file Chant des Pierres (le) - Chapitre 10 et fin- Le Chant du Néant

Plus d'informations
il y a 7 ans 8 mois #21093 par Zarathoustra

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 8 mois - il y a 7 ans 8 mois #21094 par Zarathoustra
Voilà, ce récit est fini.
C'est la seconde fois que je parviens à finir un long récit. Il y a pour ma part autant de satisfaction que de frustration. Dans ma tête, il ne l'est pas parce que j'ai écrit les 5 premiers chapitres au fil de l'eau en laissant venir les choses à moi. J'avais juste un fin. Au départ, je ne pensais pas que des personnages comme Lonstroek et Ilda allaient avoir une telle place...
Bref, tous les premiers chapitres serait à reprendre pour les rendre plus cohérents avec les 5 derniers. Mon style a certainement changé aussi en route car il s'est écoulé 8 ou 10 ans entre mes deux étapes d'écritures...

Pour revenir sur ce chapitre, il a vraiment été écrit dans la continuité du chapitre 9. Une fois de plus, j'ai scindé en 2 le chapitre pour des facilités de lecture. C'est une sorte d'épilogue qui raconte ce qu'on aurait pu raconter, dans la mesure où le chapitre 9- serait en quelque sorte la fin de l'histoire, dans le sens de vrai dénouement.
Dans la mesure où les 5 derniers chapitres ont été écrits avec une trame cette fois-ci plus arrêtée, je les ai un peu écrit en me disant que j'allais finir tout ça en 2 chapitres. Ce que je n'arrive pas vraiment à comprendre, c'est comment j'ai fait pour finir par en avoir 5 nouveaux et aussi long... Je me dis que j'ai forcément rallongé la sauce, que j'ai écrit des choses inutiles. Et en même temps, il y a une ou deux scènes où j'ai eu l'impression de survoler ce que j'aurais pu écrire (notamment autour de la prise de Valdec et des scènes avec les enfants).
Il y a aussi l'impression pour moi que je ne pouvais pas laisser mes personnages avec si peu de mots. Il faut parfois beaucoup de mots pour atteindre un point d'équilibre. J'ignore si j'y suis parvenu mais, globalement, ce chapitre avec le précédent me satisfont plus que les chapitre 6, 7 et 8.

Le défi de ce dernier chapitre est de continuer à capter l'attention alors que les moteurs narratifs sont normalement épuisés. En soi, ce chapitre ne raconte rien. On pourrait le résumer en quelques lignes. On pourrait même supprimer la partie qui concerne Lonstroek. On pourrait tout supprimer. Cependant, j'ai l'impression qu'il contient une autre nécessité. On va dire qu'il s'agit de choses "immatérielles", une forme de questionnement ouvert.
Le paradoxe, c'est que j'ai l'impression d'être plus dans le coeur de mon histoire. Une histoire au final un peu écrite avec du néant... Comme si pendant 10 chapitres je n'avais rien écrit de nécessaire, sauf de permettre d'écrire ce chapitre 10, cet épilogue où je dis adieu à mes personnages.
On va dire que la seule chose qui m'importerait ici, c'est que le lecteur ait un peu envie d'imaginer cette vie qui les attend, qu'il se fasse désormais sa petite histoire sans moi. Qu'il envisage ce monde qui les attend sans moi. Moi, j'ai envie de foutre la paix à mes personnages parce qu'ils l'auront bien mérité.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois #21111 par Vuld Edone
Je... n'aime pas cette fin.

Le dernier chapitre tire en longueur, à la manière dont se conclut le SdA. L'histoire des enfants fait penser au retour dans la Comté. L'acte de Lonstroek est presque comique, sorti un peu de nulle part pour le drama dans les circonstances les plus improbables.
Mais le moment où le texte tire vraiment en longueur, c'est quand Reyv'avih passe des paragraphes à attendre que les gens débarquent. Nous on sait, lui ne sait pas, il n'y a aucune tension et on attend juste que ça se termine. L'échange avec Vyréhel sonne creux et je me demandais juste quand arrivait le point final.

