9eme Portrait: LE LOUP-GARROU (Une esquisse) 4/4
- Zarathoustra
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Ce portrait exploite une idée que j’avais depuis au moins 5 ans. Je savais que je le ferais, j’avais les choses en tête, assez claires, ce qui finalement ne m’excita jamais vraiment à l’écrire.
Le titre de départ devait être La Courtisane et tracer le portrait d’une femme qui aurait été obligée d’incarner l’image qu’aurait provoqué son visage chez les autres, à savoir un visage avec une bouche et des yeux immenses qui retransmettraient toutes ses émotions comme dans un livre ouvert. Comme une sorte de malédiction. Bien entendu, cette image aurait été en contradiction totale avec ce qu’elle aurait dû être, à savoir une âme d’artiste (en l’occurrence initialement une écrivain).
Puis avec ce thème proposé par Vuld Eldone de Nox (donc de la Nuit), j’ai eu envie de l’écrire notamment aussi parce que j’ai eu l’idée d’en faire non pas un écrivain mais un peintre. D’ailleurs, il serait plus logique d’appeler ce portrait « Le Peintre » mais je voulais lui donner une dimension un peu fantastique. Aussi le nouveau titre est plus là pour créer un décalage et enrichir le regard sur ce portrait, l’idée étant de se poser la question sur son sens après coup. Mais bon, à vous de me dire si « Le Peintre » aurait été plus pertinent… Mais j’aime bien d’habitude donner un titre un peu ironique, sauf qu’ici, je ne pense pas l’être vraiment.
Pour l’écrire, j’ai eu très vite l’idée d’une sorte de double portrait (d’où le titre finale) avec également en parallèle un double mouvement temporelle, l’ensemble devant tracer de manière plus ou moins elliptique son portrait.
Par rapport au projet initial, le fait d’en faire un peintre m’a vraiment donné envie de raconter une histoire. Donc mon intention première est vraiment qu’on ait envie de suivre sa petite histoire. Il ne se passe pas grand-chose, cela reste une intrigue assez intimiste, mais j’aimerai malgré tout que la lecture ne soit pas ennuyante. Bref, qu’on s’intéresse à l’histoire de ce petit bout de femme.
La petite intrigue s’est très vite dessinée dans ma tête. Donc contrairement à la façon dont je procède d’habitude, je savais dès le départ où j’allais et comment j’y allais et c’est pourquoi je le vois comme un tout. Par contre, je n’avais pas imaginé que l’écriture de l’histoire prenne autant de pages (j’aurais dû vraiment écrire noir sur blanc mon plan de départ). D’un autre côté, le fait d’écrire sans contrainte de plan pour aboutir à un résultat complètement préétabli m’a aidé à écrire sans me poser trop de questions et d’écrire vite. Et d’ailleurs, l’ensemble s’est plutôt déroulé très facilement. Il y a eu très peu de réécriture, sauf sur quelques phrases pour des questions de style ou des idées mal formulée.
Le plan était si clair dans ma tête que je vous avoue ne pas avoir tout écrit « chronologiquement ». Tout comme la sentinelle, j’ai écrit sans avoir à disposition tout mon texte en permanence ; Donc certains passages ont été écrits en sautant des étapes. La fin notamment a été écrite avant le milieu. Et puis, les séquences flash-back ont été écrites d’un trait alors que je savais que j’allais faire une narration fragmentée.
Bref, à un moment, je me suis retrouvé avec plusieurs morceaux, comme un puzzle, et il m’a fallu remonter le puzzle pour que cela rentre dans mon plan global initial qui a été plutôt très bien respecté (ce qui, chez moi, n’est pas souvent le cas). J’espère que, tout comme dans La Sentinelle, la relative confusion de la narration (que j’espère bien moins importante ici) ne perturbe pas la lecture ni la compréhension, et surtout pas à cause la fragmentation de l’écriture (au départ, il y avait du coup des incohérences que j’espère avoir toutes corrigées). Le principal risque que je vois est effectivement que mes flash-backs fassent oublier l’intrigue du présent. Cela a fait partie de mes principales retouches pour l’atténuer le plus possible. A vous de me dire comment ça « passe » (et c’est aussi pourquoi je vois plus une lecture d’un seul bloc plutôt que fragmentée en 4 comme je le propose finalement ici, l’intrigue n’étant pas sur un registre « action », les séquences marquent moins l’esprit et j’ai peur qu’on perde le fil en lisant l’histoire en 4 fois).
Dernière modification : la fin. Au départ, cela finissait plus tôt. En gros, tout l’épilogue a été écrit après coup alors qu’il devait initialement s’arrêter au moment de la proposition de l’exposition. L’épilogue final a repris au bout du compte une idée que j’avais pourtant dès le début et que j’avais abandonnée parce que je la trouvais trop difficile à exploiter et qui pourtant pour moi boucle un peu la boucle. Sans dire forcément qu’il y a un sens caché, j’aimerais que la fin contienne comme une invitation à… Heu… à vous de me dire . La première fin était un peu trop « fermée » à mon goût. Ou plutôt invitait trop à imaginer la suite de l’histoire plutôt que de revenir, par exemple, sur le sens du titre. Et cette fin revient aussi sur la dimension légèrement fantastique du texte qui, à mon sens, ouvre mieux l’histoire tout en la fermant mieux également (il est possible que je sois le seul à me comprendre ici ).
Ce texte est aussi bien entendu une forme de jeu avec le thème de notre Récit du Mois, à savoir « Nox ». Je pense vraiment l’avoir traité et qu’il s’agit d’une dimension importante du texte.
Voilà en gros quelle a été mon approche sur ce texte.
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- Vuld Edone
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Surprenamment, les chapitres 2 et 3 sont fluides. Le chapitre 2 particulièrement a une histoire claire, facile à suivre, le texte ne nous cache plus rien et on accroche facilement. J'avais noté deux endroits potentiels où le lecteur pouvait décrocher mais c'était léger et anecdotique. Le chapitre 3 est tout aussi fluide mais moins "intéressant".
Pour ces deux chapitres -- oui je parle des parties mais bon on se comprend -- l'impression est qu'ils sont courts, et ça c'est toujours positif. Je n'ai pas eu de problème, arrivé à la fin, pour vouloir passer à la suite.
J'avais aussi noté comment tu avais donné à ce monde sa réalité. Typiquement dans de tels textes on établirait ses personnages, on leur donnerait des rôles et ils s'y tiendraient. Ici tu arrives à ouvrir un peu le monde. On va soudain demander l'aide d'on-ne-sait-pas-qui, six gars débarquent et paf, le monde vit. C'est bête mais cette ouverture est l'instant où ton univers existe le plus. Une sorte d'imprévu.
Le reste est assez classique, au sens où ça rappelle justement les gropavés d'école du XIXe.
C'est le problème du premier chapitre, qui cherche à cacher beaucoup d'informations, choix qui s'avère au final plus pénible qu'autre chose. Et là encore je me regarde dans la glace.
Mais le chapitre quatre révèle ses propres problèmes. Déjà, le soudain changement de focalisation, où on passe au "il" d'un coup et où le temps s'accélère. Avec le recul j'en viens à être ennuyé de ce Bartolomé sorti de nulle part qui résout tout. Grmf. Et puis Bartolomé passe des paragraphes à nous expliquer la peinture, ce qui m'a rappelé pourquoi les gens détestent l'art : il tourne autour du pot pour chercher ce qui l'impressionne dans un peu de jaune sur une toile.
J'ai du coup noté à quel point ton écriture pouvait être vue comme des aplats, avec des ajouts pour corriger le trait après-coup, d'où l'impression que tu peux en faire "trop".
Et là je comprends ton ancienne question de savoir "quand couper".
C'est particulièrement notable pour ce fichu épilogue qui fait la moitié du chapitre... non d'un chien... et qui à dire vrai ne m'a rien rajouté. D'accord, oui, la peinture finale offre une sorte d'ouverture, mais sinon c'est juste Bartolomé qui philosophe et ça m'agace. L'impression que le narrateur n'a plus envie de raconter d'histoire et me parle directement.
Au final, j'en retiens de bons souvenirs. Comme dit, les chapitres deux et trois sont agréables, l'histoire est sympa', bien rythmée et on peut s'attacher à la petite. Je peux facilement ressortir trois-quatre scènes de mon esprit.
Par contre, aussitôt qu'on parle de peinture, qu'on retombe dans ce décorticage, tout s'enraie. Je n'arrive pas à voir jaune, je n'ai aucun attrait pour l'abstraction et je ne vois aucun impact de ces détails sur l'intrigue. Ça fait beaucoup de texte pour me donner l'évolution des personnages.
C'est un texte que, si j'avais voulu l'écrire, je n'aurais jamais pu commencer avant d'avoir pu trouver une forme d'écriture qui mime la peinture. Je me suis fait la réflexion, en voyant la petite partir dans l'abstrait, que l'écriture ne suivait pas. Qu'on avait toujours les mêmes phrases et le même rythme, la même description de son trait.
Et j'ai été frappé en songeant combien de fois on a tenté de me faire le portrait de cette fille, alors qu'au final je n'arrive toujours pas à me figurer son visage -- à part deux ovales blancs inégaux sur un cercle beige. Pour le nombre de fois qu'on a tenté de m'insurger sur sa bouche, je n'y vois qu'une paire de lèvres. C'est tout de même dommage que le narrateur y voie autant et que je reste aveugle.
Bref, si on me coupe cette histoire de moitié, je peux la prendre.
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- Zarathoustra
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L’analogie avec le 19eme siècle est très pertinente. Cette impression est très fondée parce que j’avais en tête plus ou moins consciemment les récits et nouvelles du fin du 19eme. C’est une époque où tous les arts basculent dans l’abstraction (musique, peinture ou littérature). Une période qui m’attire particulièrement intellectuellement parce qu’elle te permet de comprendre ce qui va se dérouler en matière d’art sur la seconde moitié du 20eme siècle où il peut y avoir une profonde rupture avec Monsieur tout le monde.J'avais aussi noté comment tu avais donné à ce monde sa réalité. Typiquement dans de tels textes on établirait ses personnages, on leur donnerait des rôles et ils s'y tiendraient. Ici tu arrives à ouvrir un peu le monde. On va soudain demander l'aide d'on-ne-sait-pas-qui, six gars débarquent et paf, le monde vit. C'est bête mais cette ouverture est l'instant où ton univers existe le plus. Une sorte d'imprévu.
Le reste est assez classique, au sens où ça rappelle justement les gropavés d'école du XIXe.
