Impossible
- Vuld Edone
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- Mr. Petch
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Comme tu t'essayes au même exercice délicat du "dialogue sans narration" que moi dans Les Confins, je constate ce qu'il peut avoir de difficile côté lecteur. Sur ce terrain là, j'ai l'impression que tu t'embrouilles. En fait on retrouve les mêmes problèmes auxquels j'ai été confronté :
- problème d'identification des protagonistes : ici, a priori, j'en distingue deux. Un belliqueux et un pacifiste. Mais par moment ces voix s'entremêlent et on ne sait plus trop qui est qui, qui explique quoi à qui, qui raconte quoi à qui. Ce ne serait pas forcément un problème si l'entremêlement était mieux organisé, de façon progressive ou en fonction du contenu. On sent par exemple que tu as essayé que le grand récit central transforme ce qui était d'abord un débat en un récit à deux voix. Mais ce n'est pas tout à fait convaincant, ne serait-ce que parce que les voix ne sont pas si différentes au début. Par exemple, sur cet enchaînement :
« La guerre fait couler le sang, fait brûler le noir de l'espace ! Même pour un instant, même pour moins qu'une fraction dans ce recoin de l'univers une lumière aura défié les ténèbres, n'est-ce pas là le fondement d'une civilisation ?! Deux cent trente milliards d'étoiles sont les héritières de notre conflit, la cendre, la braise, et les noms mêmes donnés par les indigènes ravivent ces foyers. Notre ennemi a fait de la paix la seconde loi de l'univers, mais nos efforts ont permis que la guerre soit la première. »
« Cette galaxie à présent ils l'appellent la Voie Lactée, spirale de trente mille parsecs ressuscitée de la destruction depuis maintenant treize milliards d'années. Là se trouve le bras d'Orion, et dans le bras d'Orion un espace long de mille parsecs dans le courant d'Arcturus et jusqu'à l'amas stellaire six mille quatre cent septante-cinq. »
Ici l'interlocuteur A, que j'avais identifié comme le "pacifiste savant" donne une explication, puis l'interlocuteur B, que j'avais identifié comme le belliciste, semble la poursuivre d'un même mouvement. Il n'y a pas assez de différence de ton entre les deux personnages pour que je les identifie clairement. Ici la relation entre les deux parties n'est dictée que par leur opposition de fond (faire la guerre ou laisser vivre ?) et il manque, je trouve, une opposition de forme qui permettrait d'en dire plus sur leur relation.
Du coup, quelles étaient tes intentions en construisant le dialogue ? Pour toi, comment définirais-tu A et B ?
- l'autre souci est dans l'utilisation du discours direct que tu tentes à certains endroits, dans la longue partie de récit :
« Ammeran est fou, se renfrogne Elaes. »
« L'occupation n'est pas une option. Ou plutôt, c'est une option inacceptable. La Terre est la propriété des indigènes. Il faut privilégier la négociation. Obtenir leur coopération. »
« Alors, propose Elaes, promettons-leur le protectorat. »
« Humlis se retient de rire. Il essaie d'imaginer les indigènes à qui on propose, comme une récompense, de se soumettre à la faction du Renard. C'est d'autant plus ironique, songe-t-il, que la sixième part combattre des isolationnistes. »
« Non, tranche Vigil Prad. Ce n'est de toute manière pas une promesse que la sixième flotte peut faire. »
Par moments il y a confusion entre le dialogue initial de A et B et le dialogue intra-diégétique, ici entre Elaes, Virgil Prad et Humlis. Il y a vraiment un moment où je me suis demandé, à cause des "propose Elaes" et "tranche Virgil Prad" si je n'avais pas raté quelque chose et que A et B étaient en fait les protagonistes de ce dialogue dans le dialogue.