Et de fait, il n'y a pas vraiment de conclusion. Il y a le monolithe, seul, qui me fait penser au renard et son harnais, et il y a un abandon à peu près complet du peuple.
Le plus dérangeant reste le 180° de Vyréhel, en quelques paragraphes. Sur le fond on peut comprendre sa décision : son amant l'a abandonnée, sa soeur la dédaignait, elle n'a pas exactement d'attaches. Et sûrement que du temps est passé dans l'histoire, mais pas dans le texte, et ça reste l'assassin de sa soeur et de son peuple.
Le peuple aussi est... euh intéressant. On dirait qu'une fois arrivés sur l'île ils laissent tomber, ils se fichent de tout et ils se laissent aller. Pas un seul pour essayer quoi que ce soit, ou se révolter, ou donner une direction, juste, on est là donc on vit et pis baste.

Tout cela est vaguement inutile parce qu'à mes yeux ça ne rajoute rien. Tout aurait pu être expédié en une phrase ou un paragraphe. J'exagère un peu mais quand même, l'impression finale est "c'était long pour rien", après le chapitre 9 celui-ci déçoit.
D'autant plus avec cette dernière phrase, là où tous les personnages laissent tomber, qui est quasiment vulpienne à dire "eh, t'as manqué quelque chose".

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois - il y a 7 ans 7 mois #21115 par Zarathoustra
Avant d'échanger sur le fond, j'aimerai bien comprendre deux ou tris choses.

L'histoire des enfants fait penser au retour dans la Comté

Tu as quand même compris que la fin était plus que ambigu sur le bonheur qui se pointait à l'hizon? Les enfants préparent de possibles nouvelles guerres. Vyrhéel n'aime pas Reyv'avih. Et il est fort probable que le Temple ne soit jamais construit?

L'acte de Lonstroek est presque comique, sorti un peu de nulle part pour le drama dans les circonstances les plus improbables.

Là, je ne te suis pas. CA fait plusieurs chapitre qu'il est plus que mal dans ses baskets. Et il a horreur de lui-même. Je vois pas comment il ne pouvait pas finir comme ça. Tu as juste à reprendre ce qu'il ne cesse de ressasser depuis plus de 10/20 pages. Pour les circonstances improbables. Tu as sans doute raison si on considère qu'il ne tient pas de debout. Pour le reste, c'est quand même pas l'opération la plus complexe à faire. Bref, je veux bien comprendre ta vision sur "sorti de nulle part" et "improbable". Explique-moi.:huh:

Le plus dérangeant reste le 180° de Vyréhel, en quelques paragraphes.Sur le fond on peut comprendre sa décision : son amant l'a abandonnée, sa soeur la dédaignait, elle n'a pas exactement d'attaches. Et sûrement que du temps est passé dans l'histoire, mais pas dans le texte, et ça reste l'assassin de sa soeur et de son peuple.

Par assassin de sa soeur et de son peuple, tu parles de qui? Vyréhel? Lonstroek ou Reyv'avih? Si c'est à propos de Reyv'avih, ce n'est pas l'assassin de seour, c'est Lonstroek. Lui n'a que lacéré la dépouille (ce qui en soi n'est une maigre affaire je te l'accorde). Et je crois lui faire dire à Lonstroek qu'elle voit la fin tragique comme une sorte de destinée et qu'elle ne rend personne responsable si ce n'est que les seuls eldreds..
Pour ce qui est des émotions de la jeune femme, je ne suis peut-être pas assez clair. Pour l'heure, elle ne l'aime pas. Vyrhéel n'est pas un morceau bloc fait uniquement de bonté. Elle est depuis le début assez ambiguë. C'est une femme qui a vécu dans la peur des hommes et surtout sans aucun père (ou alors présenté comme un monstre) et elle a vu mourir ses frères dans les combats. A chaque fois, elle recherche à se protéger d'eux en cherchant justement la protection du "male dominant". D'abord Lonstroek (qu'elle aime cependant véritablement). Mais elle ose quand même tenter un homme qui vient de perdre sa femme comme si elle cherchait à le voler à sa sœur, ce n'est pas quand même une chose forcément sympathique. Et la scène finale, elle s'entoure du bras de Reyv'avih, parce que elle sait qu'avoir un homme dans ce monde ne sera pas chose facile; C'est une sorte d'instinct de survie qui se met en oeuvre ici pour elle et son enfant. En l'état actuel, ce n'est en rien une idylle amoureuse à mes yeux. Bref, derrière sa force de caractère et sa volonté de faire de grandes choses, c'est un petit bout de femme qui a ses démons qui peuvent la rendre également un peu antipathique. Le personnage a été créé comme ça pour ma part.
Bref, j'ignore si ta gêne à son égard tient à ça parce que tu aurais eu envie qu'elle soit l'ange parfait qu'on attend habituellement dans une telle histoire.

