Vous les grands ignorants
Qui vous dites savants
Savez-vous seulement
C’qui est intéressant ?
Après avoir passé
Une existence entière
À avoir observé
La vie des vers de terre,
Après avoir épié plusieurs mois sans remords
Une poule manchote de Moldavie du Nord,
Après moults efforts, avez déterminé
Laquelle narine était plus employée
Et si l’on sentait plus de l’aisselle ou du pied,
Messieurs les scientifiques, vous êtes bien avancés !
Vous voici touts fiers, diplômés acclamés,
Vous voici remerciés d’avoir tant travaillé :
Oui mesdames, oui messieurs, il a enfin trouvé
Le millième de microbe qui avait échappé
-Quelle honte, quell’ bassesse, grossière ignominie-
A tous ces scientifiques qui se tiennent assis !
Et une fois de plus, la science a mis son pied
Dans un plat qui déjà était tout retourné,
Oui mesdames, oui messieurs, voici le prix Nobel
De toutes les médailles, en voici la plus belle !
Vous savez donc messieurs, messieurs les scientifiques
Au quart de poil près le squelette d’la tique
Vous voici persuadés, sûrs à n’en plus douter
Que plein de molécules nous composent tout entiers,
Et qu’un enfant sur huit mange ses crottes de nez,
Messieurs les scientifiques, vous êtes bien avancés !
Je pourrais, il est vrai, aisément pardonner
A vous, tous ignorants, ces excentricités,
S’il n’y avait, derrière vous, des ancêtres géniaux
Qui ont trouvé des choses d’intérêts capitaux !
Où est passé Darwin et son évolution ?
Ou encore Descartes, ou Mariotte ou Platon ?
Et tous ces scientifiques qui ont laissé leurs noms
Ainsi que quelques règles, intéressantes ou non
Mais qui elles impliquaient une philosophie,
Einstein s’il était là approuv’rait, dirait oui
Tandis vous restez, avec vos inepties
Vous qui rejetez un parcours en dents d’scie
Qui tâtonnez du plat, qui êtes aveugl’ et myopes,
A l’esprit resserré comme vos microscopes
A la verve émoussée, aux rêves d’omniscience
Vous aimez vous mousser, vous messieurs de la science.
Et quand plus tard les eaux seront passées
Quand vos anciens faits d’armes seront tous oubliés
Vous chercherez encore à découvrir enfin
Comment grossir des œufs, sans penser au couffin
En ignorant la vie, en ignorant la femme
Ne pens’rez qu’aux scalpels, masques et cardiogrammes
Et quand après des années entières
Passées à faire des recherches futiles
Vous aurez alors enfin découvert
Une molécule tout-à-fait inutile
Eh bien moi, messieurs, moi je déclarerai :
« Messieurs les scientifiques, vous êtes bien avancés ! »