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A Dieu, qui me donne la force d’écrire et m’inspire

a mon frère,

à Maxime Hatt,

à tous ceux qui, comme moi, sont, furent et seront au forum de Lelfe : Lelfe, Lorindil, Celeborn, Marzzin, Vineus, Dieu-le-Père, Kaela, Kundïn, Seigneur Magarch de Karond-Kar, Volkmar, Kermit...

A tous ceux qui connaissent la valeur du rêve, et qui pensent qu’avec lui, on peut faire beaucoup pour cette prison matérialiste qu’on nous impose.


Là-bas, loin vers le Nord, enchaîné dans des glaces immortelles se dresse l’Ile de la Larme, hérissée des Monts de Verre, ceinte de la Mer de l’Oubli. Vient ensuite le Continent Lunaire, où la savane le dispute à la plaine, menacée par les forêts vierges ou continentales, luttant contre le désert rongeur de steppes. Les Montagnes Stellaires et leur garrigue de fille contemplent cet éternel combat d’un œil distant et bienveillant.

 

Séparé de cette terre par une mer si calme que les reflets des étoiles n’y sont presque jamais troublés, le Continent du Phénix aux formes festonnées de flammes plonge son bec dans le Miroir du Ciel. Il embrasse le monde, s’épandant langoureusement autour de son épine dorsale : la Cordillère Noire. Ses ailes forment divers visages, du haut plateau calcaire aux dunes de sable en passant par la plaine fertile et la Jungle Endormie, immense et inconnue. Au bas de son dos s’encastre le Grand Rift, séparant la douceur du Nord du tourment des neuf queues torturées de la Péninsule Maudite.

 

Enfin, au cœur de la Mer Blanche, on trouve, auréolées des Milles et Uns Eclats, les deux Iles de l’Oeuf que brisa le Phénix, dit la légende, au commencement des Temps. L’une est aride, désertique, rocheuse et sablonneuse mis à part les vastes Marais Striés où jaillit l’eau sous sa coque de sable, le Désert du Ghentane. L’autre est fraîche et verte, dominée par les Hauts des Tempêtes. Près de la mer, les Plaines de la Séparation commémorent l’ancienne union des fragments.

 

Tout cet ensemble forme les Iles Libres. Il est encerclé par l’Océan Fantôme qui contient l’Archipel de la Désolation. Tel un céphalopode planétaire, il tend ses îles sur toutes les mers, vers le reste du monde. Certaines sont immenses, d’autres minuscules. Mais glaciales ou torrides, désertiques ou fertiles, toutes sont les spectres de feu le Continent de Terre-Mauve, au sol pourri d’un pus ancestral.

 

Tel est Irkice.

  Terre-Mauve. Le simple fait de l’évoquer appelle la terreur et amène la nausée chez les âmes sensées. Lorsque les premiers explorateurs Rakshasas, Chilâsins, Lutins et Géants le découvrirent, il y a huit mille ans de cela, jamais ils n’auraient imaginé que cette expédition, fruit des premières alliances de paix sur Irkice, les mènerait à la plus grande catastrophe depuis près de deux cent vingt siècles. Cette terre portant des fleurs les effrayait, sans qu’aucun d’eux ne comprenne le sens de cette aversion. Cette terre immense, la plus grande de toutes, les appelait à l’aventure, à la découverte du passé perdu d’Irkice peut-être. Et surtout, cette terre était mauve. Mauve d’une étrange magie qui fut étudiée dès l’aube du Royaume de Terre-Mauve. Les recherches aboutirent vite à la conversion de cette terre en une sorte de roche, la Kénale, irradiante d’un pouvoir inconnu malgré son âge antédiluvien. Mais cette magie puissante et nouvelle était mauvaise. Elle corrompit, pervertit les Géants, les Lutins et les Chilâsins, qui se livrèrent dans l’ombre aux incantations les plus noires, aux travaux les plus sombres et aux expériences les plus sordides. Les Rakshasas, miraculeusement épargnés, ne virent le désastre que trop tard. Ils ne purent que fuir en toute hâte, tandis que les Wyvernes, les Razzaks et les Nécromants révélés attiraient à eux tout le Mal de la planète.