Le prologue et le premier chapitre, dans mon intention, ne cache pas vraiment beaucoup de choses. C’est même l’inverse. Le prologue donne d’ailleurs tout le texte, notamment l'abstraction. Même s’il n’est pas forcément bon sur la forme, sur le fond, tout est là. La seule chose qui est cachée, c’est ce qui a pu arriver à cette femme pour qu’elle s’enfuie sur Paris. D’ailleurs, en soi, ça n’a pas vraiment d’importance. Pour moi, tout ce que le lecteur peut avoir imaginé me va. C’est à lui de s’imaginer ce qui peut faire fuir une telle jeune femme. Et je ne pense pas qu’il faille beaucoup d’imagination pour trouver une explication qui convienne à tout le monde… Quand je dis que tout y est, tout ce qui est important pour comprendre les enjeux du texte me paraissent y être. En soi, c’est peut-être maladroit, parce que je prends certainement le lecteur à froid en lui donnant une fausse impression de ce qui va suivre…C'est le problème du premier chapitre, qui cherche à cacher beaucoup d'informations, choix qui s'avère au final plus pénible qu'autre chose. Et là encore je me regarde dans la glace.
J’avoue que ce changement de focal m’a gêné moi aussi. Cela crée une rupture que je ne voulais pas au départ. J'ai un moment imaginé ne pas la faire.Mais le chapitre quatre révèle ses propres problèmes. Déjà, le soudain changement de focalisation, où on passe au "il" d'un coup et où le temps s'accélère. Avec le recul j'en viens à être ennuyé de ce Bartolomé sorti de nulle part qui résout tout. Grmf. Et puis Bartolomé passe des paragraphes à nous expliquer la peinture, ce qui m'a rappelé pourquoi les gens détestent l'art : il tourne autour du pot pour chercher ce qui l'impressionne dans un peu de jaune sur une toile.
Mais on est sur un texte sur la représentation du réel. Donc il m’est apparu logique qu’on passe de regard de celui qui crée à celui qui regarde. Ce texte parle de peinture, mais en fait, pour ma part, il parle autant d’écriture que de peinture. En tout cas, les problèmes et les motivations sont pour moi fort semblables : être compris de l’autre tout en étant sincère avec soi-même, l’imposture artistique etc. Donc celui qui regarde est dans la même position que celui lit au final... Relis, tu devrais certainement trouver des sujets qui au final t’intéresse aussi… Etrange que toi tu ne l’aies pas ressenti. Sauf erreur, l’écriture est aussi un travail artistique au même titre que la peinture ou la photo ou le cinéma etc.
Et tu dis que Bartolomé a tout résolu. Peut-être. Mais quoi en l’occurrence ? Que se passe-t-il véritablement dans l’épilogue ?
Juste une question. Parce que visiblement tu ne t’es focalisé que sur la partie narrative, ce qui est bien mon but premier, donc en soi, ça me va tout à fait. Mais si tu te poses la question de l’intérêt de ces « détails sur l’intrigue », de quoi parle vraiment le texte ? Quel est le sens du prologue ? Quel est le sens de l’épilogue ? Qu’est-ce qui les lie dans le récit central ?Par contre, aussitôt qu'on parle de peinture, qu'on retombe dans ce décorticage, tout s'enraie. Je n'arrive pas à voir jaune, je n'ai aucun attrait pour l'abstraction et je ne vois aucun impact de ces détails sur l'intrigue. Ça fait beaucoup de texte pour me donner l'évolution des personnages.
Petite question : laquelle tu coupes et laquelle tu gardes ? Pas sûr que je garderais la même que la tienne… J’ai d’ailleurs l’impression que dès que tu esquives le texte à chaque fois qu’il touche sa question centrale.Bref, si on me coupe cette histoire de moitié, je peux la prendre.
C’est bizarre parce que tu dis ne rien voir et comprendre à l’abstraction, alors que tu viens de me prouver le contraire. Tu ne vois plus un visage mais des formes abstraites. Et si justement tu étais tout près de comprendre tout le texte?Et j'ai été frappé en songeant combien de fois on a tenté de me faire le portrait de cette fille, alors qu'au final je n'arrive toujours pas à me figurer son visage -- à part deux ovales blancs inégaux sur un cercle beige. Pour le nombre de fois qu'on a tenté de m'insurger sur sa bouche, je n'y vois qu'une paire de lèvres. C'est tout de même dommage que le narrateur y voie autant et que je reste aveugle.
C’est assez juste, mais si un tel lecteur comme toi refuse de se poser la question de l’abstraction sur un texte comme celui-là, qu’aurais-tu dit si un auteur comme moi l’aurait abordé en expérimentant une écriture abstraite ? T’aurait-il davantage intéressé ou aurais-tu arrêté ta lecture au bout de 3 pages ? A dire vrai, ce travail avait été tenté mais dans le prologue…C'est un texte que, si j'avais voulu l'écrire, je n'aurais jamais pu commencer avant d'avoir pu trouver une forme d'écriture qui mime la peinture. Je me suis fait la réflexion, en voyant la petite partir dans l'abstrait, que l'écriture ne suivait pas. Qu'on avait toujours les mêmes phrases et le même rythme, la même description de son trait.
Pour te répondre, je vois au contraire ce texte comme un grand tableau dont on ne peut voir ou comprendre l’ensemble qu’en ayant tout regarder/lu. Il ne faut pas rester le nez sur le tableau mais reculer de quelques pas ou découvrir ce qu’il y avait à voir. Et d’ailleurs, le titre du texte n’est-il pas aussi un peu comme ces titres qu’on met à un tableau abstrait, non ?
Bref, pour une fois, à toi d’essayer de me dire ce que cette histoire peut vouloir signifier. Quels thèmes y vois-tu et comment s’unifient-ils pour délivrer, je l’espère, un sens au « tableau »? Que disent-ils ? Quelles étaient mes intentions pour écrire ce texte ? Ce qui m’a motivé pour écrire au-delà de cette histoire sans doute plaisante mais pas forcément des plus originales ? En te lisant, je peux me tromper mais j’ai l’impression qu’à chaque fois qu’il y avait un vrai enjeu dans le texte, c’est ce qui t’a fait décrocher ou t’agacer… Soit parce que tu voyais trop bien et qu’effectivement, j’ai pu être maladroit, soit que tu as refusé de voir ce que tu étais en train de voir…
Mais tu as globalement raison. On peut voir ce texte comme une nouvelle à la manière du fin 19eme, y compris dans ce qu'il peut y avoir de cliché et académique. Avec une volonté nette de ma part à ce que cela soit simple et si possible fluide et plaisant à lire.
Et tu poses une question pertinente également sur sa longueur... Mais avant d'envisager de le couper de moitié, j'aimerais être sûr que ce que tu veux couper ait été vraiment compris. Parce qu'effectivement, si tu retiens l'histoire d'une malheureuse provinciale qui découvre la peinture en débarquant à Paris et à qui presque tous les hommes veulent lui faire des misères et qui trouve à la toute fin le grand amour, effectivement, ce texte est vachement trop long. Cela dit, il y a certainement des choses à couper, je suis d'accord. Dans les scènes à revoir, il y a le prologue parce que le style n'est pas toujours très bon et la scène de nuit sous la pluie, peut-être les scènes dans la boutique de Bartolomé.
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- Vuld Edone
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Lors de ma première réponse, j'avais commencé une partie supplémentaire sur les sens cachés, avant de couper brutalement -- et de la supprimer -- parce que j'avais calé. Je ne voyais pas de sens caché.
Au moment de te répondre, j'avais décidé d'y aller freestyle, mais en allant relire le prologue et l'épilogue à tout hasard. Et à nouveau j'ai eu l'impression de caler. J'en revenais toujours aux mêmes choses.
-> L'identité
Tu l'as dit toi-même, c'est l'histoire d'une femme qui finit par devenir ce qu'on veut voir en elle. Le texte établit clairement le lien entre son tableau et son visage, et entre son visage et son identité. Au chapitre deux on met en place cette double-facette (vie de jour, vie de nuit) et la manière dont elle "apprend son rôle". Le jaune est ce qui la démarque des autres -- et à la fin c'est du violet parce qu'on a mélangé, ils sont deux -- et ainsi de suite.
Si on étend la chose, philosophiquement on retombe sur de la subjectivité. On n'a pas accès au réel, seulement à notre perception du réel (apparences) et la réalité devient une construction renégociée constamment. C'est ce qui se passe dans un texte, où "chacun peut y mettre ce qu'il veut" et l'histoire est co-construite, le lecteur doit y mettre du sien.
Mais passé ces évidences... je n'arrive pas à en tirer grand-chose.
J'essaie d'envisager une inversion à la fin où l'héroïne est toujours prisonnière de son image. La double-facette est toujours en place, elle a toujours le besoin de disparaître dans la nuit et Bartolomé cherche toujours son secret (alors même qu'il prétend l'aimer "dans son entier"). Couple pas très stable. Elle attend quelque chose de lui et la possibilité peut alors être simplement que tout le mariage est un mensonge.
Après tout, c'est le moment où l'histoire entame un décrochage. On change de point de vue -- donc l'héroïne n'a plus son mot à dire -- on adopte le point de vue de Bartolomé -- qui s'impose -- et on accélère les choses -- au point de brosser les scènes à grands traits. On lui construit soudain toute une vie où elle a son rôle tout fait. On peut supposer que ce n'est pas elle qu'il aime, mais ses tableaux. On peut supposer qu'il ne fait que perpétuer, à son échelle, ce qu'a fait Valentin. On peut supposer qu'elle est malheureuse.
Le problème étant que cette interprétation se réduit au seul quatrième chapitre.
Certes, précédemment on lui fait jouer des rôles, que ce soit celui de fille des rues ou celui de petite soeur -- ou celui d'artiste, d'ailleurs. Mais il y a des rôles qu'elle embrasse sans hésiter et d'autres contre lesquels on la voit se débattre. Or, à la fin, elle se contente de vivre la nuit -- et là j'admets mon ignorance des couples, mais chacun a besoin d'un peu d'indépendance.
Certes, elle peint encore, et cela seul devrait suffire à souligner que le problème n'est pas entièrement résolu. Mais là encore, il y a le problème de l'ouverture, l'invitation aux autres à entrer dans ses tableaux -- et le fait qu'elle demande à Bartolomé d'exposer, le fait qu'elle partage encore ses tableaux à d'autres. Ça passe difficilement comme un appel à l'aide, plus comme une quête générale, pour que d'autres découvrent ce qu'elle a découvert.