Tout cela est vaguement inutile parce qu'à mes yeux ça ne rajoute rien. Tout aurait pu être expédié en une phrase ou un paragraphe. J'exagère un peu mais quand même, l'impression finale est "c'était long pour rien", après le chapitre 9 celui-ci déçoit.

Je ne te cache pas que j'ai eu un peu cette crainte en écrivant toutes ces pages. Comme je le dis en introduction,
j'ai été un peu gêné de me dire que mon chapitre 9 finissent par faire deux chapitre. Mais j'ai eu besoin de toutes ces pages pour dire adieu à mes personnages. Peut-être que cela aurait pu être plus court. Peut-qu'il aurait fallu trouver une autre idée forte pour justifier en quelque sorte ce chapitre. Mais je n'ai justement pas voulu d'intrigue parce que je voulais qu'ils puissent vivre, respirer et non être à nouveau emporter par l'histoire. Et ces pages sont là pour essayer de faire comprendre un message au lecteur par rapport à notre propre monde.

Et de fait, il n'y a pas vraiment de conclusion. Il y a le monolithe, seul, qui me fait penser au renard et son harnais, et il y a un abandon à peu près complet du peuple

J'ai essayé de faire une fin qui se situe dans la tête du lecteur. J'aimerais que'il imagine le monde qui les attend et que les yhlaks vont chercher à construire. Un autre monde dans lequel il y ait de l'espoir et une vraie fraternité des peuples, même s'il reste maigre. Et là, si tu veux, on peut discuter de notre propre monde. C'est en ça que je vois ce texte politique: si toi, tu devais bâtir un monde meilleure qui ne permettrait pas à l'Histoire de se répéter, comment ferais-tu? C'est ça ma conclusion. Quant au monolithe, quel peut être son rôle? C'est effectivement très ouvert, sans doute qu'on peut y mettre tout ce qu'on veut et que ça puisse agacer, mais si son message est "Sauve-moi!", comment le ressens-tu à cet instant?
Mon histoire est quand fortement inspirée de l’histoire des juifs en Europe. J'espère ne pas te surprendre en le disant. Ces dernières pages inutiles le sont si on ne se projette pas un peu sur le monde actuel dans lequel on vit. J'aimerai vraiment qu'à la fin, on se sente face à ça et qu'on s'interroge sur les moyens de le changer et sur ce qu'on attendrait de lui pour ne plus laisser l'Histoire se répéter... Nous sommes à un moment clé de l'histoire de l'humanité, de grande choses se préparent et d'autres terribles, que pouvons-nous faire face à elles pour éviter le pire? Le texte ne contient pas la réponse, elle est dans ta tête, et il cherche juste à te le faire comprendre.
Maintenant que je t'ai donné mes intentions, comment faire pour que ça passe mieux? Mais je ne peux pas prendre le lecteur par la main ici. Je dirai que s'il manque le coche, peut-être est-ce de ma faute? Ou peut-être est-ce de la sienne parce qu'il ne veut pas voir le monde tel qu'il est ni le changer? Je te dirai que le mot de la fin sur le mantra dit presque ça: démerde de toi! :laugh: Ou plus élégamment, "prends-toi en main!".
Bref, je me doute que le lecteur n'y trouve pas son compte, mais ça fait partie de ma volonté de l'obliger à réfléchir. J'ignore si le texte va assez loin dans ce sens. Peut-être est-ce trop abstrait de ma part... Mais je vois dans sa frustration un éventuel levier à chercher à aller plus loin.Peut-être que je me trompe... Si le lecteur a un peu de sympathie pour les yhlaks, je me dis qu'il pourra être tenté à cet instant, quand surgit la fin, de leur construire ce monde meilleur dans sa tête pour le leur offrir?

