Plic, ploc, tombent les gouttes inlassablement. Plic, ploc.
Seul, ce bruit n'est ni chaud, ni froid, ni désagréable. Et pourtant, dans cet espace confiné en profondeur, chaque goutte déchire un silence qui se reforme aussitôt. Chacun de ces coups de tonnerre vient rappeler à Sydney que quelque chose d'aussi insignifiant qu’un peu d’eau finira par gagner sur sa vie. Depuis une heure, elle sent du bout des doigts cette flaque glacée qui se forme et s'agrandit sans cesse. Cette si lente et pourtant inexorable montée des eaux.
D'ici douze heures, elle devra s'asseoir en tailleur sur un des sièges pour ne pas être mouillée. Après vingt-quatre heures, il lui faudra sans doute se mettre debout sur ce même fauteuil, le dos voûté appuyé contre le sas principal, et alors la fin sera proche. Les sous-marins sont exigus, tous ; exigus et froids.
Bien sûr, elle s'est battue, au début. Mais par 400m de fond, dans cette partie du monde, déplacée par les courants, elle est seule. Aucune communication, aucune assistance et pas d’accès aux turbines, impossible de réparer les propulseurs. Sydney mesure à l’aune de cette petite panne combien son expédition était mal préparée.
Lorsque les batteries ont fini par rendre l'âme, et que la lumière a clignoté et s'est éteinte, elle s'est assise par terre et s'est mise à pleurer, en silence. Pleurer pour tenter d'oublier l'inévitable, pour oublier les mises en garde, les choix qu'elle a faits, et qui l'ont amenée ici. Oublier les avertissements qu’ils lui ont tous adressés, tous ceux qu’elle laissera derrière elle.
Après avoir ajouté ses larmes à l'eau de mer, son esprit scientifique a repris le dessus, et elle a réfléchi. Elle pourrait arrêter de manger ou de boire, ça n'y changerait rien. 24h ne sont pas suffisantes pour mourir de faim. Elle a cherché un moyen de couper l'oxygène, ou d'accélérer même la montée des eaux, mais sans l'ordinateur de bord pour l'y aider, cela aussi s'est avéré impossible. Elle mourra noyée, dans 23h maintenant. Elle le sait, et elle n'y peut rien.
On se représente les fonds marins comme des endroits pleins de couleurs, de magie et de poissons merveilleux. Ceci n'est valable qu'en surface.
A 400m, sans projecteurs, tout est silencieux. Et noir, noir comme la nuit.
Noir comme la mort.