Et puis il y a l'abstraction. On peut la voir comme une forme de dissolution de son identité, mais inversement son problème était ses yeux et sa bouche, et celles-ci ne sont quasiment plus mentionnées à la fin. C'est le jaune qui s'est imposé sur tout, ça et la main ouverte, ce qui laisse peu de place au problème d'origine. Supposer que Bartolomé travaille encore avec ces traits primaires en tête, quand rien ne l'indique, est difficile. L'impression est plutôt qu'elle se raccroche au passé, et la seule ouverture est de supposer qu'elle n'a a pas pu s'en détacher complètement -- un dernier problème en suspens.
Et je ne m'attache pas aux derniers détails de son tableau parce que je n'arrive pas à voir à quoi, dans le texte qui précède, ces détails se réfèrent.
Ça semble juste absurde, quand bien même Bartolomé la traiterait comme un tableau, qu'elle veuille lui montrer ce qu'elle a été dans le passé, ou ce qu'elle ferait encore maintenant. Il serait d'ailleurs tout aussi étrange qu'elle le fasse encore... et on retombe donc, pour comprendre ses intentions, dans l'abstraction.
Le plus frustrant est que l'héroïne ne comprend pas ses propres tableaux, et a seulement expliqué sa démarche. Quand on arrive à Bartolomé, ce dernier est censé représenter le lecteur face aux tableaux, avec instruction de résoudre une énigme dont, contrairement à lui, on est censé avoir les clés.
Mais Bartolomé agit étrangement, et pour commencer, il dit que sans faire appel aux émotions ça échouera de toute manière. Sa démarche... il n'essaie pas de résoudre un puzzle, il veut juste se rassurer sur son mariage (et il a des raisons d'être inquiet...)
J'ai beau faire, je retombe toujours sur les mêmes conclusions. L'héroïne a fait un parcours qui l'a amenée à adopter sa propre identité, et maintenant, presque par pitié, elle veut aider Bartolomé à faire le même parcours, cette "invitation" finale qui me hérisse le poil.
J'ai envisagé le fantastique, j'ai envisagé qu'elle était morte, j'ai envisagé qu'elle était un tableau, qu'elle avait peint la réalité, j'ai essayé comme montré plus haut de revenir au problème de départ, de l'identité, mais toujours pour retomber dans cette ornière.
Et cette ornière n'est même pas vraiment productive... J'avoue aimer l'idée d'une personne enfermée dans son mariage, avec un mari qui préfère ses tableaux à elle, qui la réduit sans même s'en rendre compte à un objet décoratif, et elle-même qui joue son rôle presque par habitude, sans plus y songer... mais son comportement n'y correspond qu'à moitié, et je manque d'indices qui appuieraient ce dysfonctionnement. Tout au plus qu'elle est froide -- perte d'émotions, elle se mourrait dans son rôle -- mais ce n'est pas aller assez loin.
Il y a un pont à franchir que je ne trouve pas.
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- Zarathoustra
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D’abord, il y a une certaine volonté de ma part de faire cohabiter plusieurs possibilités qui ne facilitent certainement pas la chose. Mais je me dis que lorsqu’on est face à un tableau quel qu’il soit, c’est un peu la même chose. Et après, tout l’essentiel n’est pas toujours de « comprendre » mais de « ressentir ».
Les ambiguïtés sont principalement sur la relation entre elle et Bartolomé. Tu l’as bien vu. L’autre est sur les raisons qui la poussent à sortir le soir. Mais j’essaierai d’y revenir.
Je voulais faire un texte avec une portée fantastique qui soit un peu caché et qui pourtant éclairerait le texte à celui qui le verrait. La première dimension fantastique est dans le titre qui inverse la paradigme du loup-garou. Ici, le loup-garou ne se métamorphose pas la nuit mais il ne devient lui-même que la nuit, quand plus personne ne peut le voir. Le reste du temps, elle est incarne ce que les autres ont fini par lui inculquer, elle est un monstre sauf la nuit quand tout le monde dort.
La seconde dimension fantastique est dans le décor nocturne qui transforme le réelle pour lui priver de lumière. Le monde devient noir et blanc, et pourtant il donne naissance à une autre vérité, un monde plus abstrait, pourtant toujours immanent du premier. En faisant disparaître le monde qu’on connait, il donne donc vie à l’abstraction qui ne serait rien d'autre qu'une autre réalité quelque part plus réelle et finalement fantastique, et que veut capter la peintre. C'est aussi dans la nuit qu'elle devient vraiment elle-même.
Et si elle choisit de peindre, c'est uniquement pour découvrir qui elle est vraiment, quel est son "vrai" visage.
La troisième dimension fantastique est dans la peinture. Le thème de la peinture est celui de la représentation qui est centrale ici. Un tableau est censé représenter quelque chose, alors qu’il n’est que couleur et agencement de forme. Seul le peintre a réellement accès à sa réalité. Ou plutôt au chemin qui mène à cette réalité. Dans les tableaux, il y a ce qu’on appelle les « repentirs », ce sont les corrections que porte le peintre à son travail en retouchant par-dessus ce qu’il a déjà peint. Il s’agit souvent de retoucher une courbe, d’effacer quelque chose, de déplacer une ligne etc. Cela ne donne pas davantage de sens mais le peintre ressent en lui l’impérieux besoin de modifier cette courbe, cette ligne ou cette couleur. Tout comme on ressent le besoin de modifier son textes et ses phrases parfois de manière inexpliquée..
Qu’elle soit abstraite ou pas, la peinture n’est qu’un travail de forme et de couleur. Parfois, les couleurs et les formes appellent d’autres couleurs et d’autres formes, parfois les forment et les couleurs s’imposent d’elles-mêmes sans qu’elles ne s’expliquent ou ne justifient. OU si c’est le cas, c’est parce que le tableau est fini, mais quand on part de rien, il y a une forme d’intuition suprême pour y parvenir. D’ailleurs, dans ce texte, il y a deux choses qui se sont imposés à moi avec une certaine nécessité que j’ai pourtant voulu à un moment combattre : le fait qu’elle continue de « sortir » la nuit et le changement de point de focal. J’ai longtemps hésité, mais je n’ai pas pu comme si cela s’imposait à moi, comme si cela faisait totalement partie du tableau.
C’est pour ça que je dis qu’Elle ne peut pas expliquer sa peinture. Elle "ressent" la peinture, elle est dans l'intuition ou la sensibilité, elle ne peint pas avec sa rationalité et un raisonnement, elle cherche qui elle est quand elle n'est pas cette "autre" que les autres voient en elle et qu'elle a fini par devenir. Tout comme tout ne s'explique pas forcément dans un texte. On peut certes toute expliqué, justifié, mais au final, rien ne traduit vraiment le travail et le cheminement de la pensée ou de l'intuition qui a donné vie à la phrase que l'auteur a écrit. Et toutes les explications du monde ne sauraient expliquer le vrai mystère qu'il produit à la lecture et que cette phrase ait pu être "trouvée" et écrite. Le fantastique de la peinture, c'est de toucher l'autre en lui dévoilant pourtant sa propre subjectivité. Comme si la subjectivité de la peintre devenait universelle et expliquait le monde.... Et c'est pourquoi Bartolome veut comprendre sa peinture. Il veut comprendre le monde autant qu'il veut comprendre la peintre. Mais il veut aussi savoir s'il a "raison" d'être autant touché par cette peinture ou s'il est davantage touché par la personnalité de cette femme. Par quoi est-il le plus fasciné? D'une certaine manière, il a besoin lui aussi de savoir qui il est face à cette femme et cette peinture.
La dernière dimension fantastique se trouve dans épilogue, bien entendu. L'idée du texte, pas très originale pour autant, est bien entendu d'aller plus loin que les apparences, mais pour aller plus loin, il faut aller au-delà qu ce qu'on projette soi-même spontanément (ce qui est souvent bien plus dur qu'on imagine) et découvrir l’intérieur des choses et la complexité des être (là où on aime les réduire à des fonctionnements logiques et déterministes style "ça ne m'étonne pas de lui"). .
Je ne suis pas sûr qu’on puisse véritablement comprendre cet épilogue, pourtant, ici, tout est net dans ma tête. Ce tableau violet est le tableau symétrique du premier portrait jaune. A la place de la main ouverte à droite on a une forme en étoile à gauche, et les deux cercles blancs sont des yeux, la forme ovale un visage et les deux traits marrons, deux lèvres immenses. C’est le même portrait mais « abstrait », symétrique, inversé comme dans un miroir, y compris dans les couleurs (jaune -> Violet). En fait, et c’est là qu’on ne peut sans doute pas comprendre, c’est le tableau jaune « vu de l’intérieur », on est dans le corps de l'autre. On est à l’intérieur du peintre. Sa quête de l'abstraction est une recherche pour savoir qui elle est vraiment "en dedans". Elle part de la surface des choses, de son visage et de ce qu'on retient d'elle, pour plonger dans son propre être. Ce tableau violet est une invitation laissée à Bartolomé pour la connaitre toute entière telle qu'elle est.
Et quand Bartolomé touche l’étoile, il touche la main. Il sort en quelque sorte la peintre de son corps pour qu’elle puisse enfin être elle-même (ou c'est lui qui est aspiré dans la toile et ce qui lui permet de voir le monde avec les yeux d'Estelle, les deux sens sont possibles). Et lui ne la voit plus à travers ses tableaux mais uniquement telle qu’elle est (ou à travers ses yeux si il a plongé dans la toile et il comprend soudain le monde qui l'entoure différemment). Donc quand tu disais qu’elle était morte, tu étais en fait tout près, puisque pour moi, elle renaît (mais il y a bien aussi l'idée qu'elle meure dans le texte, cela fait partie des pistes ouvertes). C’est d’ailleurs pourquoi on découvre son prénom à la fin. Elle n’est plus ce « elle » qui a vécu cette histoire, elle devient davantage, elle devient « Estelle ». Donc son vrai portrait s'obtient en superposant son tableau jaune et le violet. Le jaune est un peu la surface des chose, ce qu'on voit, et le violet, ce qu'on ne voit pas dans un être mais qu'on ressent pourtant. J'ignore si je dois donner davantage de pistes. Ni comment procéder pour guider davantage le lecteur. J'ai aussi insisté sur le jeune pour que le violet apparaisse plus fort dans la tête du lecteur. Le violet est un peu la couleur de l'opacité de la chair à travers la lumière. Une couleur d'ombre contre la couleur de la lumière qu'est le jaune. La nuit contre le jour. Et il faut les deux pour comprendre le monde tel qu'il est.
