Apres un petit déjeuner plus copieux que délectable, nos cinq compagnons guidés par la Troumpfette avaient donc pris le chemin du site des balcons. Comme l’avait annoncé Siani, le soleil qui s’était maintenant tout a fait levé leur envoyait une belle journée, trop belle meme puisqu’en gros ils suaient tous comme des porcs sous une canicule épouvantable.
Le chemin qui menait au tunnel était long et pénible, serpentant a flanc de montagne comme seuls les chemins de haute altitude savent le faire, avec la paroi d’un coté et le précipice de l’autre. D’ou ils étaient, ils avaient une belle vue d’ensemble des hauts de Totheunaut, avec la foret qu’ils avaient traversée les jours précédents, la Tour ou l’on pénétrait l’épée basse, la butte sacrée et les ruines du village des Troumpfs, qu’ils avaient piétiné la veille histoire de rigoler et d’écrabouiller sous les décombres d’éventuels survivants. Plus loin en contrebas s’étalait la vallée d’ou ils étaient venus, verte et riante autant qu’une vallée peut l’etre, c’est a dire simplement verte car les vallées sont en général peu enclines a la rigolade. Enfin, je vous conseille de prendre une longue inspiration pour lire ce qui va suivre.
Se détachant en effet sur l’horizon, loin et malgré tout étrangement imposant malgré la distance titanesque qui le séparait de ses observateurs, tronait par-dessus les sommets des plus hautes montagnes ou siégeaient surement bien des dragons et des créatures quelconques répertoriées sans doute dans quelque manuel des monstres, majestueux et millénaire, et si si je vais arriver a caser le sujet de ma phrase quelque part, le puissant et vénérable Baobab des Ages (voilà) dans les branches duquel - disaient les légendes et les couillons qui les racontaient le soir aux veillées pour se faire un peu de monnaie sur le dos des imbéciles crédules qui perdaient leur temps a les écouter - le peuple des Elfes était né et avait grandi avant qu’une partie d’icelui ne parte a la conquete du Monde d’En Bas, sous les quolibets et les insultes de ceux qui restaient et qui leur jetaient des fruits pourris au visage (car le Baobab des Ages était si grand qu’il abritait a lui seul plusieurs dizaines de milliers d’individus qui avaient largement la place sur ses branches les plus horizontales et les plus épaisses de se livrer joyeusement a l’agriculture et a toutes sortes d’autres activités ne nécessitant pas l’emploi du feu, car celui-ci était prohibé dans les branches du Baobab qui aurait pu prendre feu vu qu’il était en bois) et ne vous découragez pas je vais bien finir par mettre un point quelque part dans ce paragraphe sur le Baobab des Ages, d’ou donc étaient partis les conquérants Elfes, se laissant glisser le long d’une longue corde baptisée Corde des Ages par la suite en l’honneur du Baobab du meme nom, et ou étaient restés les Elfes jeteurs de fruits pourris aux visages de leurs freres dont les descendants avaient plus tard baptisés les bourreaux de leurs ancetres Hauts Elfes des Ages, étant visiblement peu portés sur la rancune, sur l’histoire familiale et sur l’originalité puisqu’ils se sentaient obligés de rajouter des Ages a tout ce qu’ils pouvaient nommer, le nom le plus en vogue a l’époque pour un chien étant pour citer un exemple Médor des Ages, ce qui posait certains problemes lorsqu’on voulait d’urgence lui faire lacher la jambe du bébé du voisin car il est plus court d’interpeller un canidé sous un patronyme monosyllabique que quadrisyllabique, tous les maitres-chiens et tous les linguistes (qui citeront sans doute ce passage de mon récit comme exemple a ne pas suivre si l’on veut rester clair) vous le diront, bien que le point le plus important dans le lacher de mollet de bébé soit l’autorité qu’on ait sur le toutou cité précédemment, un chien nommé Rex pouvant tres bien lacher sa prise après un chien nommé Nabuchodonosor si ce dernier a appris a obéir sans délai a la voix de son maitre et si le premier se fout de la voix de son maitre comme de son premier caca enterré sous la pelouse, et l’on pourrait continuer longtemps comme cela mais je m’arreterai la si vous le voulez bien pour le Baobab des Ages qui vous laissera sans doute un souvenir déplorable, ayant passé les cinq cents mots de description en une seule phrase, ce qui pourrait etre érigé en hommage a Proust ou en Record Guiness du Livre Guiness des Records si je ne m’en tapais pas completement, et vous serez content d’apprendre que celui que vous attendiez tous, le point final de ce paragraphe logorrhéique, est enfin arrivé, vous pouvez l’applaudir : .