Bon... Je comprends bien ce que tu as souhaité faire ici, et dans le fond j'adhère à ce choix : le dialogue des généraux se confond avec le débat A-B. Les enjeux sont les mêmes, et le dialogue dans le dialogue prend la place du débat initial. C'est un défi intéressant. Mais malgré tout, je ne peux m'empêcher d'avoir une gêne à la lecture ; je me dis qu'il manque des effets d'articulation, ou le choix d'un discours indirect... Pour qu'il y ait confusion "volontaire" et qu'elle fonctionne, il faut d'abord qu'il y a une séparation franche, sinon tout se fond dans un brouillard.
- d'une façon générale, je trouve le texte vraiment long. Non pas au long au sens d'une densité de propos, mais long au sens où j'ai décroché par instants puis repris la lecture sans que ça ne gêne vraiment ma compréhension.
En fait, et c'est intéressant et tu en tireras les conclusions que tu souhaites, je peux pointer le moment précis où j'ai vraiment été captivé par l'histoire, mais où avant je lisais en diagonale sans trouver de point d'accroche. C'est ici :
« Le croiseur Oserin sera dédié à cette mission, mais Vigil tranche enfin et veut emmener le reste de la flotte en orbite de la planète Terre. On discute des relais et de la cartographie du système, puis Vigil Prad pose la question. »
« Comment aborder les indigènes ? »
Je ne sais pas pourquoi, mais ici précisément j'ai commencé à m'intéresser au dialogue alors qu'avant, j'avais zappé la longue litanie des généraux et les incantations un peu vaines de A et B sur la guerre. Ça me rappelle exactement l'explication de Zara quand il avait lu mon dernier épisode des Confins : il avait vraiment accroché au moment où apparaissait Marie, alors que tous les enjeux précédents (les traces dans le sable, qu'est-ce qu'il y a après l'Apocalypse) l'avait barbé (je résume). Là c'est pareil, la question des indigènes, peut-être parce qu'elle renvoie à des choses plus connues, permet de rendre crédible un discours jusqu'ici très abstrait. Je pense qu'il y a une progression à rechercher pour que le lecteur soit captivé dès le départ.
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Les points forts, maintenant.
Ce qui m'a le plus impressionné, c'est que tu arrives à traiter le thème : "un texte triste". Incontestablement, j'ai trouvé ce texte triste. Et c'est une tristesse que tu arrives à intégrer dans tes thématiques vulpiennes classiques, notamment ici la nécessité de la guerre et des morts pour atteindre un Bien. Ici notamment :
« Ce n'était pas de voir les indigènes détruire leurs propres usines qui choquait Vigil Prad. Cela, il arrivait encore à le combattre, aussi vain cela pouvait-il paraître. C'était de les voir s'entretuer pour y parvenir. Et même si ses propres soldats, aux points de collecte, étaient également harcelés, il était émerveillé par cette idée d'être rationnels, persuadés de sauver les leurs en les massacrant en priorité, et en détruisant les ressources qu'ils voulaient préserver. Cela, songeait-il, s'appelait le désespoir. »
Il y a un côté souvent très didactique, parfois grossièrement didactique, mais globalement j'ai réussi à passer outre à la lecture et à "ressentir" vraiment des émotions. La qualité tient sans doute au personne de Vigil Prad qui est très réussi dans sa volonté d'éviter la guerre à tout prix, et même au prix de la guerre, finalement. À côté, j'ai eu plus de mal à identifier les autres personnages, mais ça c'est habituel dans tes textes.
En un sens, et je l'ai apprécié, ces thématiques rendent ce texte extrêmement actuel (par la référence à la guerre froide) par rapport aux autres de tes textes des bêtes qui touchent des enjeux philosophiques plus abstraits. Ici le lien avec l'actualité ou l'histoire du XXe siècle est très net. Pour moi, c'était inattendu chez toi. Paradoxalement, le fait de te positionner à une échelle cosmique met en valeur les questionnements les plus humains du texte.