Et si on revient à la peinture, la question serait: comment peindre ce qu'on ne voit pas? Et si la peinture permettait justement de faire voir tout ce qu'une simple photo ne saurait montrer (y compris sur le monde, ou les émotions etc.)? Ne capte-t-elle pas quelque chose de plus immuable que ce que nous regardons autour de nous? Mais en acceptant de voir Estelle telle qu'elle est et non telle que Bartolome l'imagine, il doit aussi accepter de devenir un autre. Et j'aimerais que le lecteur accepte à son tour de devenir un autre pour comprendre ce texte. Qu'il devienne à son tour Estelle... Qu'il ne soit plus Lecteur mais Auteur. Qu'il donne vie à ce personnage en bouchant les trous du portrait pour le faire sien, pour trouver le sens ou pour la logique de ce personnage.
Bref, par contre, tu as fort senti l’ambiguïté du personnage féminin (qui n'est pas forcément qu'une victime) et de Bartolomé (qui n'est pas qu'un sauveur), ainsi que de leur relation mais, pour moi, la fin est un vrai happy end, ou tout du moins l'histoire se termine là où leur histoire commencera véritablement, et à chacun de l'imaginer heureuse ou pas. Seulement, cette femme pourra enfin vivre telle qu’elle est. Je sais que tu vas trouver que c’est une obsession de faire des femmes des martyrs. Mais bon, en 20 siècle de peinture, je crois qu’il n’y a pas eu une femme peintre de reconnu. Il faudra attendre le 20eme siècle. Et encore, elles sont largement minoritaires. Et dans tous les arts c’est pareils…
Je suis assez mal à l’aise par le fait à avoir continué à la laisser se prostituer dans l’histoire. Mais au fond de moi, je me suis dit qu’elle avait besoin de se « salir », à force d’avoir été vu comme telle. Comme si elle avait été conditionnée au plus profond d’elle-même… Il me semble que cela arrive que psychologiquement on finisse par reproduire certaines choses malgré soi… D’autre part, sans mécène, une femme à cette époque ne peut vivre en vivant sa passion de la peinture. Donc pour avoir de quoi vivre, je ne crois malheureusement pas qu’une femme ait beaucoup de choix, sauf à travailler toute la journée. Mais on ne devient pas peintre en vivant ainsi… Donc, voilà… Je suppose que ce choix est très critiquable.
Et j’ai du mal à l’assumer, mais comme je l’ai dit, j’ai l’impression qu’il y avait une forme de nécessité à l’équilibre du personnage. Et cette dimension fait vraiment partie de ce portrait de loup-garou. Mais il n'y a aucun jugement moral. Ni volonté de ma part de de justifier la prostitution. Peut-être devrai-je montré plus nettement que je la condamne. L’ambiguïté du texte qui est moralement difficile, c'est qu'à un moment, je la décris comme si elle y prenait goût... Et j'avoue être très mal à l'aise de l'avoir mis et en plus laissé. Même si c'est un peu monstrueux de ma part, j'ai trouvé qu'il y avait une logique dans ce personnage. Mais j'hésite vraiment à supprimer ça.... OU alors, il faudrait que je me renseigne vraiment sur la question parce qu ce n'est pas quelque chose à aborder à la légère. C'est même monstrueux de ma part de ne pas avoir fait cette recherche, dans le doute j'aurai dû m'abstenir...
Enfin, bien entendu, tous ces portraits qu'elle fait dessine une sorte de mise en abîme de mon personnage (ce qui reprend aussi l'idée du loup-garou qui a plusieurs visages). J'essaie que le lecteur arrête de ne voir qu'un visage, qu'il ne voit plus des traits physique mais ce qu'il y a à l’intérieur. J'aimerais qu'il plonge à son tour à l'intérieur du personnage, à l'intérieur du portrait violet.. Pour moi, c'est comme s'il devenait alors à son tour auteur et cessait d'être lecteur. Je te l'écris, mais ça, je n'ai pas travaillé cette idée, cela fait partie de mes intuitions qui se sont aussi imposé à moi, donc j'accepte la critique que c ne soit pas suffisamment bien rendu, mais, d'un autre côté, l'essentiel est de proposer une petite histoire qui se lise bien.
Aussi,c'est la même chose avec le parallèle du travail de la peinture et de l'écriture qui m'est apparu évident au moment d'écrire. Sur ces derniers points, le résultat n'a pas été planifié (comme toi tu aurais sans doute travaillé), ils sont apparus en cours de route, mais je pense que je les avais inconsciemment dès le départ en tête car il y avait de troublantes coïncidence dans ce que j'avais déjà écrit. C'est là où je pense qu'il ne faut pas trop planifié parce qu'on sous estime les capacités de l'esprit et l'inconscient. Et parfois, même en croyant tout planifié, je ne suis même pas sûr qu'ils ne nous jouent pas parfois des tours bien malgré nous. Et comme je l'ai signalé, l'idée de départ de ce personnage avec ses grands yeux et sa grande bouche était d'en faire une écrivain (mais d’aujourd’hui).
Donc je ne veux pas forcément un texte "fermé" et avec un seul sens, d'où les ambiguïtés que tu ressens Tes pistes sont justes. J'ai envie que n'importe lecteur puisse avoir sa propre vision. Je ne pense pas que le tableau violet soit vraiment compris, mais il forme un petit mystère que j'aimerai qu'il intrigue le lecteur. J'aurais bien aimé par contre qu'on "sente" le texte s'imposer, que même si on ne capte pas tout, on sente qu'il forme un tout et qu'on sente une sorte de logique. Enfin, il y a aussi à travers le jeu de l'abstraction de la peinture, l'idée aussi de ce sens caché. Je raconte une histoire réaliste, mais elle peut être abstraite comme les tableaux. OU si tu préfères, quand on voit des choses qu'on ne comprend, il suffit de reculer pour voir un peu au-delà de ce que ça raconte..
C'est pourquoi j'ai eu l'impression que tout se liait à la fin. Et quand vient le point final, qu'on se dise bien qu'on a lu un "tout", comme quand on regarde un tableau. Mais ça, visiblement, c'est beaucoup plus dur, même si, comme je l'ai déjà dit, c'est un texte qui s'est écrit un peu tout seul. J'étais un peu comme la peintre, j'écrivais de manière assez intuitive sans chercher à tout analyser, mais je sentais que ça avait du sens. La structure, l'agencement s'est fait avec l'impression que tout était dans ma tête mais qu'il me fallait tout écrire pour avoir la vision d'ensemble et qu'enfin tout se dévoile à moi. Après, il y a eu des retouches pour accentuer ou reformuler. Mais une logique dans le texte était là que je n'aurais pas pu forcément planifier parce que je suis partie d'une une vue globale et que je devais tout écrire pour l'avoir précisément. Avec une certaine frustration d'ailleurs d'être face à un tout. Et chaque étape de l'histoire me conduisait au tout.
J'espère que ça t'éclairera. Peut-être arriveras-tu à me donner les pistes sur ce qui ne fonctionne pas maintenant que tu as à peu près les clés. Et toi, avec tout ça, tu aurais fait autrement? Tu couperais quoi?
Maintenant, tu as pointé du doigts que la forme n'allait pas toujours avec le fond. Et tu soulignes là un vrai problème. Et celui que je lui rajouterai serait de trouver une forme qui unifie les deux mais sans perdre pour autant davantage le lecteur sur l'histoire.
Bon courage pour lire ce très long commentaire de ma part que je n'ai cessé de rallonger pour tenter de rendre plus clair mon propos (autant que ce travail d'analyse a aussi clarifié ce que j'avais dans la tête)... Et maintenant que je ressens moi-même très précisément mon "tableau", j'avoue que je ne vois pas par contre comment refaire mon texte pour que tout ceci passe mieux...
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- Vuld Edone
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Je ne sais absolument pas comment répondre à ce pavé. Mais j'en retiens la question finale, qui est : vu tes objectifs, comment faire mieux passer le symbolisme ? Ce qui est ironique puisque le symbolisme n'a pas vraiment à coeur de "bien passer".
Comme en quatre jours j'ai déjà oublié la moitié de tes objectifs et que, d'autre part, j'en reste à mon interprétation du texte qui se résume à l'identité, je vais réfléchir à ma réponse en termes plus... généraux.
Fondamentalement, le symbolisme est une métaphore à l'extrême. Bref rappel : la métaphore c'est quand on dit que "Pierre est un lion" pour dire que "Pierre est courageux" (ou autres). Le symbolisme correspondrait alors plus ou moins à faire "Pierre est une machine à laver" et laisser le lecteur se débrouiller pour retrouver le lien.
Plus sérieusement, le symbolisme repose soit sur des images convenues (on m'a donné l'exemple de la lance en kryptonite, dans Batman vs Superman (que je ne perdrai pas mon temps à voir), qui réfère à la lance de Longinus), soit sur une construction originale et en fait je suis en train de me rendre compte qu'il y a un meilleur exemple de ce que j'essaie de dire.
J'ai écrit un texte récemment où on suit un élève à l'école. Et durant le texte (qui fait quand même douze chapitres) le lecteur subit des bribes de cours, une demi-page à parfois une page de matière qui touche au français, à l'histoire, à la chimie, etc... Pour le lecteur c'est barbant, il ne voit pas l'intérêt et comme quantitativement c'est très court, en arrière-fond, il n'écoute rien.
Mais tout le texte est justement sur un élève qui veut suivre les cours. Qui s'intéresse à la matière. Et au chapitre 11 cet élève fait, à un autre élève, "mais est-ce que tu as écouté un seul cours depuis que tu es arrivé à l'école ?!" ou quelque chose comme ça. Et si la majorité des lecteurs vont y voir une simple réaction d'écolier gamin, c'est une instruction du narrateur au lecteur pour dire : va relire les cours. C'était important.
En fait c'est toi qui, à l'époque, m'avais dit de mettre des clés pour accéder au contenu.
Ce signal, cette clé se trouve essentiellement en fin de ton texte, au travers de Bartolomé qui cherche à percer la peinture et qui, en quelque sort, donne les instructions sur comment revisiter toute l'histoire. On a cette tendance à ne donner les clés qu'à la fin, d'ailleurs.
En ce sens il n'y a rien vraiment à corriger -- même si je maintiens qu'on pourrait couper l'histoire de moitié -- le texte fait ce qu'il dit.
Il y a l'idée de tourner, lorsqu'on parle de peinture, doucement vers l'abstraction...
Et il y a justement cette idée de couper dans la matière...
Mais je pense que les deux points peuvent se rejoindre.