Siani était a peu pres perdu dans les memes pensées que vous actuellement, quand il fut ramené a la réalité par la voix de Ferog :
- Eh, t’avances, oui ou merde ?
- Deux minutes, je contemplais les cimes du Baobab des Ages, qui…
- Ouais ouais ouais on a compris. Si tu passes deux minutes a regarder chaque arbre de la foret on est pas arrivés, alors bouge ton cul d’ elfe.
- Justement, si.
- Quoi justement si ?
- On est arrivés. Voilà les balcons, et l’entrée du tunnel ne doit plus etre tres loin, d’apres la Troumpfette.
- Et ben c’est pas trop tôt.
Au bout de quelques minutes, nos héros arriverent enfin devant l’entrée du tunnel, qui comme de juste était fermée par une porte de pierre avec des runes gravées tout autour.
- Quel ouvrage sublime ! Cette porte est à n’en pas douter une création des anciens Elfes ! Voyez comme les décorations rehaussent l’ouvrage de pierre brute et en font le symbole du passage du monde extérieur vers le monde intérieur, secret, utérin, a la fois mystérieux et terrifiant, c’est admirable, commenta doctement Siani.
- Tu pourrais pas doctement la fermer et plutot ouvrir la porte que ta grande gueule ? Ca m’ferait plaisir, merci.
- Et au fait, que disent les runes ? fit Sibéa.
- C’est de l’elfique, laissez-moi voir j’ai la compétence, fit Siani en mettant ses lunettes.
- Pour un elfe c’est vraiment étonnant. Bon tu t’grouilles ? intervint Périna.
- Alors… « Fermez la porte, ami, avant d’entrer. »
- Hein ? T’es sur que tu t’es pas gourré quelque part ?
- Non non. Il doit y avoir une énigme derriere tout ca. J’ai déjà lu quelque chose de ce genre.
- Ouais ben moi j’en ai marre, je vais m’la faire a la pioche runique, cette porte runique de mes deux. Pousse-toi d’là que j’m’y mette.
Et joignant le geste a la parole, le nain repoussa brutalement Siani. Ce dernier perdit l’équilibre sur l’étroit sentier, vacilla, tenta de s’agripper a la paroi et finalement glissa dans le vide avec la Troumpfette qui était perchée sur son épaule depuis le début du voyage.
- OUAAAAHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA…
- Oups… Pardon.
Il y eut un moment de silence, et ses trois compagnons regarderent Ferog la bouche ouverte, incrédules.
- Mais merde ! T’es con ou quoi ? fit enfin Périna.
- Ben quoi j’ai dit pardon.
- Quelle mort horrible… fit Sibéa.
- Il doit avoir fini de souffrir, le veinard, commenta Tyrcevon d’une voix lasse.
- Pas sûr il me semble que j’entends encore sa voix, il doit pas etre arrivé en bas.
- C’est l’écho. Et puis fait chier a la fin, Ferog t’aurais pu faire gaffe !
- Vous allez pas me casser les couilles pendant trois heures a pleurnicher sur son sort, non plus ! Il est mort il est mort et puis c’est tout, et d’abord c’était un blaireau. S’il avait su se tenir debout bien doctement il serait encore là. Bon on en était ou ? Ah oui la porte…
Et avec beaucoup d’enthousiasme, Ferog se mit a attaquer la porte a l’aide de la pioche qu’il avait récupérée sur le gobelin dans le donjon du premier épisode. Si vous n’avez pas lu le premier épisode, c’est mal. Quoi qu’il en soit, en temps normal Périna aurait bondi pour arreter son compagnon car le bruit des coups de pioche résonnait dans tout le tunnel et pouvait alerter d’éventuels monstres, mais la voleuse noire se sentait un peu découragée et s’assit sur un rocher en attendant que le passage soit ouvert. Bientôt le Nain qui avait redoublé d’efforts – ce qui est stupide car ceux qui redoublent sont rarement ceux qui font des efforts – parvint a ses fins, et les débris de la porte runique allerent rejoindre Siani dans le précipice (« comme ça, ça recouvrira le cadavre » avait commenté Ferog). Un étroit tunnel dont les parois de pierre suintantes étaient couvertes par endroits de moisissures verdatres s’ouvrait devant les compagnons du Barde Empalé, et quelqu’un posa la question fatale :
- Bon, qui passe en premier ?