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois #21117 par Vuld Edone
Je parle du retour dans la Comté pas pour le côté heureux mais pour le côté superflu. On sait dès la fin du rituel à peu près ce qui attend les Yhlaks, et tout le chapitre dix ne fait que ressasser ce à quoi on s'attendait.
Mais si on parle du côté bonheur petite fleur, on dirait que l'univers tout entier veut s'excuser auprès des Yhlaks passé le rituel. Même Gisère se met à pleurer en plein rituel, mais c'est Gisère... La narration donne vraiment l'impression de blocs, "maintenant il faut ressentir ceci, maintenant il faut ressentir ceci" où la nuance n'est pas vraiment permise.

Concernant Lonstroek, tu as déjà expliqué les circonstances : se pendre de nuit bourré ce sont déjà de sacrées circonstances. Le côté comique vient surtout du fait que c'est la seconde fois qu'il est pendu, et c'est encore pire quand on pense qu'il n'a servi à rien entre les deux pendaisons.
C'est comme si le personnage faisait "ah bon ben on n'a plus besoin de moi ? Bon ben je retourne où j'étais hein."
Le nulle part revient à ces "blocs sentimentaux" que tu construis. Dès que quelque chose arrive, tes personnages sont tous capables d'un 180°. Reyv'avih se découvre soudain tendre, Lonstroek se découvre soudain désespéré, Vyréhel... jesémèmpa.
Avant le rituel, Lonstroek est sûr d'être utile, content de tout, fier de ce qu'il voit. Soudain on lui annonce le rituel et paf, il se suicide. Bon d'accord il est triste -- et on se suicide pour moins que ça -- mais enfin il est sérieux ? On se suicide quand on ne se voit plus d'avenir, pas quand on est triste. C'est quoi la logique de Lonstroek...

Et c'est un peu la même chose pour Vyréhel. La compétition doit effectivement être rude pour qu'elle se tourne vers Reyv'avih. Honnêtement je ne suis même pas sûr de savoir pourquoi les Yhlaks ne l'ont pas tué. Okkor est vraiment miséricordieux.
Quand tu te dis que Lonstroek s'est tué de désespoir, que des familles ont été décimées et j'en passe, mais j'aurais enterré Reyv'avih sur la plage et laissé l'eau monter.
M'enfin je ne suis pas un Yhlak et visiblement ceux-ci sont prêts à prendre tout ce qui se présente.

Enfin, concernant la vision du lecteur...
Quand je lis un texte qui me plait, j'aurai ce réflexe d'imaginer -- ça doit se voir dans mes commentaires -- comment moi j'aurais fait. À l'écriture. Et donc, j'envisage les possibilités.
De fait, il n'y a pas beaucoup d'options : soit ils restent au nord, soit ils partent. Dès qu'ils partent, tout est scellé. Il y a la question plus large du "qu'est-ce qu'ils deviennent" et ma réponse est "rien". L'Eldred est visiblement pas fichu d'intégrer les peuples (les romains étaient bien meilleurs à ça) et les Yhlaks sont sur une île, c'est comme s'interroger sur le sort de Taïwan.

Je n'ai à dire vrai fait aucun rapprochement avec les juifs, et j'aurais encore du mal à le faire même après qu'on me l'ai dit.
Je ne sais pas dans quelles circonstances Lisonge est tombée, pourquoi il y a eu la guerre et comment le peuple s'est retrouvé tout au nord. Je sais par contre que les Yhlaks ont voulu reprendre Lisonge par les armes, ce qui ne fait pas d'eux les gentils. Et à y réfléchir, à l'instant où on introduit la géopolitique : pourquoi ne pas avoir simplement négocié avec l'Eldred ? Je veux dire, Lisonge est vide, personne n'y vit, donne-leur l'île en échange de leur loyauté -- intégration -- et fin de l'histoire.
Au final, et pour en rester au seul texte, je ne sais vraiment pas où on est allé. Certes on est allé d'un point A à un point B, c'est indéniable, mais les seuls changements sont le lieu et le rapport à Okkor. Autrement rien n'a vraiment changé. Ce n'est pas comme si les enfants voulaient déjà taper sur de l'Eldred avant le retour à Lisonge.