Les passages les plus longs sont ceux où tu t'attardes sur la peinture, et où on a l'impression que tu tournes autour du pot. Et c'est justement là où j'aimerais que le fond corresponde à la forme. Probablement que pour ma part je décrirais ce qu'elle peint, en commençant par du banal puis en partant vers une écriture "abstraite", peu importe ce que ça veut dire. Je noterais aussi qu'elle est insatisfaite (puis progressivement plus satisfaite) mais sans jamais expliquer pourquoi. Pas dans ces passages en tout cas. Ne serait-ce que parce que les explications laissent entendre que tout est expliqué, alors que non, ce que moi je veux communiquer c'est "ce passage cache quelque chose, reviens plus tard (ou essaie)".
Par exemple, dans ce texte de l'écolier, l'un des cours concerne l'économie, et le professeur explique la loi de l'offre et de la demande, puis dit "okay ça c'est le modèle statique, passons au système dynamique" et il se met à parler de l'élasticité. Et tout le monde est en mode "ouais mais c'est du blabla y a aucun rapport avec l'histoire".
Et de fait personne n'essaie de le lier avec ce qui se passe mais ce qui se passe, pendant qu'il donne son cours, c'est qu'il est en train d'humilier l'écolier, sous forme de vengeance, et ce qu'il veut dire en vérité, derrière cette histoire d'élasticité, c'est "tu récoltes ce que tu sèmes". Son discours économique est un discours social. (Et il y a plus que ça mais restons à ce niveau-là.)
J'essaie actuellement d'appliquer les conseils d'Impe' (et les tiens) en mettant le symbolisme en arrière-fond, en faisant en sorte que le lecteur puisse passer par-dessus et continuer l'histoire. Puis en donnant une clé, un signal qui fasse "eh, tout ce qui te barbait là ? C'était l'histoire. T'as tout loupé".
De ce point de vue-là ? Ton erreur a sans doute été de vouloir absolument arrêter le lecteur sur les tableaux, de vouloir expliquer.
Mais j'en resterai là.
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- Mr. Petch
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Je passe sur les points forts habituels : texte fluide, comme toujours j'envie ta capacité à faire passer une histoire et, surtout, des émotions simplement... Tu arrives à avoir un style qui est la fois "simple" (au sens de lisible : pas d'ampoulé ou d'hermétisme superflu) sans être pour autant "simpliste". Bref, la routine qui fait qu'une histoire de Zara, malgré ses défauts, est toujours un bon moment
Pour terminer sur ce prologue et avant de passer à ce qui a le plus gêné ma lecture, il y a quand même une question que je me pose, là aussi par comparaison avec mes habitudes d'écriture : un élément récurrent chez toi est l'exploration d'une psyché féminine (je pense d'emblée à Alarielle, mais il y a des tas d'autres exemples dans d'autres textes). Je sais, par expérience, qu'écrire avec un point de vue féminin m'est souvent très difficile. Je voulais savoir ce qu'il en était pour toi, si c'était un choix délibéré, ou si dans le fond le sexe de tes personnages était indifférent pour les choix d'écriture.
Les critiques maintenant.
Je vais commencer par ce qui est plus anodin. Tu fais le choix de situer ton récit dans un espace-temps précis, le Paris artistique de l'entre-deux-guerres. Par moment, il y a un peu un effet "carte postale" : on voit surgir Modigliani, Soutine, Chagall. Bref, j'ai l'impression que cet aspect du récit (l'inscription dans un moment historique) n'est pas très bien traité, qu'il a un côté un peu artificiel, un peu superficiel. Mes propres connaissances sur cette époque ont parfois fait écran et du coup j'ai repéré des invraisemblances ou curiosités qui ont gêné ma lecture. Bon, je ne dis surtout pas que tu aurais dû être à 100% fidèle au contexte historique, mais comme tu fais le choix de t'y inscrire, ça attire forcément l'esprit. D'où te vient ce choix ? Après tout, il ne me semble pas que l'histoire l'impose... Ou je me trompe ?
Après, il y a le problème des clichés, qui est d'ailleurs en partie liée au premier point. C'est particulièrement flagrant dans la première partie, ça se calme un peu après. Par exemple, dans :
Le quignon de pain me semble de trop. On a compris qu'on était dans un environnement bohème. OK. Le reste de ton texte était plutôt délicat et subtil dans la description des émotions, être aussi grossier en employant des lieux communs gâche un peu le plaisir.Une table en bois, collée au mur pour prendre moins de place, avec un quignon de pain dessus.
J'en viens à ce qui m'a le plus posé problème : le contenu de la deuxième partie. En fait, je crois que je n'ai absolument pas compris pourquoi tu as intégré au milieu cette histoire d'amour vache et de femme battue qui, pour le coup, est vraiment traitée sur le mode du lieu commun. C'est d'autant plus dommage que dans les deux parties suivantes, tu reviens à ton vrai sujet, la peinture, le rapport à la beauté et à l'art, la capacité de l'art à évoquer le réel ou à aller au-delà du réel. Pour toi, quel est le sens de cette digression ?
Si j'évoque ce problème, ce n'est pas seulement une question de contenu, c'est aussi une question de forme et de rythme. Comme tu as cette histoire d'amour un peu longue et complexe en termes d'émotions à raconter au milieu de la deuxième partie, cette dernière est finalement très descriptive. Tu ne t'en sors pas si mal, mais quand même, j'accroche moins quand je lis ça :
Le lendemain, il n’était plus le même. Toute sa douceur des jours d’avant s’était évanouie. A la place, il était devenu un petit despote qui se faisait obéir au doigt et à l’œil. Et, depuis, la nuit, elle avait appris à errer le long des trottoirs pour lui ramener quelques pièces des hommes qui voudraient d’elle. La première fois qu’elle rentra, elle n’eut pas un merci, juste l’exigence de faire mieux car il y avait le loyer à payer la semaine suivante. Au fil des jours, il avait pris l’habitude de la martyriser et l’effrayer, juste ce qu’il fallait pour qu’elle rentre d’elle-même.
Et quand, dans la partie suivante, je lis de beaux passages comme celui-ci :
A la place, elle aimait la façon avec lesquelles les formes devenaient floues pour disparaitre ou, au contraire, renaissaient progressivement des ténèbres en se fondant dans ce monde et cette lumière nocturnes qui l’entouraient. Pour elle, il y avait là comme le mystère de deux mondes qui cohabitaient.
ou encore :
Un gris composé non pas de blanc et de noir, mais un gris lumineux qu’on obtient dès qu’on mélange les trois couleurs primaires et qui produit des teintes infinies. Un gris d’une beauté si pure qu’elle voulait en recouvrir la lune et le ciel et les étoiles pour qu’il se répande à son tour sur tout Paris.
Je me dis que tu aurais du en rester au thème de la peinture : là tu arrives vraiment à écrire des choses intéressantes, avec un rythme aussi plus progressif, moins dans l'énumération.
Du coup, j'ai eu l'impression, à la lecture, que tu n'arrives au vrai sujet de ton histoire qu'à la troisième partie. Il survole les parties précédentes, par exemple avec ce passage de la première partie :
En le lisant, j'ai regretté que tu ne rebondisses pas dessus dès la partie suivante. Les vrais enjeux du texte (ou en tout cas ceux qui m'ont le plus touché et qui te font écrire les passages les plus réussis) arrive trop tardivement. Il y a par exemple ce passage dans la quatrième partie :Et c’est peut-être pourquoi elle aima l’image qu’elle y découvrait d’elle, elle n’était pas encore ce qu’elle était, il y avait encore une place au rêve.
Chaque tableau qu’elle peignait découlait du précédent et pour comprendre cette créature qui partageait sa vie, il lui fallait percer chacune de ces toiles et comprendre ce qui, en elle, avait pu changer entre temps, car jamais elle ne se confiait vraiment à lui.
A le lire, je me dis qu'il aurait été parfait beaucoup plus tôt dans l'histoire. On aurait tout de suite compris les enjeux : le rapport de l'artiste à son oeuvre, le pouvoir de l'art.
L'épilogue, à cet égard, est assez flagrant : c'est pour moi le passage le plus réussi, parce que d'un seul coup, on a le sentiment que tu prends le risque de sortir du récit de vie linéaire pour faire une sorte de parenthèse qui aère le reste de l'histoire. Mais c'est déjà la fin...
Je dois dire qu'il m'arrive aussi d'être confronté à ce problème : j'écris un texte, et je me rends compte que le vrai sens du texte ne m'est apparu qu'à la fin, et qu'il y a tout un tas de paragraphes superflus. Un peu comme si le texte s'était écrit de lui-même et avait trouvé seul sa direction, après plusieurs "fausses pistes" et sans que je ne le prévois. Dans ce cas, j'essaye de faire remonter par "touches" les aspects qui m'ont finalement semblé important.
Voilà pour mes impressions de lecture. J'ai beaucoup aimé la façon dont tu parviens à laisser planer un fantastique juste par l'évocation d'un visage (qui n'est jamais vraiment décrit, mais dont on imagine pourtant très bien les traits!). C'est là un aspect réussi. A mon avis, évacuer un peu l'histoire des clichés et faire remonter certains questionnements permettrait de lui donner davantage de consistance.
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- Zarathoustra
- Auteur du sujet
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Je ne dirai pas que cela m’est indifférent, parce qu’il y a certainement autant de personnages masculins que féminins dans mes histoires, mais il est vrai que l’âme féminine m’attire peut-être un peu plus. J’aime explorer cet ailleurs parce que cela pousse également à mieux me comprendre en tant qu’homme et le regard que je peux porter sur elle. Et puis, il y a souvent ou certainement, un peu à la manière des metteurs en scène avec les actrices, une expression de mon propre désir. Du moins je suppose... Et je trouve qu'un personnage féminin offre plus de possibilités qu'un personnage masculin. Et je connais trop la mécanique des hommes...Je voulais savoir ce qu'il en était pour toi, si c'était un choix délibéré, ou si dans le fond le sexe de tes personnages était indifférent pour les choix d'écriture..
Tu as en partie raison. Mais on me reproche souvent de ne pas ancrer assez mes histoires dans un fond « réel » , tangible. D’autre part, au niveau de l’histoire de la peinture, cette époque est fondamentale dans la naissance de l’abstraction. Avant, il y avait cette quête d’être le plus réaliste. Avec l’arrivée de la photographie, la peinture s’est remis en cause et a exploré et expérimenté et, surtout, s’est posé la question de ce qu’elle était fondamentalement : à savoir un agencement de formes et de couleurs. Donc cette quête de l’abstraction (et de voir au-delà de la réalité des choses) est quand même un peu centrale dans l’histoire.Bref, j'ai l'impression que cet aspect du récit (l'inscription dans un moment historique) n'est pas très bien traité, qu'il a un côté un peu artificiel, un peu superficiel. Mes propres connaissances sur cette époque ont parfois fait écran et du coup j'ai repéré des invraisemblances ou curiosités qui ont gêné ma lecture.