Une autre chose que j'ai apprécié, c'est ce choix d'imbriquer un vaste récit (qui se déroule sur plusieurs dizaines d'années !) dans ce qui commence dans un dialogue (et donc dans une immédiateté). Si je mets à part les problèmes de structure et d'enchassement cités plus haut, l'idée en elle-même m'intéresse. Notamment pour Les Confins : c'est quelque chose que j'aimerais réussir : changer de temporalité par le dialogue, passer d'un échange restreint à une grande histoire. Comment as-tu abordé cette question, précisément ?
Et j'en reviens à Homs. Je ne sais pas si c'est un texte avec Homs que celui-là, mais fatalement j'y ai pensé. Ne serait-ce que parce que les narrateurs sont identifiés, ce qui n'est pas le cas dans tes autres textes. Je me suis demandé si, par cette méthode du "dialogue sans narration" tu n'essayais pas justement de faire apparaître Homs ?
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- Vuld Edone
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Homs n'est pas présent dans ce texte, mais la problématique est la même : l'humanisme.
Dans les Anges, Homs passe son temps à chercher des traces d'humanité au sein d'une population de bêtes. Sa méthode d'évaluation est assez intéressante, d'ailleurs... s'il arrive à calculer, à deviner le raisonnement de la bête, alors cette bête n'est pas humaine. Si le raisonnement défie son calcul, alors elle est humaine. C'est le principe de volonté : la capacité à aller à l'encontre de sa nature, de sa programmation.
Dans ce texte, qui n'est pas lié aux Anges, Vigil Prad se bat au nom de la "civilisation" tandis que l'humanité en face est traitée sauf erreur de bêtes, d'animaux et au minimum de sauvages. Il y a au moins une fois la mention de progrès. Du point de vue de Vigil Prad, la Terre est un mini-laboratoire où appliquer ses idéaux pour voir si, tout simplement, la civilisation existe.
D'où le titre du texte.
Au départ je réfléchissais au terrorisme et à une métaphore spatiale où la Terre jouerait le rôle du Moyen Orient (Afghanistan en tête) et les aliens l'Europe / USA, sur le principe que le lecteur prendrait naturellement parti pour la Terre. Je n'avais aucune intention de l'écrire mais en y réfléchissant j'y ai vu le moyen d'écrire sur le fait que je n'arrive plus à écrire.
Fondamentalement parce que, comme l'équipage de Vigil Prad, je n'arrive plus à y croire.
Dans la toute première version du texte, les aliens venaient carrément défendre la Terre contre une invasion. Sauf que l'invasion ne devait pas arriver avant mille ans, minimum.
Et déjà là je me rendais compte que le lecteur n'allait juste pas comprendre. Mille ans, ça paraît une éternité, mais à l'échelle galactique c'est très court, les aliens agissent dans l'urgence. Mais surtout, j'imaginais ça au travers d'un personnage humain, et même dans la seconde version (Armula) il fallait encore deux siècles avant que l'histoire ne commence vraiment. Minimum trois générations de personnages humains ! C'était juste impossible, dans les 4-6 chapitres que j'imaginais, de maintenir l'identification du lecteur à une série de personnages.
Le lecteur n'est pas capable de suivre des intrigues sur d'aussi longues périodes de temps, sur des distances aussi grandes et surtout avec des enjeux aussi "abstraits".
Bref.
Au départ le texte devait être une narration simple mais où le narrateur n'arrêterait pas de souligner que tout ce qui se passe est impossible. Mais avec tes dialogues tu m'as poussé à tenter une discussion entre deux narrateurs, qui commençait par "mais bien sûr que c'est possible !" Et qui établissait comme règle que si c'est imaginable, c'est possible. Le texte était alors la démonstration que cette histoire n'était pas imaginable.
Je me suis rendu compte que ces narrateurs n'étaient pas assez impliqués, et je les ai retravaillés en, comme tu dis, un pacifiste et un belliciste, avec ce "laisse-moi me battre". Mais à ce stade j'aurais encore abandonné le texte s'il n'y avait pas eu Zara' et son objectif que "le lecteur perde à la fin, quoi qu'il fasse". Ce qui, pour un texte sur l'échec, était trop tentant.
