d’un petit troumpf, mais nous nous troumpfons en plein milieu d’une troumpf !

- Oui, lorsque vous etes troumpfé, nous sommes troumpfés sur cette troumpfe. Nous nous serions troumpfés sans ce troumpf qui nous a troumpfé la vie ! Nous avons eu de la troumpf dans notre malheur…

- Ah, oui, tout s’explique. Je troumpfe que le troumpf n’est pas si troumpf vu d’ici. Mais nous nous troumpfons a présent dans une troumpfe sans issue… Qu’allons-nous troumpfer sur cette troumpfe ?

- Il n’y a rien a troumpfer, nous ne pouvons troumpfer ni troumpfer et il est impossible de troumpfer. On est dans la troumpf jusqu’au troumpf !

Et la Troumpfette fondit en larmes sur ce constat désespéré. Siani, pris de pitié, la serra tendrement dans ses doigts et tenta de la consoler en ces termes :

- Ne troumpfez pas, Troumpfette, tout n’est pas troumpfé !

- Si, nous allons troumpfer comme des troumpfs sur cette troumpfe sans espoir de troumpf, beuheuheuuu…

- Du calme. Il nous reste un peu de troumpf, et apres tout, quand y’a d’la troumpfe, y’a du troumpf ! Hauts les troumpfs !

- Vous troumpfez ?

- Mais bien troumpf ! Troumpfez, je troumpfe la région comme ma troumpfe et je troumpfe qu’il y a beaucoup de troumpfs dans les environs. Ces troumpfs sont tres troumpfs, en général, et ils ne troumpferont pas de nous troumpfer ! Nous allons troumpfer là jusqu’à ce qu’un troumpf passe, et lorsque nous troumpferons il troumpfera a coup sur et nous serons troumpfés !

- Oh, pourvu qu’un troumpf troumpfe ! Mais combien de troumpf cela peut-il troumpfer ?

- Je n’en troumpfe rien. Nous ne pouvons que troumpfer.

     Et ils troumpferent la pendant des heures… Au bout d’un moment, comme aucun troumpf ne passait, la Troumpfette finit par s’ennuyer et elle sentit monter en elle l’instinct millénaire de son peuple. Elle se rapprocha de Siani, qui fixait le Baobab des Ages d’un regard distrait, perdu dans ses pensées, et elle dit d’une voix suave :

- Troumpfez-moi, Siani, on dit que les troumpfs comme vous sont de fabuleux troumpfs, est-ce troumpf ou n’est-ce qu’une troumpfe ?

     Un peu gené par cette question indiscrete, le rodeur elfe répondit :

- Eh bien… comment dire…

- Oh, troumpfez-moi, s’il vous plait. Je vous promets que je ne le troumpferai a personne.

- L’ennui c’est que je suis bien en troumpf de vous troumpfer. Pour tout vous dire… je suis troumpf !

- Oh mon troumpf, mais c’est troumpf !

- Bien malgré moi vous troumpfez…

- Et vous n’avez jamais troumpfé à aller aux troumpfs ?

- Ce n’est pas vraiment mon troumpf…

- Aucune troumpfe ne vous a jamais troumpfé, quelle tristesse ! Vraiment, je ne troumpfe pas pourquoi. Vous etes tres troumpf vous savez !

- C’est troumpf de votre part.

- Non non, je suis troumpf. Et je m’y connais en troumpfs, tout le village troumpf m’est troumpfé dessus… Ils étaient troumpfs, mais un peu troumpfs. Et puis, ils préféraient les troumpfs pour tout vous dire.

- Je vous troumpfe vous savez.

- Oh, je ne suis pas a troumpfer, j’en ai troumpfé moi aussi apres tout. Mais… au fond, j’ai toujours troumpfé d’un troumpf qui me troumpferait toute troumpfe, et je crois qu’avec les troumpfs ce n’etait pas vraiment troumpf. En fait, j’aurais besoin d’un troumpf comme vous.

- Que… que voulez-vous troumpfer ?

- Ne vous troumpfez pas, gentil troumpf. Je vais me troumpfer de tout, ce sera troumpf vous verrez… fit la Troumpfette en dégrafant sa robe.

- Mais… mais si un troumpf passe ?

- Il pourra troumpfer… répondit-elle malicieusement en ouvrant un a un les boutons du costume de l’elfe.

- Oh, Troumpfette…

     Et ce jour-la, l’écho des hauts de Totheunaut, qui était pourtant un écho de bonne famille, eut a retransmettre aux paysans de la vallée de bien curieux bruits provenant de la montagne ou, pour la premiere fois dans l’histoire de la biologie, un croisement s’opérait entre un elfe et une troumpfette, perchés sur leur plate-forme en plein milieu de la falaise, sous le regard étonné des quelques oiseaux de proie qui passaient dans le coin. Laissons-les la et retournons rassurés au reste de la compagnie.