Qu'est-ce que Reyv'avih a appris ? Rien. Il était doux au départ, se sentait imposteur. Il entend le message, devient belliqueux, redevient doux et se sent un imposteur.
Qu'est-ce que Vyréhel a appris ? Euh, rien. Même une fois sortie de l'ombre et devenue cheffe des Yhlaks de facto elle veut retourner à sa "nature première".
Qu'est-ce que Lonstroek a appris ? Qu'il était un mauvais chef, bon d'accord, y a au moins un personnage qui a évolué.
Qu'est-ce que les Yhlaks ont appris ? Rien. Ils s'étaient résignés, le Devin les emporte, une fois arrivés et meurtris ils se résignent à nouveau.

Il y a un côté cyclique qui rend absurde, futile la presque totalité de ce qui s'est passé. Lisonge a peut-être un meilleur climat mais c'est bien tout. J'ai l'impression d'une morale à la Candide, "bêche ton jardin". Une sorte de "rien n'a de sens, n'en cherche pas".
Et je reviens sur le suicide de Lonstroek : on ne se suicide pas quand on est triste mais quand on ne se voit plus d'avenir. Quand toutes les portes sont fermées, qu'on ne sait plus où aller. Et là... où vont les Yhlaks ? Qu'est-ce qu'ils veulent, qu'est-ce qu'ils font ? Reyv'avih s'en fiche, Vyréhel ne pense qu'à son enfant et le reste du peuple semble incapable de décider par lui-même. Si on se demande pourquoi les enfants affûtent leurs épées, je dirais que c'est ça la cause. Les enfants n'aiment pas la passivité.

De toute manière même s'ils ne voulaient pas faire la guerre à l'Eldred, l'Eldred se dirige vers la guerre perpétuelle, et il y a fort à douter que Lisonge y échappe.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois - il y a 7 ans 7 mois #21118 par Zarathoustra
Non, Lonstroek n'est pas triste. Pas du tout. Il se dégoutte (et c'est dit littéralement, et à plusieurs reprises et en expliquant les raisons). C'est pas du tout le même chose. Et ça, c'est une bonne raison. Accessoirement, un homme ivre serait certainement plus enclin à commettre un tel geste car l'alcool ôte l'inhibition (et te fait faire ds choses certainement encore plus ridicule que ça; et c'est bien pourquoi on boit pour se donner du courage ou faire des choses difficiles). Donc mise à part le fait qu'on le quitte incapable de se tenir debout, je ne pense pas que ce soit illogique.

Mais si on parle du côté bonheur petite fleur, on dirait que l'univers tout entier veut s'excuser auprès des Yhlaks passé le rituel.

Plusieurs raisons peuvent faire penser aux juifs. Comme eux, il 's'agit d'un peuple chassé de leurs terres. Et comme eux, on veut les exterminer avec une solution finale massive (même si le rituel a aussi un côté Hiroshima, mais c'est bien aujourd'hui la crainte qu'on a avec la bombe nucléaire, qu'un fou s'en empare et fasse la même chose que mon rituel). Et comme pour eux, la mauvaise conscience du monde leur vaut de la sympathie. Après, d'accord,faut pas chercher à lire une métaphore intégrale, comme peut l'être La Peste de Camus.
Pour l'anecdote, les juifs ne sont pas non plus particulièrement pacifistes, mais ça, cela n'a aucun rapport direct avec notre propos...
Enfin le peuple allemand (je ne parle pas des nazis qui n'ont rien à voir) a vécu dans la culpabilité de l'holocauste et continue d'ailleurs souvent. Toute comme la communauté internationnale qui a su et qui n'a pas voulu voir ou agir. Donc je ne vois pas pourquoi les eldreds seraient différents. C'est totalement humain. Et c'est encore une fois plus passionnant que de faire un peuple monolithique qui ressemble à une fonction programmée d'ordinateur. Avant d'être des eldreds, ils sont des hommes ou des femmes, des pères ou des mères etc. C'st ce qui rapprochera toujours l'humanité. Et la pire ordure peut être un bon parent. Cette complexité de l'être me passionne.