J'ai donc tout retravaillé avec cette fois un unique narrateur qui s'adresserait toujours au lecteur, et auquel le lecteur ne répondrait jamais. Imagine une personne seule dans une pièce vide, qui s'adresserait à un fantôme. Il parle littéralement avec lui-même.
C'est ce narrateur qui rapporte les discours des personnages : les personnages ne parlent jamais directement. C'est d'autant plus clair à la toute fin, avec ce dernier discours assez radical pour appartenir à l'Apocalypse, et moqué avec l'histoire des légumes. Il est en train de caricaturer des discours sans doute réellement tenus dans l'histoire, mais sans doute pas sous cette forme.
Ce qui m'amène à cette idée qu'il faut une guerre et des morts pour atteindre un Bien.
Mais quand ce bien est justement d'éviter la guerre ?
Quand ce bien est justement de ne pas soumettre par les armes, de ne pas soumettre par le mensonge et la manipulation (avec son extrême, le contrôle mental) ou encore le chantage ?
Si la guerre que mène Vigil Prad se réglait juste à coups de bombes, elle serait vite réglée. Mais Vigil se bat pour préserver la "civilisation". Et justement la guerre et les morts ne permettent pas, bien au contraire, d'atteindre ce "Bien". Tout ce que permet la guerre, on en discutait avec Zara', est de rendre les choses meilleures pour un certain groupe, en général au détriment d'un autre. Autrement dit, Vigil Prad mène une guerre perdue d'avance.
D'où la phrase qui revient si souvent : "laisse-moi (une chance de) me battre".
Et la question du départ : à partir de quelle échelle la bataille (pour la civilisation) devient possible ? Pas à l'échelle de la Terre, et pas à l'échelle du bras d'Orion, apparemment. Et spoiler, pas à l'échelle d'une galaxie.
Et si se battre est vain, alors il est vain d'écrire.
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- Zarathoustra
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Ensuite, il y a le début. On se sent vraiment agressé. Je dirais qu’on rentre dans le texte en ne se sentant pas bienvenue ; Il n’y pas de présentation, et boum, tout de suite dans le vif du sujet.
J’ai donc réussi à lire jusqu’au bout, mais j’avoue ne pas avoir trop envie d’y retourner immédiatement, parce que j’ai trouvé l’ensemble un peu long. Et le paradoxe, c’est qu’on a presque l’impression de lire un résumé de ce qui aurait dû être un roman de 500 pages… Et j’ai lu les commentaires de Petch, et finalement, je crois que e texte a produit les mêmes effets sur moi.
Enfin, le choix du dialogue me dérange, surtout qu’en cours de route, tu conserves ta présentation alors que tu n’es plus dans l’esprit d’un dialogue. Tout du moins, tu passes du dialogue direct à l’indirect (exemple : « Ammeran est fou, se renfrogne Elaes. ») Puis à des moments, le contenu n’est même plus un dialogue mais du récit. Au début, je me demandais pourquoi, puis, j’ai fini par accepter sans me poser de questions, parce que, ce qui me dérange, j’ai justement de me poser des questions de ce type alors que je ne devrais pas m’en poser. A la place, je devrais m’interroger sur ce que je lis.
Je ne saurais dire quand exactement, (en gros quand on rentre dans l’histoire avec la Terre), la lecture est plus aisée, mais comme je ne sais pas toujours qui est qui précisément, j’ai l’impression de louper un peu le coche concernant la portée du texte. Il y a effectivement des paradoxes que tu soulignes avec habileté (se battre pour la paix ou le bien ; agir en ne faisant rien ; mieux perdre pour gagner etc.). Et j’avoue que j’ai été surpris de trouver des thèmes aussi explicitement concrets et contemporain dans un de tes textes.
Petch souligne que c’est un texte triste. Je dirais plus que c’est un texte tragique. Il y a une sorte de résignation assez terrible.