Maintenant, le côté carte postale de l’époque est assumé. Je dirais qu’il s’agit presque plus de clins d’œil. En fait, j’avais regardé une série d’émissions très bien faite sur Arte qui s’appelait les Aventuriers de l’Art dont les deux premiers épisodes prenaient pieds à cette époque. Tu évoques cependant des incohérences. Pourtant, j’ai pris garde pour que cela ne soit normalement pas le cas (par exemple avec le Bauhaus et Paul Klee parce que moi-même je voyais ça bien plus tard). Normalement, les dates coïncident. Si tu as vu des anomalies alors signale-les-moi.
Pour ce qui est des clichés, je dirais aussi qu’ils sont là pour ne pas dépayser un lecteur, au contraire pour lui servir de repères pour me permettre de l’amener un peu plus loin. A la limite, c’est toujours le même thème : il y a la surface des choses et ce qu’il y a au-dessous ; il y a les clichés et le superficiel qui est là pour plaire (tout comme la peintre retouche son premier portrait avec des couleurs et un visage plus plaisant) et il y a ce qui doit bousculer ou déstabiliser et chercher le lecteur qui n’est pas aussi accessible.
Oui, tu as encore raison. Mais j’avoue ne pas avoir été capable d’imaginer autre chose. Ni ne l’avoir cherché. C'est un récit écrit presque d'une traite (même si morcelé compte tenu de la longueur). C'est peut-être cliché, mais c'est aussi certainement vrai. Cette scène n'a pas vraiment été travaillé parce qu'elle est en fait très accessoire. Le quignon est là pour le côté matérialiste des choses et montrer qu'elle a certainement faim... sauf qu'elle est une femme et que trouver de l'argent pour elle implique sans doute autre chose que pour un homme...Le quignon de pain me semble de trop. On a compris qu'on était dans un environnement bohème. OK. Le reste de ton texte était plutôt délicat et subtil dans la description des émotions, être aussi grossier en employant des lieux communs gâche un peu le plaisir.
Mon projet de départ était de faire un texte sur une femme dote d’un visage qui exprime la grossièreté et qui susciterait des pulsions érotiques très fortes mais dans le sens de vulgaire, alors qu’elle serait l’opposé tout au fond d’elle-même, avec une âme profondément artistique. J’avoue que j’ai été gêné de repartir dans ce type de rapport homme/femme parce que plusieurs de mes textes l’aborde déjà. Donc ici, je mets vraiment en scène cette dichotomie de son portrait. D’autre part, je doute qu’une femme à cette époque pouvait avoir une vie de bohème sans un mécène… qui finissait certainement dans son lit. Or cette femme n’a pas le physique d’une muse ou d’une déesse à qui on ferait des offrandes.J'en viens à ce qui m'a le plus posé problème : le contenu de la deuxième partie. En fait, je crois que je n'ai absolument pas compris pourquoi tu as intégré au milieu cette histoire d'amour vache et de femme battue qui, pour le coup, est vraiment traitée sur le mode du lieu commun. C'est d'autant plus dommage que dans les deux parties suivantes, tu reviens à ton vrai sujet, la peinture, le rapport à la beauté et à l'art, la capacité de l'art à évoquer le réel ou à aller au-delà du réel. Pour toi, quel est le sens de cette digression ?
Donc cette expérience traumatique justifie le côté loup-garrou du personnage, un loup-garrou inversé…qui n’est lui-même que pendant la nuit quand personne ne la regarde et qui serait victime plutôt que prédateur (en ce sens chaque homme serait dans les faits un loup garrou pour elle à cause de ce que suscite son visage en eux). D'ailleurs, même si je nel'ai pas fait consciemment, mais on peut comprendre que le loup-garrou n'est pas le peintre mais au contraire celui qui le regarde (donc dans mon texte, cela impliquerait que le lecteur est un loup-garrou, et ce serait typiquement le genre d'idées qu'il me plairait de retravailler dans mon texte ).
Enfin, cette partie crée aussi une certaine dynamique(même si assez cliché). Elle crée aussi une rupture, une sorte d’intrusion violente de la réalité dans cet ensemble de carte postale. Et on est dans une logique narrative et non introspective ou descriptive. Je ne dis pas que c’est l’idéal, mais dans ma tête, cette scène me parait aussi nécessaire pour l’équilibre du personnage. Et il s’agit d’un portrait, donc je pense nécessaire de donner des explications au comportement de mon personnage. Ce moment narratif explique le personnage bien mieux qu’une longue description. Accessoirement, je pense honnêtement aussi qu’historiquement, c’était le sort de beaucoup de femmes qui vivaient seules à Paris sans argent… Ce que je trouve effrayant. Une femme à cette époque (et encore largement aujourd'hui) n'a pas la même liberté de choix d'existence que les hommes et encore moins les mêmes facilités, au contraire, on leur mettait en plus des bâtons dans les roues....
Je crois qu’il y a plusieurs lecteurs. Vuld Eldone semble s’ennuyer quand je parle de peinture zt d'abstraction. Mon épouse s’attache plutôt à ce que vit et subit cette femme, et certainement moins à l’épilogue. Bref, j’ai essayé aussi que cette histoire puisse toucher le plus universellement possible les lecteurs. Et je dois t’avouer que l’histoire que j’avais en tête était dès le départ construite ainsi. C'est vraiment un récit et un plaisir d'écrire que je voulais tourner avant tout sur l'histoire.Je me dis que tu aurais dû en rester au thème de la peinture : là tu arrives vraiment à écrire des choses intéressantes, avec un rythme aussi plus progressif, moins dans l'énumération.
Du coup, j'ai eu l'impression, à la lecture, que tu n'arrives au vrai sujet de ton histoire qu'à la troisième partie. Il survole les parties précédentes
Je pense que c’est abordé dès la première partie, lorsqu’elle peint et qu’elle « maquille » son premier tableau pour plaire davantage (en transformant ainsi son propre visage). C’est déjà un rapport essentiel d’un peintre/écrivain avec celui qui va être confronté à ce travail. On est déjà dans le rapport de l'artiste avec son travail et la projection qu'il imagine sur sa perception par les autres. Mais il est possible que le lecteur ne voit pas à ce stade que c'est là que je veux aller... il est sans doute distrait par les enjeux narratifs. Et à la limite, si c'est l cas, je considérerais que c'est même un succès. Qu'on puisse relire l'histoire une seconde fois l'histoire en y prenant un autre plaisir parce qu'on y découvre d'autres choses me ferait grand plaisir. Il y a plein de choses à découvrir derrière la carte postale...En le lisant, j'ai regretté que tu ne rebondisses pas dessus dès la partie suivante. Les vrais enjeux du texte (ou en tout cas ceux qui m'ont le plus touché et qui te font écrire les passages les plus réussis) arrive trop tardivement.
A le lire, je me dis qu'il aurait été parfait beaucoup plus tôt dans l'histoire. On aurait tout de suite compris les enjeux : le rapport de l'artiste à son œuvre, le pouvoir de l'art.
J’avais ici tout en tête, les thèmes, mais effectivement je travaille souvent comme toi. Moi aussi je retouche régulièrement pour refaire sortir ce qui me parait parfois après coup plus important. Très peu ici. Le texte peut ici souffrir d’un trop grand nombre de thèmes. Mais pourtant, je pense que la plupart sont aussi l’illustration du principal fil rouge de l’ensemble : la surface des choses et ce qui se cache à l’intérieur, et comment trouver et comprendre la complexité de ce qui se cache sous la surface. Avec pour objectif final de comprendre cette femme de l’intérieur.Je dois dire qu'il m'arrive aussi d'être confronté à ce problème : j'écris un texte, et je me rends compte que le vrai sens du texte ne m'est apparu qu'à la fin, et qu'il y a tout un tas de paragraphes superflus. Un peu comme si le texte s'était écrit de lui-même et avait trouvé seul sa direction, après plusieurs "fausses pistes" et sans que je ne le prévois. Dans ce cas, j'essaye de faire remonter par "touches" les aspects qui m'ont finalement semblé important.
Le fait est que le texte est bien plus long que je ne l’avais imaginé. Il y a certainement des choses à couper. Mais pour l’instant, je le vois comme un vaste puzzle qui, au final, ne permet de donner pleinement tout ce que je voulais qu’avec chacune des pièces qui le constituent. J'ai vraiment eu l'impression d'écrire ce texte comme si je peignais moi-même une vaste toile qui ne livrerait son image qu'une fois terminée. Et que les petits détails ci et là a priori inutiles trouvent leur place dans cette vue d'ensemble. Et que le lecteur ne puisse à son tour compredre ce dont il s'agissait vraiment qu'une fois l'histoire terminée. C'était vraiment dans mes intentions de départ.Voilà pour mes impressions de lecture. J'ai beaucoup aimé la façon dont tu parviens à laisser planer un fantastique juste par l'évocation d'un visage (qui n'est jamais vraiment décrit, mais dont on imagine pourtant très bien les traits!). C'est là un aspect réussi. A mon avis, évacuer un peu l'histoire des clichés et faire remonter certains questionnements permettraient de lui donner davantage de consistance.
En tout cas, ta remarque sur ce que tu as ressenti sur ce visage me fait plaisir car c’est quand même l’essentiel. Peut-on arriver au même résultat en retranchant tout ce que toi et Vuld Eldone me dit ? Je ne sais pas. Parfois, cela recrée d’autres déséquilibres...
De toute façon, ce texte est, en soi, assez peu travaillé au vue de sa longueur. Il devait sortir comme ça et est sorti comme ça. C'est presque un premier jet, le travail a été d'organiser ce que j'avais écrit dans le désordre pour des raisons logistiques (et également d'alléger le plus possible mon style). Je n’arrive pas pour l’instant à le penser autrement. Mais clairement, j’aimerais moi aussi le réduire idéalement d’1/4. C'est aussi un texte où j'ai voulu simplement écrire une histoire qui me plaisait en prenant le temps nécessaire pour la raconter sans m'imposer de contrainte et telle que j'aurais, moi, eu envie de la lire.
