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Sous la pluie forte et incessante, la caravane de marchand avançait péniblement dans le chemin boueux, entourée de parts et d’autres d’une forêt épaisse et inextricable.

Elle était composée de quatre chariots, chacun tiré par une paire de chevaux trempés jusqu’aux os, boitant a moitié en tentant de progresser sur le sol mou et gluant.

Les coups de tonnerre fréquents achevaient de tenir le moral des hommes aux plus bas :

" nous n’aurions pas dû prendre ce chemin ! je vous avais bien dit que cette forêt était maudite ! "

Le cri, bien que puissant ne fut perçu que par ceux qui se trouvaient dans le même chariot que celui qui avait élevé la voie, étouffée par le vacarme de la pluie et du grincement des chariots. C’était Riovan qui venait de parler, un homme grand, de très forte stature, qu’on aurait facilement confondu avec un de ces mythiques géants, semi-ogre capable de déraciner un arbre d’un simple éternuement. Dans son dos était accrochée une grande hache de bataille enroulée dans un sac de cuir qu’il réajustait constamment pour l’empêcher de se décrocher. Les marchands l’avaient engagé comme escorte pour la tournée de l’automne, ainsi qu’une dizaine d’autres mercenaires indépendants.

En effet les routes étaient devenues moins sûres depuis quelques mois : des diligences qui n’arrivaient jamais à destination, des voyageurs partant pour ne plus revenir, même un petit détachement militaire avait été retrouvé en morceaux dans une petite rivière, non loin de la forêt par laquelle passait à ce moment la caravane de marchands.

Voila pourquoi Riovan et une bonne partie des mercenaires avaient désapprouvé qu’ils empruntent la route directe dans la forêt, mais les marchands sont parfois têtus, surtout quand il est question d’éviter le pourrissement de la marchandise :

" Ne provoquez pas la forêt messire Riovan ! Si vous ne voulez pas de problèmes avec elle, traitez là avec plus de respect ! " s’écria Nals, le druide qui chevauchait a coté du colosse.

" Je dirai ce qui me plait ! Ces marchands sont des têtes de mules suicidaires ! Cette forêt est dangereuse, mais personne ici n’a l’air de le réaliser ! "

" Arrêtez ! Vous irritez les esprits des arbres ! Par Isha, je vous en conjure, arrêtez ! " Nals semblait vraiment énervé à présent, Riovan s’en aperçut et se tut. Plus pour que le druide se calme que pour ne pas " irriter les arbres "...

Après deux heures de route supplémentaire la pluie s’arrêta enfin, et les nuages se dissipèrent quelque peu, laissant place a un ciel grisâtre et homogène. Le chemin était devenu plus solide au fur et a mesure que la procession s’était enfoncé dans la forêt, ceci dû principalement au fait que les arbres s’étaient resserrés de plus en plus du chemin jusqu’à former un toit naturel contre les intempéries, et si le temps était devenu plus clément, le moral dans la caravane ne s’était pas amélioré pour autant. Tout le monde semblait redouter les ombres que projetaient les arbres sur le chemin, les mercenaires, montés sur leur chevaux préféraient contourner les quelques branches qui se penchait sur la route plutôt que de les repousser simplement de la main.

Même le druide semblait inquiet. Il avait sorti de sa poche un talisman composé de plumes et d’os qu’il frottait sans arrêt tout en marmonnant quelque chose de complètement incompréhensible. Léo, un guerrier de la guilde des lames spirituelles, agacé par les grognements intempestifs de ce dernier perdit son sang froid et s’écria :

" La ferme ! Tu nous casse les oreilles avec tes marmonnements ! "

Le druide ignora le guerrier et continua de psalmodier, irritant le guerrier derechef ; celui ci s’approcha du druide et lui empoigna l’épaule :

" Hé, j’te parle ! "

Le druide sursauta, comme s’éveillant d’un profond sommeil, il se tourna vers le guerrier, les yeux grands ouverts et dit :

" Un danger nous guette, j’ai vu une ombre dans la forêt, les arbres en ont peur ! " dit-il, plus pour lui-même que pour son interlocuteur.

Le guerrier resta perplexe quelques secondes, tentant de digérer ce qu’il venait d’entendre :

" Quoi ? "

" Une chose.. une chose qui rôde près de nous, elle nous suit depuis plus d’une heure. "

Le druide lançait des regards affolés autour de lui :

" Nous devons rebrousser chemin.. " murmura-t-il, tout en se dirigeant vers le chariot de tête où se trouvait le chef des marchands, Umral.