La difficulté que j’ai avec ce texte, c’est que, contrairement Au Renard au Harnais, je n’ai pas l’impression d’être invité dans ton texte. C’est un texte sur l’échec et qui met en scène son échec, mais qui ne cherche pas à gagner. Tu dis que tu t’adresses au lecteur or à la lecture, j’ai plutôt eu l’impression que le texte ne me parlait pas. Le texte se parle à lui-même (en soi, ce peut être un succès si ton intention était de parler dans une pièce vide).J'ai donc tout retravaillé avec cette fois un unique narrateur qui s'adresserait toujours au lecteur, et auquel le lecteur ne répondrait jamais. Imagine une personne seule dans une pièce vide, qui s'adresserait à un fantôme. Il parle littéralement avec lui-même.
La difficulté que j’ai également avec ce texte (mais parfois aussi avec tes autres textes), c’est que les personnages sont quasi là pour étayer une idée, comme s’il s’agissait des inconnus d’une équation. Tu peux en mettre 2 ou 3 ou 10, pour moi, ils sont tous pareils. Ce sont des noms plus des personnages mais des leviers pour obtenir un résultat à la fin. Je veux dire par là qu’ils ne vivent pas vraiment. Ils peuvent avoir des fonctionnements différents des autres, jamais je ne me dirais que je peux les rencontrer dans la rue.
C’est à la fois la force et la faiblesse de tes récits. Ils sont fascinants par l’habileté qui déploie pour leur donner une profondeur insoupçonnée, mais ils restent profondément cérébraux. On en revient à Fleur Bleue. Chez toi, l’émotion passe par le cerveau (et je fonctionne moi aussi comme ça dans la vie de tous les jours, je cherche à comprendre les émotions plutôt que de les sentir ou les vivre). Or c’est malgré tout ce qui caractérise un personnage (qui peut d’ailleurs fort bien être cérébral et ne pas sentir ses émotions), or chez toi, on dirait que c’est toujours la pensée qui doit donner vie à l’émotion. Pour ma part, et depuis peu, je découvre que, loque quelqu’un est triste, par exemple, il n’attend pas qu’on lui explique pourquoi il l’est, mais juste qu’on compatisse, qu’on se mette (un peu) à sa place, bref, qu’on partage sa peine, et non qu’on la lui explique analytiquement. J’ignore si ça t’aide parce que, là, je dérive sur des choses qui me concernent d’une manière assez personnelle. Ce que je veux dire, c’est que je découvre que la primauté du cerveau sur les émotions est un leurre. Tout comme l’inverse.
Reste ce titre. « Impossible ». Et malgré ce que je viens de te dire, plus je pense à ce titre par rapport à ton texte, et plus je me dis qu’il est intéressant et qu’il mérite une seconde chance. Et qu’effectivement, il est rempli de choses impossibles et qui pourtant lui donnent sa raison de vivre. Et que, malgré ce que je viens de te dire, je me dis que, malgré qu’il soit éminemment cérébral, le récit m’affecte soudain d’une manière toute autre. L’idée d’écrire sur quelque chose d’impossible et par conséquent de mettre en scène cet échec est effectivement d’une grande tristesse, qu’aucun grand débordement émotionnel n’aurait pu transcrire. Seulement, le résultat aurait-il été moindre si tu n’avais pas cherché à être si froid et si détaché avec le lecteur ? Crois-tu que parler dans une pièce vide soit le meilleur moyen pour communier avec lui ou pour l’aider à rentrer dans ce texte ?
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- Vuld Edone
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Le plan initial aurait dû être sur 4-6 chapitres. Même avec le vieux format à 8 pages, ça représente minimum 30 pages, bien au-dessus de ce qu'on a ici. Et ce qu'on a ici n'est qu'un résumé en accéléré de ce qui était prévu. Je savais par avance que c'était... impossible.
Mais l'intrigue demande aussi ce côté cérébral. Les personnages de la flotte sont cérébraux, comme à mon habitude, et ce sont ceux qui sont prêts à regarder les choses froidement et éviter les morts inutiles. Les personnages humains auraient été plus humains, certainement, avec une fois encore le discours radical à la fin, et pensent avec leurs tripes, leurs émotions.