D'après toi, quels sont les principaux défauts de mes histoires? J'ai l'impression qu'elles souffrent un peu toujours des mêmes défauts, alors que cette histoire, pour moi, est assez inhabituelle et j'avais espéré les avoir évités. Elle est simple, assez linéaire, et même si ce qu'il y a de crypter ne peut pas être vu par tout le monde, je voulais surtout pas basculer dans mon péché mignon de faire un truc trop lourdement intellectualisé comme je peux être tenté de le faire. J'ai vraiment laissé parler mes intuitions plutôt que mon cerveau.Bref, la routine qui fait qu'une histoire de Zara, malgré ses défauts, est toujours un bon moment
Pour le reste, tu trouveras aussi des réponses ou des éclairages dans ce que j'ai expliqué à notre renard... D'ailleurs, j'apprécie beaucoup que tu m'aies donné tes impressions sans avoir regardé nos échanges avant parce qu'il me donne une meilleure perception de ce que le lecteur peut ou pas ressentir.
Encore merci pour ce retour très éclairant.
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- Mr. Petch
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En fait, j’avais regardé une série d’émissions très bien faite sur Arte qui s’appelait les Aventuriers de l’Art dont les deux premiers épisodes prenaient pieds à cette époque. Tu évoques cependant des incohérences. Pourtant, j’ai pris garde pour que cela ne soit normalement pas le cas (par exemple avec le Bauhaus et Paul Klee parce que moi-même je voyais ça bien plus tard). Normalement, les dates coïncident. Si tu as vu des anomalies alors signale-les-moi.
Sur l'inscription historique, je t'avoue avoir été un peu dur dans mon commentaire. Et, comme tu le dis toi-même, avoir inscrit ton histoire au moment du passage à l'abstraction est décisif. Mais c'est justement là qu'il y a un hiatus : le contexte historique que tu choisis est celui de l'Ecole de Paris des années 1920-1930 qui, même si certains de ses membres ont touché à l'abstraction, se caractérise plutôt par ne permanence du figuratif. Et la plupart des peintres que tu cites sont des figuratifs (de fait, les années 30 voient un gros revival de la figuration). C'est là que se trouve le léger décalage, à mes yeux. Tu es globalement dans le bon moment historique (quoique une ou deux décennies trop tard) mais pas avec les bons acteurs. Il faudrait voir du côté des russes, des allemands (tu cites Klee, naturellement) et des futuristes italiens plutôt que des Français, je pense, pour qu'il y ait une vraie adéquation entre le thème et le contexte.
Ceci dit, à la rigueur je pinaille, et je ne crois pas que cette précision soit cruciale pour le lecteur...
Sur le chapitre 2, il y a cette question de ce que j'appelle "les clichés". Tu expliques le quignon de pain et, ensuite, le récit de femme battue, mais je ne suis pas convaincu par tes arguments de rapport au réel car ils ne me semblent pas résoudre la question de la facilité narrative.
A la limite je comprends plus l'argument :
Ce moment narratif explique le personnage bien mieux qu’une longue description.
Et là, je vois mieux ce que tu avais voulu faire. Mon souci principal (qui est lié à mon vécu de lecteur) est vraiment un problème de brouillage de cette image du personnage principal : le début du texte appelle un mystère, un personnage tout en nuances et en mystère. D'un seul coup, quand je lis "quignon de pain", le mystère s'évanouit au profit d'un stéréotype qui réduit le personnage à un état (la bohème parisienne) et m'empêche de le penser autrement. Idem pour tout le passage où elle tombe sous la coupe du type : ce n'était pas ce que j'attendais du personnage, et en un sens je suis presque déçu de voir qu'elle se prend à ce type de pièges. D'ailleurs, la résolution, avec les sbires de Modigliani, m'a bien plu, justement pour son côté imprévu, pour son effet de surprise. Tout ça pour te dire que mon problème (problème de lecteur, pas forcément du texte) est plus dans le décalage entre d'un côté la caractérisation subtile du début de chapitre (et des chapitres 3-4) et le choix d'utiliser un stéréotype (pour aller plus vite) dans la caractérisation du personnage. Je crois que j'aurais préféré une longue description.
En fait, tout le débat porte sur cette façon de représenter le réel. Tu dresses un lien direct entre l'usage de stéréotypes et le rapport au réel, comme si le "quignon de pain" était une sorte de "garantie de réel". J'ai le sentiment inverse : pour moi, les stéréotypes sont une vision réductrice du réel, qui est une somme de complexités. il y a davantage de réel dans la partie 4, où tu décris la vie de couple de Bartolomé et l'héroïne, de façon simple mais sans clichés. On quitte vraiment cette image du mécène-mentor et ça devient intéressant.
D'après toi, quels sont les principaux défauts de mes histoires? J'ai l'impression qu'elles souffrent un peu toujours des mêmes défauts, alors que cette histoire, pour moi, est assez inhabituelle et j'avais espéré les avoir évités. Elle est simple, assez linéaire, et même si ce qu'il y a de crypter ne peut pas être vu par tout le monde, je voulais surtout pas basculer dans mon péché mignon de faire un truc trop lourdement intellectualisé comme je peux être tenté de le faire. J'ai vraiment laissé parler mes intuitions plutôt que mon cerveau.
C'est amusant parce que, de mon point de vue, entre toi, moi et Vuld, tu es de loin celui qui écrit le plus "avec ses intuitions" et qui intellectualise le moins. Je ne crois pas que tes défauts soient là où tu le penses, au contraire : c'est bien ta capacité à retranscrire les émotions qui fonctionne le mieux.
Sur le texte lui-même, je trouve que ta gestion du "fantastique" est meilleure que dans d'autres portraits, comme "Le Professeur" et "La Sentinelle" parce que tu trouves un équilibre plus net entre réel et mystère. Dans cette série de portraits, j'ai l'impression que "la Folle" était de loin celui où tu poussais le plus le curseur de l'abstraction, justement, alors qu'avec ce "Loup-garou", la relation entre réel et abstrait est plus subtilement gérée.
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J'ai donc relu les commentaires de Vuld, et je trouve vraiment intéressant cette diversité de lecture. Le chapitre qui m'a le plus barbé est celui qui l'a le plus intéressé, et inversement. Quand tu lui expliques, à propos du changement de focalisation que :
Mais on est sur un texte sur la représentation du réel. Donc il m’est apparu logique qu’on passe du regard de celui qui crée à celui qui regarde.
Je te suis parfaitement : j'ai eu cette lecture là. L'impression que l'identité de l'héroïne ne prend vraiment forme que quand un autre la regarde depuis l'extérieur, et invite le lecteur à faire de même.
Je rejoins cependant Vuld sur un point :
Je me suis fait la réflexion, en voyant la petite partir dans l'abstrait, que l'écriture ne suivait pas. Qu'on avait toujours les mêmes phrases et le même rythme, la même description de son trait.
De ce point de vue, ton écriture ne décolle jamais complètement du réel. Ceci étant, je ne le vois pas forcément comme un défaut. En un sens, le décalage entre le type de peinture choisi par l'héroïne et le côté très terre à terre et ancré dans le concret de ton histoire est intéressant en lui-même, parce que cette abstraction (qui est aussi celle du visage), demeure en surplomb, dans l'imaginaire du lecteur.
Ces histoires de lectures différentes, ça me pousse à dire que, si ton texte génère des avis aussi divergents, c'est qu'il est réussi. Le but maintenant serait de parvenir à "lier" ces lectures différentes.
Si je devais résumer le débat à trois que nous menons sur ton texte, je crois qu'il a à voir avec la question, non pas du rapport au réel du texte mais du rapport au sens. Ainsi, je te rejoins quand tu objectes à Vuld qui tient absolument à coller un sens au texte :
Et après, tout l’essentiel n’est pas toujours de « comprendre » mais de « ressentir ».
C'est vrai que les textes du renard, tout hermétiques soient-ils, sont des textes qui existent parce qu'ils font sens, parfois parce que ce sens est caché. Les tiens sont souvent de ce registre et là, comme avec "la Folle" et, dans une moindre mesure "La Sentinelle", j'ai l'impression que tu t'essaies plus à coller une multiplicité de sens, à ne pas choisir, volontairement. L'explication est celle du lecteur, c'est le sens ton épilogue, me semble-t-il.
Et je rejoins ici ce que je disais sur "la complexité du réel" (et c'est aussi ce qui m'avait frappé dans la Sentinelle) : tu dresses un portait en soulignant à quel point (et dès le départ) le personnage n'est pas d'un bloc, qu'il est une suite de vécus. C'est tout l'inverse du "Professeur" qui commençait avec, d'emblée, une explication : "je suis professeur de physique" qui, consciemment ou non, invite à orienter la lecture du texte.
Dans tes réponses aux commentaires tu donnes toi-même un ou plusieurs sens au texte, mais je sens que tu es toi-même mal à l'aise avec cette idée d'abandonner complètement le sens du récit.
Comme quoi on en revient en partie à la problématique de l'abstraction.
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Je me rends compte que mes développements ne vont pas forcément t'aider à "savoir où couper". Mais je ne sais pas si la question est celle d'une réduction du texte où celle d'un lien à recréer entre les différentes parties, les différentes lectures. A lire les commentaires, je crois que ton objectif de faire ressortir dès le départ l'abstraction comme enjeu n'est pas assez clair, il y a peut-être là à creuser.
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- Zarathoustra
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Dans ma tête, ça se passerait autour de 1920 ou 1922, je ne sais pas si cela se sent. Tu évoques l'Ecole de Paris, alors qu'à cette époque, la peinture parisienne est un lieu multiculturel comme Paris l'aura rarement été. Une bonne partie des grand peintres étrangers (russes, italien, espagnole) vivent à Paris.Sur l'inscription historique, je t'avoue avoir été un peu dur dans mon commentaire. Et, comme tu le dis toi-même, avoir inscrit ton histoire au moment du passage à l'abstraction est décisif. Mais c'est justement là qu'il y a un hiatus : le contexte historique que tu choisis est celui de l'Ecole de Paris des années 1920-1930 qui, même si certains de ses membres ont touché à l'abstraction, se caractérise plutôt par ne permanence du figuratif.
En fait, je vois cette période comme un temps où la peinture sur Paris est dominée par le cubisme (en termes d’exploration, même si le Picasso et Braque sont déjà passé à autre chose, un cubisme on va dire devenu "académique")) et donc par une recherche concentrée sur les formes plutôt que sur la couleur. S’il s’agit d’une tendance qui parait « abstraite » pour beaucoup, mais elle reste en fait dans le figuratif et la réalité. Elle cherche même paradoxalement à reproduire à accéder à une autre réalité plus « réaliste ». Donc ma peintre est en double rupture avec le cubisme : d’abord, elle place la couleur en avant (comme Matisse) mais elle ose la rupture abstraite que Picasso ou Léger ne feront pas. Et en ce sens, elle se rapproche effectives des tendances allemandes et des russes de l’époque. En soi, mon texte n’est peut-être pas abstrait mais plus cubiste d’ailleurs (et c’est peut-être le reproche que vous me fait sur le plan du style qui n’accompagne pas cette recherche de l’abstraction).