 


 

     Dans la grotte, la meule était terminée depuis longtemps. Le sport ou le cul, faut choisir quelle chaine on veut regarder, alors vous plaignez pas d’avoir tout raté. Tandis que leur compagnon s’envoyait en l’air avec la Troumpfette, Périna, Sibéa, Tyrcevon et Ferog avaient attaqué quatre adorateurs de la Grande Gidouille Bleue et avaient, comme dans toutes les bonnes histoires comportant des sectateurs en toge, décidé de revetir leurs vetements pour pouvoir s’approcher sans risque de l’endroit ou l’on chantait avec frénésie et ou l’on faisait apparemment des grillades, si l’on se fiait a l’odeur qui régnait dans les souterrains. Apres un long moment, le tunnel avait débouché sur une large grotte ou un millier de sectateurs (moins quatre) était rassemblé. Au fond de la salle tronait une statue de Gidouille peinte en bleu et incrustée de pierreries ; devant elle se trouvait apparemment le maitre de la secte, le docteur Jakull en personne, qui se livrait abominablement a d’affreux sacrifices humains, dépecant vivantes les victimes enchainées qu’on lui amenait avant de rotir leurs membres pour les distribuer a la foule hurlante des sectateurs dégénérés. Les fesses et les cuisses semblaient etre leurs morceaux de choix, bien que le phallus grillé facon merguez rencontrat un franc succes aupres des adoratrices de la Grande Gidouille Bleue, car adoratrices il y avait, les femmes n’étant absolument pas, contrairement a ce que prétend une idée recue, plus sensées et moins obsédées que les hommes. Ceci dit, il faut reconnaître que la secte comptait davantage d’adeptes masculins, en partie parce que les adorateurs de la Grande Gidouille Bleue avaient une étrange facon d’encourager la natalité (habituellement, ils faisaient bouillir les nouveaux-nés dans le sang de leur mere sitot apres la naissance, surtout ceux avec un gros nez). Les Compagnons du Barde Empalé, qui s’étaient figés d’étonnement devant la scene horrible des adorateurs déchainés, furent bientôt abordés par quelques sectateurs qui, les prenant pour des collegues en raison de leurs habits, tenterent de les faire participer a leurs rites immondes, comprenant torture des victimes et stage de fraternisation rapprochée, selon la terminologie en vigueur. Tyrcevon et Ferog, accostés par de charmantes demoiselles fort avenantes et peu farouches n’y trouverent tout d’abord rien a redire, échangeant d’un regard convenu leur opinion sur cette merveilleuse secte. Ils changerent bientôt d’avis lorsqu’ils sentirent que les jeunes filles n’étaient pas les seules a etre tentées par leurs charmes et que les mains qui aggripaient leurs croupes respectives étaient celles d’un gros moustachu qui portait des chaines et une casquette de pompiste, et qui leur souriait d’un air entendu. Périna, pendant ce temps-la, tentait de repousser deux jeunes adeptes boutonneux qui devaient avoir dans les quinze ans et qui apparemment appréciaient ses rondeurs et son coté exotique. Quant a Sibéa, abordée par un groupe de sectateurs entreprenants, disons qu’elle s’appliquait avec un sens de la comédie assez poussé a se mettre dans la peau d’une parfaite adoratrice de la Grande Gidouille Bleue, tout en rythme.

     Les choses allaient ainsi se compliquer lorsque Périna, a bout de nerfs, s’écria subitement :

- Allez-vous me lacher petits cons obsédés ? Je ne vous désire point et ma dague que voilà se fera un plaisir de vous redire cela ! Aussi, morveux, allez sur l’heure vous faire pédés !

- Voilà qui est bien dit ! Si jamais tu pouvais faire partir d’ici ce gros type qui sent mauvais et qui semble a tout coup désirer nos faveurs, surtout ne t’en prive pas, Périna ma consoeur… fit Tyrcevon.

- Tyrcevon, je crois que la malchance est des nôtres. On est pas dans la merde : il en arrive un autre ! constata Férog avec horreur.

- Par ma foi je me sens quelque peu surchargée ! intervint Sibéa. Ca irait surement mieux si j’étais allongée, dit-elle a ses partenaires improvisés.

Sitot ces quelques (mauvais) vers prononcés, la foule fit silence autour d’eux et arreta un instant l’orgie pour les considérer d’un œil mauvais.

- Y’a une couille on dirait, fit Ferog.

- Ils font des vers ! DES ESPIONS ! DES INTRUS ! ALEEERTE ! crierent aussitôt tous les sectateurs des alentours.

- Et voilà on est faits.