Apres vingt minutes de discussion, il fut décidé qu’on adopterait l’ordre de marche correspondant peu ou prou aux recommandations de l’architecte Dudule, celui qui avait construit le célebre labyrinthe de Minus et qui, en guise de récompense et vus les délais de construction et le surcoût du projet, avait été jeté dedans avec son fils Smicare. Heureusement pour eux, Dudule et son fils avaient pu au bout d’un long moment s’en sortir en volant (les clés de la porte de derrière) et meme si Smicare avait mal tourné mal par la suite, flambeur comme il était, Dudule quant a lui avait entrepris de rédiger ses mémoires et avait écrit le célebre ouvrage C’est le laby à Dudule, mondialement connu, expliquant tout ce qu’il y a a savoir sur un labyrinthe et sur les facons d’y pénétrer.
Il fut donc décidé que Périna passerait en premier, pour inspecter le passage, puis qu’apres elle viendrait Ferog, qui tiendrait la torche et serait la en cas de bagarre, puis Sibéa qui en tant que magicienne devait se trouver protégée au sein du groupe, et enfin Tyrcevon qui assurerait l’arriere-garde au cas ou ils soient pris a revers.
Nos héros pénétrerent donc un a un dans le tunnel humide, chaud et moite qui s’ouvrait dans les flancs de la montagne. Le passage était étroit et le plafond peu élevé les forcait tous a se courber et leur donnait mal au dos ; Ferog, bien entendu, n’était pas concerné par cette usure de lombaires et faisait le fier en gambadant dans son milieu naturel :
- Arf, enfin un bon vieux tunnel dans cette putain d’aventure. Ca fait du bien de s’retrouver sous terre. L’est pas trop mal ce passage, taillé un peu grossierement mais pas trop mal quand meme. La pente est réguliere, pas trop d’infiltrations ni de crevasses dans les murs et le plafond…
- Bon ca va on sait que tu t’y connais.
- Et comment que je m’y connais ! Je pourrais meme me diriger sous terre dans le noir le plus complet.
- Ah oui ? T’es nique ta clope, chose, là ?
- Elle est pas neuve celle-la. Nyctalope. Comme toi je suppose...
- Oui, mais seulement de l’œil droit.
- Hein ?
- Je vois dans le noir, mais juste de l’œil droit. Je suis demi-elfe.
- Jamais rien entendu de plus débile.
- A combien de metres elle porte, ta vision dans le noir ? fit Tyrcevon qui était assez curieux de ce genre de détail.
- En gros, dix. Mais ca varie selon les nains, et puis ca dépend aussi de l’entrainement.
- Quel entrainement ?
- Ben quand on est jeunes, nous les Nains, pour s’habituer a l’obscurité on fait des courses dans les couloirs dans l’obscurité la plus complete ; on appelle ca le jeu de blok. Celui qui gagne, c’est celui qui se cogne le moins de fois possible. Ca nous permet de nous endurcir et de développer notre vision nocturne, et en cas d’attaque dans une forteresse naine on éteint toutes les lampes et ca nous donne un avantage sur nos adversaires, vu qu’on connaît mieux le terrain.
- Ah bon. Ben je comprends maintenant pourquoi vous avez tous des tronches comme ca, c’est a force de vous cogner dans les murs !
- J’t’emmerde ! fit Ferog en se retournant avec l’intention d’en coller une a Tyrcevon.
Mal lui en prit, car au meme moment une stalagmite surgie de nulle part vint frapper son entre-jambe avec violence et préméditation.
- Perdu ! s’écria Tyrcevon tandis que le nain se tordait de douleur a terre. Le jeu de blok, hein ? tu m’la copieras celle-la !