C'est parce que les humains ne peuvent pas s'identifier avec les aliens, parce que ces derniers leur semblent trop distants, trop étrangers et incompréhensibles que le seul résultat possible est le massacre. Si les deux camps étaient purement rigoureux, le triomphe de Vigil Grad ne serait pas nécessaire mais il serait presque assuré.
Autrement dit, le lecteur est responsable de ce qui arrive. Il peut tenter autant qu'il veut de prendre le parti de la flotte : il est humain, et il justifie au final l'attitude des indigènes.
Cela dit... récemment j'ai dû créer un personnage, pilote de course, que je voulais justement banal et "humain". Qui se préoccuperait uniquement de ce qu'il a mangé ce matin, qu'il n'est pas rasé et que quelqu'un a fait une rayure à son capot. Des mesquineries, en somme, mais bien terre-à-terre et concrètes, qui lui donnent des centres d'intérêt immédiatement identifiables.
Je n'y suis pas arrivé.
L'intrigue, pour une fois, exigeait que le personnage soit justement émotionnel et normal. Mais je n'ai pas réussi à l'imaginer se levant le matin, avec sa petite migraine, se passer de l'eau sur le visage et oublier son rendez-vous à la gare. J'ai effectivement ce réflexe de les faire se préoccuper d'enjeux bien plus abstraits.
Alors oui, c'est impossible (naturellement) pour le lecteur d'éprouver des émotions face à ces personnages "cérébraux".
Mais j'observe aussi que c'est très difficile pour moi d'écrire un personnage normal.
Ou tout du moins, je n'arrive pas à intégrer de tels personnages dans mes intrigues...
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- Zarathoustra
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à une histoire, je dois sentir la complexité de l'être et en aucun cas avoir un mode d'emploi. Quand on dit que les allemands étaient des nazis, on oublie que les opposants ont été exterminés, que, malgré le ragime de terreur, certains faisaient de la résistance (ce qui étaient encore plus courageux que de le faire en France) etc. Que dans la résistance, il y avait des communistes et des nationalistes etc.
Ton approche permet, certes, de prendre de la hauteur et de développer quelque chose "vue d'en haut" et de dégarder ce qui fait qu'un allemend ne fontionne peut-être pas exactement comme un français ou un italien et qu'on trouve logique que Descartes appartienne à l'un et Kant à l'autre. Elle n'est pas fausse mais tout aussi réductrice que de le nier .
Quelqu'un de cérébral comme moi (et certainement comme toi, non?) s'intérese à ce qui est vrai ou faux, en utilisant des valeurs universelles. Quelqu'un qui fonctionne avec ses sentiments s'intéressera à ce qui est bien ou mal, à c qu'il aime ou pas et utilisera des valeurs personnelles. Entre les deux, il n'y a pas un fonctionnement qui domine l'autre, l'un donnera de meilleurs résultat dans certains cas, et l'autre sera plus laborieux dans l'autre. Et on voit que ça rejoint un peu tes réflexions: est-ce que" faire le bien", c'est "vrai"? Cette question n'a pas de sens dans la mesure où la notion de "bien" se fait avec des valeurs personnelles. Or ce qui est "vrai" est universelle. Si j'osais, je dirai que le bien n'est pas quelque chose d'universel. Les islamistes sont persuadés de faire non pas le mal mais le bien. Les nazis pareils. Ils veulent un monde meilleur; Et nous luttons contre eux pour empécher ce monde parce qu'il nous parait horrible. Et c'est assez effrayant que deux visions soit aussi opposées et de se dire que l'autre vision puisse être plus "vraie" que l'autre... Le mot "vraie" ne colle d'ailleurs pas, on attend plutôt le mot "juste". La monde de la justice est par essence un monde relatif et de compromis.