 

C’est ainsi que près de dix siècles après la première expédition de Paix, une horde du Mal absolu, composée de Démons, de Morts-vivants et des trois peuples asservis fut levée telle un ouragan de Ténèbres, prête à engloutir le frêle esquif de l’union avant même qu’il atteigne la haute mer. Au début, il semblait possible de l’endiguer, du moins temporairement, les Ténèbres jaillissant plus vite que les nouveaux matelots pouvaient se présenter : les vaisseaux mixtes Rakshasas et Chilâsins, secondés des Dragons, formaient un rempart efficace, et la plupart des débarquements échouèrent sous les haches, épées ou marteaux des Gnomes, Elfes ou Nains. D’autres étaient égarés par les sortilèges des Lutins, coulés par les Fées ou les Géants. Cependant, quelques gouttes passèrent sur ce qui devint la Péninsule Maudite, les voies d’eau devinrent trop grandes, l’Arche Irkice contempla sa chute et se prépara à sombrer.

 

Usant du pouvoir maudit de la Kénale, les Trois Damnés ouvrirent le Grand Rift au pied de la Cordillère Noire. De ce passage vers un autre Plan d’Existence dégorgea ceux qu’on appela les Bourreaux-de-Vie. Attaqué sur deux fronts maritimes et un terrestre, le Continent du Phénix lutta farouchement, mais ne pouvait qu’offrir des charniers à ses ennemis, qu’ils engloutissaient avec une avidité boulimique. Libérant la quintessence de son pouvoir, la Kénale créa les Trois Fléaux, chacun ayant pour rôle de précipiter l’immersion des peuples libres dans les abysses de Ténèbres. La Douve du Monde provoqua séismes et raz-de-marée partout où elle passa, sur le Continent du Phénix puis celui des Lunes, passant par le détroit éponyme. Elle rasa ainsi moult villes ou villages, et coula des flottes entières. L’Ombre Blafarde sillonna les souterrains des Gnomes et des Nains, qui mourraient de peur à sa vue. Elfes et Fées, gelés à son contact, furent brisés dans le Grand Rift. Enfin, le Rokh aux sept têtes massacra les Dragons dans les airs, puis invoqua des pluies de roches sur les Iles de l’Oeuf, demeures des Rakshasas et Chilâsins, et le Continent Lunaire.

 

La tempête de Ténèbres avait ensevelit une grande partie du monde, lorsqu’elle fut repoussée, transpercée d’un seul rayon de lumière pure sous la forme d’un Phoenix. Jailli du Lac de l’Oeil, il incinéra les Bourreaux de Vie, les repoussant derrière le Rift. Sur son sillage igné, les mourants se relevaient, les joues des blessés rosissaient, celles des malades se remplissaient. Il donna la chasse à la Douve qui, terrifiée, se réfugia dans les abysses des océans d’Irkice, et n’en sortit plus. Il jeta l’Ombre au plus profond du Gouffre des Araignées. Débordée de toutes parts, agonie de milliers de morsures et d’autant de venins, elle se résolu à mourir. Enfin, le Phœnix désigna le Rokh de son doigt de Lumière. Le combat titanesque qui s’ensuivit vit la défaite du Rokh. La violence de sa chute conjuguée à la libération de son pouvoir fractionna Terre-Mauve en ce désordre d’îles éparses qu’est l’Archipel de la Désolation. Les nuages de la Tempête se dissipèrent, repoussés par la Lumière, et ce qui restait de l’Arche regagna la terre, trop éprouvé et affaiblit pour donner la chasse aux damnés. Dans un dernier chatoiement paternel, le Phœnix qui avait sauvé Irkice alors que tous ignoraient son existence replongea dans le Lac. Avant de partir cependant, il prononça d’étranges paroles : « Il manque à Irkice son douzième peuple serviteur de l’Equilibre. Je vais le ramener, il ne saurait tarder. » Quel qu’ait été le sens de ces paroles, ses plumes tombées sur le Continent Lunaire se transcendèrent en un Portail d’où jaillit un nouveau peuple elfoïde qui se fit appeler Humain. C’était il y a cinq mille ans.  

Au commencement de notre histoire, les peuples d’Irkice avaient reconstruit leur planète. L’essentiel des Dragons habitaient l’Ile de la Larme, nonobstant quelques solitaires répartis sur toute la surface du monde. Géants et Lutins partageaient le Continent Lunaire avec les Humains. Elfes, Fées, Nain et Gnomes occupaient le Continent du Phœnix, bloqués au Sud par le Grand Rift. Les Chilâsins vivaient sur les îles ouest de la Mer Blanche, les Rakshasas préférant celles de l’Est. La Grande Guerre avait renforcé les liens d’amitiés qui s’étaient forgés peu avant son début, et tout semblait paisible. Mais ni les Trois Damnés de l’Archipel de la Désolation, ni les Bourreaux-de-Vie de la Péninsule Maudite n’ont oublié leur haine. Ils se préparent en secret à répandre anarchie, mort et désolation sur Irkice. Après cinquante siècles de préparation, le temps est enfin venu de réveiller le Passé...

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