La compagnie du barde empalé, du moins ses membres survivants, progresserent ainsi dans le tunnel pendant plusieurs heures lorsqu’ils arriverent a un carrefour. Trois nouveaux tunnels partaient de cet endroit, et une pancarte accrochée contre un mur indiquait la direction de l’un d’entre eux ; dessus était peint en bleu un signe bizarre qu’aucun des quatre aventuriers ne put interpréter. Sans la Troumpfette pour les guider, ils furent bien en peine de décider quelle direction prendre ; aussi ils tenterent une approche scientifique du probleme, s’appuyant sur les célebres lois de Dudule, que nous citerons ici :
« Lorsque vous etes perdu dans un labyrinthe, vous choisissez un mur au hasard (un qui ne soit pas trop sale si possible) et vous posez la main dessus. Si vous n’etes pas passé au travers cela signifie d’une part que vous n’etes pas un fantôme et d’autre part que le mur n’est pas en carton mais en dur et donc qu’il va falloir trouver une issue valable. Gardez la main sur le mur et avancez jusqu’au prochain carrefour. Si vous n’avez pas trouvé la sortie, cela signifie que vous etes dans un labyrinthe de niveau 2 ou plus, autrement dit plus complexe qu’un couloir d’appartement F2. Dans ce cas, adoptez la démarche suivante : tous les deux carrefours, changez de mur pour le mur opposé et tous les neuf changements, multipliez le carré du nombre de carrefours déjà rencontrés par le nombre de carrefours par lesquels il vous semble que vous etes déjà passé. Ce chiffre vous donne le nombre approximatif de mois qu’il vous reste a glandouiller dans le labyrinthe, bonne chance. »
Les lois de Dudule étaient réputées infaillibles, personne n’ayant jamais survécu a un labyrinthe en appliquant pareille méthode pour pouvoir s’en plaindre ensuite. C’est donc pleins de confiance que nos héros choisirent finalement de prendre le tunnel que la pancarte indiquait, se disant qu’apres tout si quelqu’un avait pris la peine d’installer une pancarte ici pour indiquer cette direction, cela signifiait qu’il y avait quelque part des gens désireux que leurs semblables ne se perdassent point dans cet endroit, ce qui était assez encourageant, et qu’il vallait mieux suivre leurs directives que de se risquer a faire le zouave dans un labyrinthe en prétendant pouvoir en trouver la sortie par la seule force de ses méninges.
Or, il se trouve que le signe sur la pancarte était un glyphe de la secte des Adorateurs de la Grande Gidouille Bleue. Il faut que je vous entretienne a present de ce culte étrange, certes peu répandu dans le multivers et sans doute non répertorié dans un quelconque supplément de Donjons & Dragons, mais que la dévotion de ses membres rendait redoutable. Son histoire démarra il y a bien des siecles, dans le désert de Nu, lorsqu’un ermite nommé Kahskouy découvrit enfouie dans le sable une mystérieuse statuette qu’il prit d’abord pour un crottin de chameau. C’est en tentant de s’en servir comme combustible pour entretenir le feu dans la soirée – comme c’était la coutume chez les nomades de Nu – que la vraie nature de l’objet lui fut révélée. La Grande Gidouille Bleue lui apparut dans une volute de fumée et lui expliqua qu’il était temps pour lui et pour les bouseux de son espece qui trainaient leurs savates sans but dans le désert de se trouver une vraie religion, pas une religion pour vieilles filles coincées du cul, non non, mais une religion d’hommes, de vrais, une religion ou l’on sacrifierait des vierges, ou l’on brulerait des vieux, ou l’on jetterait les bébés avec un gros nez aux vautours et ou l’on partirait en guerre sainte pour massacrer les paiens, violer leurs femmes, empaler leurs enfants, rotir leurs chiens et peler leurs chats a l’épluche-légume. Kahskouy, renoncant alors au culte qu’il rendait jusque-la aux orteils momifiés de son arriere-grand-pere, reconnut pour vraie et sage la toute-puissance de la Gidouille, recut un coup de tentacule dans la gueule pour rectificatif, et reconnut enfin pour vraie et sage la toute-puissance de la Grande Gidouille Bleue, en s’excusant et en saignant du nez. Apres quoi, il s’autoproclama Grand Maitre de la secte, s’en alla faire des adeptes parmi ceux qui adoraient les scoubidous, les pets enflammés, les dryades des palmiers ou les rotules de l’un de leurs aieux, et écrivit en meme temps ses célebres Dits de Kahskouy, versets qui forment encore de nos jours le livre sacré de tous les adorateurs de la Grande Gidouille Bleue, s’il en reste. La philosophie de base de Kahskouy prone avant tout la tolérance (envers le