D’ailleurs, j’ai vraiment l’impression que ce n’est pas le but de mon texte que de rechercher l’abstraction. Au contraire, c’est d’atteindre cette autre réalité. Et d’ailleurs, je l’écris même à plusieurs reprises. Bref, je ne veux surtout pas de cette abstraction mais qu’on voit une réalité qui aille au-delà des apparences. Je reste effectivement sur ce plan dans le réalisme… mais il s’agit d’un portrait. Donc la question du texte, c’est un peu de savoir comment faire un portrait qui montre ce qu’on ne peut pas voir… Et les émotions en font bien entendu partie.
Je comprends mieux ce qui te dérange. Et à dire vrai, j’étais pareil. Mon idée était de montrer l’insécurité matérielle de cette femme. Et que cette insécurité soit également financière et presque physique compte tenu de son visage. Donc ton commentaire m’a fait réfléchir et trouver des pistes. Il faut que ce quignon de pain ne soit pas rattacher à ta fameuse « bohème » mais comme un réel élément de précarité. Je ne veux pas du romantisme de cette bohème. Je veux que le lecteur se pose la question de ce qu’une femme de cette époque sans ressource financière a pu faire pour obtenir ce bout de pain. Encore une fois, la bohème vécu par des hommes n’a certainement pas grand-chose à voir avec celle de femmes. Première révision à faire.D'un seul coup, quand je lis "quignon de pain", le mystère s'évanouit au profit d'un stéréotype qui réduit le personnage à un état (la bohème parisienne) et m'empêche de le penser autrement. Idem pour tout le passage où elle tombe sous la coupe du type : ce n'était pas ce que j'attendais du personnage, et en un sens je suis presque déçu de voir qu'elle se prend à ce type de pièges.
Pour ce qui est de la relation avec l’homme, tu as raison, cela ne sert à rien qu’elle soit amoureuse ou dupe. Je dois la montrer plus calculatrice. Elle acceptera de se mettre avec cet homme par ce qu’il va palier à son insécurité. Avec son visage, elle sait qu’elle n’a pas grand-chose à attendre des hommes… Et là, elle s’interrogera juste sur le moment où ça se passera mal… Tout au plus je peux la faire douter de l’issu… Que son visage puisse ne pas susciter toujours de telles réactions de leur part… Sauf que… etc. Mais le rôle de l’amoureuse aveugle ne colle pas et devient trop caricatural, je suis d’accord. Et cette lutte contre l’insécurité sera d’autant plus tangible et prédominante à ce romantisme de la bohème que le lecteur d’aujourd’hui projette. 2eme révision à envisager...
Le Professeur fonctionne sur un autre registre que les autres car ici, je m’amuse avec le lecteur, je me moque de lui en lui mentant parfois (quand j’insiste que c’est important ou quand ça ne doit pas l’être) et lui disant toute la vérité quand il n’est pas en mesure de la comprendre (tout le début avec le métadiscours)… Donc « je suis un professeur de physique » fonctionne pour moi comme un piège, le lecteur se fait déjà un film et je m’amuse de ce fait avec le fait qu’il ne va pas voir le bon film… Pour moi, ce texte est très drôle mais se termine tragiquement et c’est sans doute cette dimension « tragique » qu’il échoue parce qu’il n’y a sans doute pas d’empathie avec mon personnage. Ce professeur n’est fondamentalement pas quelqu’un de très sympathique si on dépasse la subjectivité induite par le « je » et qu’on le regarde objectivement. Au contraire et d’ailleurs San l’avait bien senti…C'est tout l'inverse du "Professeur" qui commençait avec, d'emblée, une explication : "je suis professeur de physique" qui, consciemment ou non, invite à orienter la lecture du texte.
Les autres portraits ne jouent pas avec le lecteur en se moquant de lui. Il y a plus une recherche de complicité avec lui. Pour ma part, je pense que Le Professeur fait partie de mes meilleurs textes. En tout cas, c'est un de mes tout préférés. J'aime la multiplicité des lectures qu'il propose (y compris sur et pour moi).
A dire vrai, je ne comprends pas bien ta phrase. En fait, en écrivant, j’avais l’intuition que les thèmes que je voulais aborder se fondaient et que l’intrigue les développaient en les unifiant de manière surprenante. Parfois, un raisonnement complexe se passe dans nos têtes sans qu’on ait besoin de le décomposer. Et si je suis cérébrale c’est ici, je n’arrive pas à faire un truc simple, il y a soit des choses très tordues, soit je mets beaucoup (trop) de choses de manière à ce qu’on puisse relire en y trouvant un peu plus que la première fois. Parfois aussi trop de personnages Dans tes réponses aux commentaires tu donnes toi-même un ou plusieurs sens au texte, mais je sens que tu es toi-même mal à l'aise avec cette idée d'abandonner complètement le sens du récit.
L’un de mes axes de progrès seraient peut-être de faire plus de choix sur les thèmes quand je fais un texte. Ici, il y a la place de la femme dans la société, sa relation avec les hommes (et la façon dont ils la dominent et l’exploitent), l’influence des émotions sur notre perception, le travail d’écriture avec la relation avec le lecteur, la recherche d’une réalité qui dépasse les apparences, la compréhension des enjeux de l’abstraction, le rôle du regard des autres (y compris du lecteur), le thème du fantastique (vs la réalité) etc. Ca fait sans doute beaucoup ^-^ Et c’est pourquoi j’ai du mal à couper. Mais encore une fois, j’ai vraiment le sentiment qu’ils sont liés et me permettent de peindre la toile que j’avais en tête. J’ai l’impression d’avoir besoin de tous ces ingrédients pour que mon portrait aboutisse à ce que je veux obtenir… C’est sans doute là où je me trompe… Mais le portrait de cette femme aurait-il été aussi complet et riche?
J’ai le souvenir des textes de Molière (comme l’Avare) où les interprétations foisonnent y compris pour développer tout et son contraire. Je ne dis pas que c’est le cas ici à ce point, mais ça me plaisait d’écrire en voyant que le sens pouvait être ouvert à plusieurs interprétations, à plusieurs strates de thèmes, à plusieurs sensibilités de lecteurs (mon épouse, San, Vuld ou toi fonctionnez tous très différemment et recherchez tous des choses différentes, sachant que mon fonctionnement personnel et ma sensibilité sont plus proches de toi, mais il n’empêche que je cherche de mon mieux à ce que le texte fonctionne pour tous les quatre).
Si tu as l’impression que je ne veux pas choisir, c’est aussi parce que je veux que ce soit le boulot du lecteur. Le mien est de lui proposer quelque chose qu’il doit creuser un peu pour trouver sa réponse (et si possible accessible à lui quelle que soit sa sensibilité même si ce ne sera pas la même chose pour tous).
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- Mr. Petch
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Ma phrase était "je sens que tu es toi-même mal à l'aise avec cette idée d'abandonner complètement le sens du récit". Elle venait de ta remarque à propos des "défauts" de tes textes et de l'intellectualisation. Ce que j'ai apprécié dans Loup-Garou (et qui me fait moins aimé Le Professeur), c'est que tu acceptes une part d'inattendu dans le scénario. En d'autres termes, tu acceptes d'ouvrir simultanément plusieurs pistes sur le sens à donner à l'histoire. C'était aussi le cas avec La Sentinelle, mais je trouve qu'ici tu y arrives mieux. Ce que j'appelle "abandonner le sens du récit" rejoins ce que tu dis toi-même à la fin de ton post : accepter qu'une part du sens est donné par le lecteur. Simplement, il y a deux façons d'aboutir à ce résultat : soit calculer ces interprétations multiples et écrire en conséquence, soit laisser soi-même libre cours à des intrigues secondaires naissant sous la plume. Tu vas en partie dans cette seconde direction, mais j'ai l'impression que tu ne l'assumes pas jusqu'au bout.A dire vrai, je ne comprends pas bien ta phrase.
Dis-moi si c'est plus clair. Mais il me semble que, même s'il reste classique par bien des aspects, ce portrait est, sur le plan du scénario, plutôt expérimental.
Du coup, quand tu ajoutes ;
L’un de mes axes de progrès seraient peut-être de faire plus de choix sur les thèmes quand je fais un texte.
Je m'interroge. Oui et non. Oui parce qu'il faut un fil conducteur, est que l'un des défauts de La Sentinelle était que le fil conducteur était trop tenu pour maintenir toutes les intrigues. Non car je reste convaincu que, si tu dois déployer des efforts de révision, il faut qu'ils aillent plus dans le sens de "lier ensemble des intrigues différentes" que "choisir quelle intrigue privilégier". Tu le dis toi-même :
Mais le portrait de cette femme aurait-il été aussi complet et riche?
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- Zarathoustra
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Dis-moi si c'est plus clair. Mais il me semble que, même s'il reste classique par bien des aspects, ce portrait est, sur le plan du scénario, plutôt expérimental.
Oui, c’est plus clair. Mais c’est bizarre que tu aies cette perception expérimentale du Loup Garrou parce que, sur certains points, c’est au contraire un récit à l’ancienne. Il y avait longtemps que je n’avais pas écrit en sachant où j’allais de manière si précise. Je pense aussi que, des trois derniers portraits, c’est le seul qui ne soit pas à la première personne. Donc la part romancé est beaucoup plus lisible (et bien plus simple à écrire, même si, du coup, ça m’oblige à m’attarder sur des points que j’aurai dans les autres cas considérés comme secondaire). Au niveau du scénario, c’est bien le Professeur qui est le plus improvisé. Toute la partie qui déroule le fil est improvisé, je ne savais même pas que je retournerai au point de départ. J’ai écrit comme le vit le lecteur car moi aussi je me voyais rembobiner mon fil…
Le plus expérimental en termes de scénario a certainement été La Sentinelle. Et cela se sent un peu. Des trois, c’est celui où je vois mes erreurs et les pistes de corrections (que j’ai d’ailleurs entamées). Le Loup-Garrou, c’est plus que je me suis autorisé à développer davantage les choses, sans me soucier de la longueur (parce que je savais où j’allais et pourquoi j’y allais). Même si tout n’était pas planifié, j’avais le résultat du tableau final dans ma tête et je savais que je pouvais compléter ou étirer une scène parce que je voyais sa place de manière intuitive. CA vous est déjà arrivé ?
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