Umral, de tout le groupe, était le plus inquiet, mais pas dans le même sens que les autres, il était inquiet car la pluie de ces derniers jours avait considérablement ralenti le rythme du voyage, et favorisé le pourrissement de certaines marchandises. C’était là la raison pour laquelle il avait décidé de passer par la forêt. Les branchages des arbres leur permettant de limiter les problèmes liés à la pluie.

" Monsieur Umral ? " fît Nals, d’un ton anxieux.

Le chef des marchands se tourna vers le druide, et, en voyant l’expression de son visage, comprit où la conversation allait le mener. Le baratin étant une compétence naturelle de sa profession, il échafauda rapidement dans sa tête un petit plan pour faire comprendre a son interlocuteur le bien fondé de ses décisions :

" Au point où nous en sommes ils nous faudrait autant de temps pour sortir que pour rentrer, alors nous continuerons, compagnon animiste, " dit-il sans laisser au druide le temps de parler.

Celui-ci se sentit quelque peu décontenancé par l’intuition du marchand mais ne renonça pas :

" Sachez messire, que bien que je soit un protecteur de la nature, ma présence ne suffira pas a éviter le danger que j’ai pressenti, " souffla-t-il d’un air grave.

" (Allons bon... qu’est ce qu'il va me sortir comme ânerie cette illuminé,) " pensa Umral, relevant un sourcil pour inciter son interlocuteur a donner quelques détails.

" Quelque chose qui semble nous suivre depuis près d’une heure... ce n’est pas une bête, et je doute qu’il s’agisse d’un humain. "

" Un troll ? " proposa le marchand.

" Non... il n’y a pas de troll dans cette forêt, je la connais bien et les seuls dangers qu’elle renferme habituellement sont les ours ou les loups. "

" Alors quoi ? Si ce n’est pas un animal, et si ce n’est pas un troll, que voulez vous que ce soit ? "

" Je ne sais pas... "

" Bon, eh bien dans ce cas, pourquoi s’inquiéter, continuons notre route et laissons votre chimère tranquille. " À ces mots, le marchand fît accélérer les chevaux et le druide fît ralentir le sien pour retourner au chariot qu’il devait garder.

" (Encore faut-il qu’elle nous laisse tranquille elle aussi...) " pensa le druide, alors qu’il arrivait à hauteur du troisième chariot.

Toujours inquiet, Nals recommença sa méditation pour tenter de localiser plus précisément l’emplacement de la " chose ". Il sentait qu’elle était proche, peut-être même plus proche qu’il ne l’avait pensé au premiers abords.

" Le druide vas finir par nous repérer... "

" On fait quoi ? "

" Hm.... je doute qu’on fasse le voyage entier sans qu’il finisse par comprendre. "

" Tant pis... je m’occupe des deux chariots de devant. "

Nals était encore plongé dans sa méditation lorsqu’un bruit sourd de planches brisées retentit ; sortant de sa transe, le druide vit avec effroi que le chariot à côté de lui, ainsi que les deux personnes a bord, venaient d’être défoncés par quelque chose d’un force inouïe. À côté du chariot se trouvait Riovan, qui venait de descendre de cheval, brandissant une gigantesque hache de bataille noire comme le charbon, la lame décorée d’un oeil monstrueux qui semblait fixer le druide.

Comprenant trop tard ce qui était en train de se passer, Nals voulut prendre la fuite mais alors que son cheval tournait les talons, ce denier s’effondra sur le flanc en hennissant et en se contorsionnant comme un ver à qui on avait coupé la tête. Ses pattes gisaient sur le sol, tranchées net par la hache du colosse.

La dernier chose que le druide vit fut un éclair noir s’abattre sur son crâne, alors qu’il essayait désespérément de dégager ses jambes du corps de sa monture.

Quelques minutes plus tard , la caravane de marchands n’était plus qu’un tas de planches démolies, de nourriture écrasée et de cadavres mutilés. Seules deux silhouettes se tenaient encore debout, l’une anormalement grande et l’autre anormalement petite :

" Bon, on a plus qu’a marcher maintenant... " dit la petite silhouette.

" Après un coup pareil, on est bon pour changer de pays, " ajouta la grande silouhette.

" La prochaine fois faudra essayer la diplomatie. "

" Mouais, à coups de hache alors. "

" Bon sang ! Tu peux pas penser avec autre chose que ta hache ! "

" Un guerrier du chaos se doit de semer le désordre partout ou il passe. "

" Et moi ? Je pratique la nécromancie, est-ce que ca m’oblige a faire réanimer tous les cadavres qui me tombent sous la main ? "

" Non, mais je voix pas le rapport... "

" Bon c’est pas grave laisse tomber. "

À ces mots, les deux silhouettes entamèrent leur longue marche vers les frontières du pays, en espérant enfin trouver un endroit ou on les laisserait tranquilles...

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