D'abord, là aussi tu intellectualise ton personnage. Tu ne lui donnes aucun véritable affect. Quand tu me le présentes, je me dis dès le début qu'il a quelque chose d'inhumain. Il a le côté gratte papier qui pourrait envoyer des wagons entiers d'hommes, femmes et enfants se faire gazer sans sourciller d'un iota. Donc si ton but est d'écrire un personnage "normal", pars plutôt de ses sentiments et non de ses actes. Fais-lui éprouver des choses banales. Et je pense que te forcer à écrire à propos d'un personnage féminin t'aiderait car on leur projette plus de sentiments. Tu veux un truc concret? Crée un personnage de mère qui s'occuppe de son enfant avec des sentiments de mère (le sentiment maternel, le désir de le protéger, de le garder près d'elle, son amour aveugle). Mais en faisant ainsi, on lui donne des émotions, un "fonctionnement", mais ce n'est pas encore assez, car, à ce stade, quelque part, on a le même résultat que ton personnage de pilote de course: on a une mère lambda, comme toutes les autres. Créer un personnage, c'est le rendre unique. Invente-lui un passé qui l'aurait façonné, des traits de caractère dominants, ce que l'aime et ce qu'elle n'aime pas. Là tu auras un vrai personnage.Cela dit... récemment j'ai dû créer un personnage, pilote de course, que je voulais justement banal et "humain". Qui se préoccuperait uniquement de ce qu'il a mangé ce matin, qu'il n'est pas rasé et que quelqu'un a fait une rayure à son capot. Des mesquineries, en somme, mais bien terre-à-terre et concrètes, qui lui donnent des centres d'intérêt immédiatement identifiables.
Je n'y suis pas arrivé.
Et si tu veux un truc tordu ou cérébral, amuse-toi avec l'enfant. Fais-en un démon ou une bête, et son sentiment maternel l'empêcherait de l'admettre, ou je ne sais quoi.
Pour en revenir à ta pièce vide, tu dis que tu t'intéresse toujours au lecteur à travers ce texte. Je dirais que tu t'intéresse uniquement à certains lecteurs. A ceux qui placent la pensée avant le sentiment. Et parmi eux, en plus, tu t'adresses à ceux qui utilisent la pensée vers l'abstraction plutôt que dans le concret ou le matérialisme (comme le ferait un ingénieur); Quelqu'un qui, quand il lirait ton texte, aurait envie de chercher ce qui est caché. La pièce est vide en partie parce que tu ne veux pas parler à tous. Dans mon texte, je parle aussi d'un lecteur qui ne tomberait pas dans le piège et que c'est le rêve de tout auteur. Sur ce point, on se rejoint mais, en soi, je ne crois pas que ce soit le rêve de tout auteur, c'est le rêve de ceux qui ont un rapport plus fort avec l'abstraction et la cérébralité, ce qui ne nous rend pas meilleurs que les autres mais différents; Tout comme il y a des lecteurs différents, il y a des auteurs différents. Et donc des personnages différents. Quand j'ai dit ça, c'est vrai que ça nous fait une belle jambe...
Bref, sur le fond, tu as en partie raison si on réfléchit à la question "pour qui on écrit". Ecrit-on pour les lecteurs ou pour soi? La verité, c'est qu'on écrit d'abord pour soi en espérant qu'il y ait un lecteur un peu comme nous. Et qu'il est très réconfortant de se dire qu'ils sont le plus nombreux possibles. Mais au fond, écrire, c'est, je pense, se découvrir également soi-même. Qu'importe qu'il y ait une pièce vide ou pleine pour nous lire. Si écrire te permet de te découvrir, ou de découvrir les autres, de t'enrichir avec cette expérience, l'exercice n'est pas vain. Et lire produit la même chose: on découvre un être humain qui a écrit ou on se découvre davantage soi-même. Lire et écrire, à mon sens, doivent produire un enrichissement; Certains textes sont lus par beaucoup, mais n'enrichissent pas beaucoup (sauf leur auteur...), mais ils divertissent. Et c'est une autre vocation de l'écriture et de la lecture. Mais je ne crois pas que tu recherches ça... Ni que ça ne te motiverait pour écrire.