meurtre, le viol, l’inceste, le vol, la torture et la violence gratuite). Avant de mourir d’une crise cardiaque a l’age avancé de 86 ans en dépucelant sa 26493 eme vierge, Khaskouy eut le temps de répandre sa bonne parole parmi de nombreux adeptes qui perpétuerent et perpétrerent la tradition du culte de la Grande Gidouille Bleue a travers les siecles, jusqu’au moment qui nous préoccupe, celui de notre récit, a savoir l’an -345 du calendrier Khroumirien (ce que tout le monde ignorait bien évidemment a l’époque). Le Grand Maitre de la secte était alors connu sous le nom de Docteur Jakull, et c’était un des génies du Mal tels que l’histoire en pond assez régulierement pour en faire baver a l’espece humaine (voire naine, elfe, hobbite, et tout le reste). Le Docteur Jakull avait en effet brillamment passé son doctorat du Mal a l’université Louis Ténebres, Pandémonia II, avec mention Tres Bien et félicitations du jury pour sa these intitulée « Création et réception du theme de l’arrache-ongles dans l’œuvre de Saint-Exécutery », et avait été promis a une belle carriere de méchant par tous ses professeurs y compris par son mentor l’ombrageux démon des profondeurs Machiavel-Pal Schmott, ce qui n’était pas rien. Il avait repris la secte de la Grande Gidouille Bleue en assassinant son prédécesseur comme le voulait la coutume, et menait de main de Grand-Maitre (« une main de fer dans un gant d’acier garni de lames de rasoir ») l’ensemble des quelques mille adeptes que comptait la secte dans la région de Totheunaut. C’est a l’occasion de l’assemblée générale annuelle de la secte que le Docteur Jakull avait réuni ce jour-la l’ensemble de ses adeptes pour une grande cérémonie de printemps (car on était au printemps). Toutes les auberges de la région étant bondées, et les temples étant tous réservés jusqu’à l’hiver pour des mariages, le docteur Jakull avait du se résigner a accueillir ses adeptes dans son repaire de campagne situé sous les montagnes et vu que la plupart des sectateurs ne connaissaient pas l’endroit, les organisateurs avaient fléché le parcours dans le dédale pour leur éviter de tomber dans les oubliettes ou de se retrouver inopportunément dans la taniere de Grtukchs’lrrfap le Grand-Dévorationneur-Qui-Mugit-Dans-L’Ombre-Car-Il-N’aime-Pas-Le-Faire-Au-Soleil, monstre ombrageux qui ne détestait rien moins que les visites imprévues.
C’est une des pancartes posées a l’intention des Adorateurs de la Grande Gidouille Bleue que nos aventuriers avaient donc suivie, échappant sans le savoir a une mort horrible qui les attendait dans de nombreux endroits du labyrinthe. Au bout d’un moment, alors qu’ils continuaient a progresser dans le tunnel, rencontrant régulierement des pancartes bleues et suivant toujours la direction qu’elles indiquaient, nos quatre héros entendirent les échos lointains d’un chant souterrain.
- Voilà un curieux son pour une grotte déserte ! Je dois dire, compagnons, que tout ce bruit m’alerte. Si comme moi vous sentez que l’envie vous chatouille, nous pourrions de concert nous y risquer…
- Mes couilles !
- Le Nain a tout a fait raison pour une fois : d’amis ni d’alliés sûrs en ces murs ne trouverons. Certes nous irons voir tout a l’heure, par ma foi, car depuis trop longtemps dans ce lieu nous errons et mon ventre affamé se plaint de maltraitance : cela fait de longues heures qu’il attend sa pitance. Mais pour l’heure nous devons nous montrer tres prudents et avant de penser nous mettre sous la dent les mets délicieux dont je sens tout a coup l’odeur douce et divine – du roti, a tout coup – il convient avant tout d’aller nous enquérir si quelque grave danger pourrait nous faire mourir. A part ca j’aimerais bien qu’on m’explique le pourquoi du fait que nous parlons tous en vers depuis peu ?
- Oui c’est tres rigolo !
- Moi-meme j’en reste coi.
- Je n’en sais la raison et ca m’agace un peu. C’est a n’en pas douter un délire de Kundïn, qui doit sans doute trouver la plaisanterie fine, mais il est vraiment piètre versificateur et cela va finir par lasser le lecteur. Nous communiquerons par signes désormais, mais silence !
- Des gens viennent !
- Y z’arriv’ront jamais… fit Ferog en dégainant sa hache et en faisant des moulinets avec.
Et tandis qu’un groupe de gens vetus a la mode des sectateurs (sandalettes et longue robe colorée avec capuchon) approchait de nos quatre aventuriers tapis dans l’ombre, l’auteur de ce récit, lassé, jugea bon de s’arreter la pour ce soir avant de passer au chapitre suivant. Vous pouvez en faire autant, et a demain.