Mon Aimée
Voici maintenant trois semaines que nous avons quitté Lusaka et que nos chemins se sont séparés, poussés par je ne sais quelle folie. J’espère que le stupide artefact que tu convoites tant sera une juste rétribution en comparaison des souffrances de ce voyage. Ces semaines loin de toi me paraissent autant d’années, et te savoir seule sur les chemins me coûte plus que l’or d’une vie de labeur. J’espère que tu as fait bonne route et que tu ne souffres d’aucun des maux du voyageur.
Les marais de Vorn sont plus humides que jamais, et les moustiques y sont aussi gros que de petits oiseaux. Heureusement que je portait mon armure : certains ont tout de même voulu boire mon sang et ont fait des bosses sur ma cuirasse. J’avais ouï dire à Lusaka que Damariel Linoran se trouvait dans une petite communauté vornienne où il dispensait soins et savoirs, mais quand je suis arrivé les cendres étaient froides. Les habitants m’ont informé qu’il avait l’intention de se rendre dans les Asmérades à la recherche de plantes rares. C’est sans tarder que j’ai repris ma route vers le Nord.
Je cheminais depuis quelques jours quand, au détour d’un virage, j’ai aperçu mon vieil ami de régiment Merdin Guern, nous l’avions rencontré en je ne sais quelque occasion à Touyen. Te souviens-tu de lui ? Il avait affaires avec un fort parti d’orcs, c’est sans hésiter que je me suis joint à lui pour combattre côte à côte comme au bon vieux temps. Nous avons vaincu sans même érafler nos armures ou ébrécher nos épées. Comme sa monture avait été tuée par les peaux vertes, nous avons partagé Taranor jusqu’à ce qu’il trouve à acheter un nouveau cheval. Nos chemins se sont séparés peu après. Ma route ma mené jusqu’à l’auberge dans laquelle j’écris ces quelques mots. Le propriétaire des lieux m’a confirmé le passage de Linoran, il y a presque deux semaines. Je voyage du levé du jour à la tombée de la nuit, et parfois même au-delà, dans l’espoir de combler l’écart entre moi et l’Elfe. Mais les coursiers elfiques comme celui qu’il monte sont réputés infatigables et rapides comme le vent, j’ai donc peu d’espoir, malgré mes efforts, de le rattraper avant sa prochaine étape. Il y a pourtant une bonne nouvelle : nulle part je n’ai remarqué la présence de quelque serviteur d’Amolthin. Et toi, as-tu des informations sur cet homme sans honneur ? Ou alors des précisions sur les périls que nous aurons à affronter une fois notre destination atteinte ?
Je sais que je t’ai déjà fait ces recommandations maintes fois, mais je ne peux m’empêcher de te prodiguer encore ces conseils car je te sais peu habituée à voyager seule. Te les répéter, comme on me les a répétés quand je faisais mes classes, peu faire la différence entre la vie et la mort. N’oublies pas de vérifier régulièrement le harnachement de ta monture, et si tu voyages à vive allure, laisse souffler Tipigou toutes les demi-heures environ. Et quelque soit ta fatigue à la fin de la journée, pense en premier lieu à panser celui qui t’a portée tout au long du chemin avant ton propre repos. Quand tu entres dans une auberge, choisi une place à proximité d’une issue quelque soit l’attirance que peu exercer la douce chaleur de l’âtre. N’oublies pas non plus de coincer une chaise contre la porte de ta chambre, si elle n’empêchera pas une personne décidée de pénétrer, elle te permettra au moins de ne pas être surprise durant ton sommeil. Je sais que porter une arme blanche n’est pas honoré parmi les mages, mais je te conjure de toujours garder une lame à portée de main. Et plus que tout méfie toi de ceux qui paraissent être des mendiants, c’est un déguisement qu’affectionnent particulièrement les tires laine et autres brigands.
Tu n’es pas sans savoir que les chandelles sont rares dans les vastes forêts du nord. Il est désormais temps pour moi de souffler la bougie qui éclaire ma plume. Mais il est une flamme qui éclaire mon âme et qui jamais ne s’éteint. Cette flamme porte ton nom.
Ton aimé, pour Toujours