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- San
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Alors, petite remarque préliminaire : y'a plus moyen de cliquer sur les étoiles pour noter un texte? (mince alors, c'était déjà pas très utilisé comme fonctionnalité, mais alors là un menu drop down pour noter, c'est juste pas possible )
Vuld, depuis que tu nous as exposé le concept de présenter tout le texte dans sa première phrase, j'ai moins de peine à rentrer dans tes textes. Ces réflexions sur les techniques d'écriture sont très utiles.
Vu la présentation, en discours libre, j'ai choisi de ne pas trop me prendre la tête. A l'heure qu'il est je ne sais toujours pas trop qui parlait quand dans ce texte, ni ce qu'est au juste Linput. Ca ne me dérange pas plus que ça.
Alors comme ça, on a une constellation et une étoile à son nom, hein? Veinard, va J'ai bien aimé en début de texte me promener dans l'espace d'une mention stellaire à une autre. Où as-tu déniché Cancri?
Par la suite j'ai eu l'impression de passer à l'envers du décor de Independece Day, côté Alien donc, en me disant que c'était une bonne trouvaille. Il faudrait que je revoie Independence Day du coup, voir si on peut soutenir cette réflexion plus de quelques minutes. Ca me fait penser à la saga des ombres d'Ender aussi (l'as-tu lue?)
J'ai trouvé ce point de vue amusant et je suis complètement passée à côté de toute notion de tristesse du coup. Pour moi ce texte n'est pas triste. Intéressant, plein de clins d'oeil, ironique, pas triste.
En lisant les commentaires, je me rends compte qu'un des enjeux pour toi était que le lecteur se place d'un côté ou de l'autre, alien ou terrien. Je crois que ça me fait ça à chaque fois dans les textes de science fiction. Je ne me sens pas concernée par l'humanité décrite, pas plus que par les aliens, je lis ça comme des aventures qui arrivent à un peuple que je ne connais pas, mais qui m'intéresse. Pareil dans les récits de fantasy. C'est censé être des images de notre société, et ce n'est pas du tout ça que je cherche dans ces récits, et ce n'est pas ce que j'y trouve.
La fin du texte me semble extrêmement courte, et ne marche pas du tout pour moi. Les 4 dernières tirades jetées en vrac me laissent sur ma faim. Autant au début ça ne me gênait pas de ne pas savoir qui parle, autant là, je ne comprends pas. Peut-être qu'il s'agit d'un problème de présentation ou de formattage. Peut-être que c'était le but. En tout cas ce n'est pas le genre de fin que j'attendais de ce texte, pas après la première phrase qui est une question philosophique. J'ai bien envie de dire que, ça ne m'étonne pas du renard ça.
PS : Ah oui, et les nombres, pourquoi ils contiennent tous septante? Tu tenais à insister sur ton particularisme national?
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- Vuld Edone
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Tout le monde se plaint de mes fins. Ici c'était un dialogue, masqué, je trouvais normal de finir par un dialogue et surtout de souligner que tout le texte était une dispute à mi-voix. Mais bon.
Il y a un peu d'Independance Day mais plus bêtement j'ai été influencé par le film "Battleship", entre autres. Dans ce film les aliens, au départ, semblent avoir de vraies motivations, une logique, blablabla... avant de finir à la fin par être des caricatures de meuchants.
C'est vrai que très souvent les aliens sont juste une facette humaine, ou carrément une métaphore de telle communauté, genre les Klingons c'est les russes... Je préfère essayer d'imaginer un peuple et de comprendre leur logique. Par exemple, des aliens qui vivent dans le void (l'espace entre les galaxies), comment ils voient le monde ? Ça fait bizarre de se dire que pour eux la matière c'est du déchet.
Bref, pas grand-chose à dire à part que oui, j'avais passé du temps à lire les cartes des astres et c'est super compliqué... et que je fais de la pub nationaliste, oui ça aussi.
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