- Je l’avais dit pourtant mais ce fut sans effet…

     Sans pouvoir se défendre efficacement, empetrés qu’ils étaient dans leurs longues toges de cérémonie, nos amis furent rapidement submergés par le nombre et furent tous les quatre défroqués en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et garrotés solidement par les sectateurs qui comptaient dans leurs rangs pas mal de spécialistes du bondage. Apres quoi, ils furent amenés sous les huées et les crachats de la foule haineuse vers l’autel-barbecue, et jetés a terre devant le Grand-Maitre de la secte, le docteur Jakull. L’affreux méchant de notre histoire avait toutes les caractéristiques physiques qui caractérisent (comme le font en général les caractéristiques) les savants fous et les boss de fin de niveau de son acabit : d’abord, il était laid, tres tres laid. Meme Ferog en comparaison était beau. Pour ne rien arranger il était sale, vulgaire et réussissait le tour de force de sentir a la fois l’ail, le munster et mes chaussettes a la fin de leur utilisation mensuelle. D’autre part, le docteur Jakull était un sadique comme on en voit peu. Non content de découper des gens avant de les manger, il se livrait en privé a toutes sortes d’expérimentations ignobles et génétiques, croisait par exemple des chimpanzés avec des poulets de sorte que le produit du croisement contre nature soit un chimpanzé a plumes avec de petites ailes faméliques et inutiles a la place des bras, pour pouvoir par la suite contempler, hilare, cette pauvre bete se casser la figure chaque fois qu’elle tentait, comme le lui commandait son instinct, de sauter de branche en branche. La liste de ses méfaits était longue, et a défaut de les citer tous nous pouvons en mentionner quelques-uns parmi les plus infames : faire pipi dans les bouteilles de shampooing et les abandonner dans les douches, raser les pieds des hobbits, ovariectomiser les escargots, collectionner les colliers d’oreilles d’elfes et déféquer sur les paralytiques. Tel était le docteur Jakull, du moins d’apres ce que purent en apercevoir et en imaginer nos amis ligotés avant que le vil individu ne se penche vers eux, les forcant a détourner la tete pour vomir de concert.

- Alors, alors ? Qu’est ce que j’apprends ? On s’introduit dans ma secte sans avoir payé l’adhésion annuelle et sans avoir subi la cérémonie d’intronisation cynofornicatoire ? Mais c’est tres mal tout ca !

- Vil vieillard a verrues, que le diable t’emporte !

- Gougnafier !

- Enculé !

- Pourri ! Facho ! Cloporte !

- Tsss… Encore des amateurs incapables de se protéger contre les effets de l’Universelle Malédiction Poétique. Quoi qu’il en soit vous arrivez un peu tard pour vous joindre a nous, nous terminons juste notre diner. Vous deux, fit-il en désignant Ferog et Tyrcevon, vous me semblez bien dodus, quoi que celui-ci soit un peu avarié. Nous vous mangerons demain matin au petit déjeuner. En attendant vous patienterez dans mes geôles. Quant aux filles, elles vont venir faire un tour avec moi dans… mon laboratoire ! Gniiiii hin hin hin hin hin hinnngrreeeehmmm ehm EHM REUUUHEUUHEUH KOF KOF KOF…

- L’humidité des caves nuit a votre santé ! fit Périna. Vous devriez parfois vous changer les idées, sortir pour quinze jours aérer vos neurones, car ici l’atmosphere ne me semble pas bonne. Je gage que la fumée comme disent les docteurs soit en tout point nuisible aux poumons et au cœur, et je crains que déjà – car cela va tres vite – vous ayez bien du mal a lever votre…

- Tu l’as dit Périna ! coupa Sibea. Je parie qu’elle est molle ! dit Sibéa.

- Il doit etre forcé de jouer les grandes folles !

- Vos gueules ! Qu’on les emporte au laboratoire, et qu’on envoie ces deux loustics bien au frais dans les geôles !

- Les loustics en question te disent bien des choses ! répondit Tyrcevon.

- Pauv’ connard, fils de pute, détache-moi si tu l’oses ! ajouta Ferog, jamais en manque de vocabulaire sur ces sujets-la.

- Et coupez l’Universelle Malédiction Poétique, ca commence a me taper sur le systeme ces vers a deux balles ! Efficace contre les intrus, mais pénible a la fin ! rajouta-t-il a destination de son bras droit, le colonel Moltrik, qui comme tout bon sous-fifre s’empressa d’acquiescer.

     Et tandis que nos héros étaient emportés en direction des geôles et que nos héroines étaient acheminées vers le laboratoire, les sectateurs se mirent a entonner tous en chœur un hymne paien dont le refrain lancinant et envoutant résonnait horriblement dans la caverne : « Ooooooh kokakola, CHIHUAHUA ! Ooooooh stoplemétro, CHIHUAHUA ! »

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