De fait, il n'y a pas beaucoup d'options : soit ils restent au nord, soit ils partent. Dès qu'ils partent, tout est scellé. Il y a la question plus large du "qu'est-ce qu'ils deviennent" et ma réponse est "rien". L'Eldred est visiblement pas fichu d'intégrer les peuples (les romains étaient bien meilleurs à ça) et les Yhlaks sont sur une île, c'est comme s'interroger sur le sort de Taïwan.

La réflexion que j'aurais voulu stimuler n'est pas de cet ordre. Ils ont la Lisonge, donc la question n'est pas qu'ils la quittent. Mais maintenant qu'ils ont leurs terres, quel monde vont-ils bâtir? Il y a longtemps j'avais lu Maiakovski, un poète russe, pro-révolutionnaire. Il y avait dans ses écrits cette idée que le monde pouvait devenir meilleur et que le communisme allait apporter le bonheur (on ne le saura jamais d'ailleurs car, sans être très calé sur la question, je pense que la cause a été dévoyée, comme beaucoup de cause et de lutte en leur nom). L'idée communiste n'est pas ma définition du bonheur, mais l'idée qu'à un moment clé de l'histoire ont puisse avoir la main sur ce que peut devenir le monde m'attire beaucoup. Sauf que je suis plus un idéaliste résigné qu'un idéaliste exalté...

Qu'est-ce que Reyv'avih a appris ? Rien. Il était doux au départ, se sentait imposteur. Il entend le message, devient belliqueux, redevient doux et se sent un imposteur.
Qu'est-ce que Vyréhel a appris ? Euh, rien. Même une fois sortie de l'ombre et devenue cheffe des Yhlaks de facto elle veut retourner à sa "nature première".
Qu'est-ce que Lonstroek a appris ? Qu'il était un mauvais chef, bon d'accord, y a au moins un personnage qui a évolué.
Qu'est-ce que les Yhlaks ont appris ? Rien. Ils s'étaient résignés, le Devin les emporte, une fois arrivés et meurtris ils se résignent à nouveau.

Ton raisonnement se tient. Je ne dis pas que c'est le point que j'ai le plus réussi, comme tu l'as dit dans l’édito pour faite de temps (et d'envie). Mais même si un personnage part du point A pour finir par revenir sur A, contrairement à ce que tu laisses penser, il n'est pas le même...
Je ne vois pas mes personnages de la même façon entre le début de l'histoire et la fin. Et s'ils ne changent pas fondamentalement, c'est aussi parce qu'ils sont humains et qu'on ne change pas sa nature profonde. On a tous un moteur, une dimension hard core, tu peux changer beaucoup de choses en toi, mais jamais celle-ci. C'est ton ADN. Évoluer, c'est plus empiler les choses et apprendre les nuances de ce qu'on est. Toi même, tu ne deviendras sans doute jamais un grand sentimentaliste. Moi-même, j'aurais toujours du mal à plonger dans le réel et la matière. ou le concret. Ou peut y travailler, tenter d’appendre, mais on est à un moment trop bâti sur certains principes qu'on ne peut pas nier 100% de ce qu'on est (ou gare à le dégringolade et la grosse baffe).
Donc mes personnages restent fidèles à ce qu'ils sont. Et c'est très bien. Mais leur regard a changé. Pour le reste, d'accord avec toi que certains ballottements psychologiques font un peu trop tanguer leurs émotions... Mais ton argumentation frôle ici la mauvaise foi (et tu le sais très bien).;)

Maintenant qu'on a dit ça (je ne pense pas te convaincre pour autant, je m'en doute bien), maintenant que tu sais la raison de ce chapitre 10, au delà de savoir si j'atteint mon but ou pas, comprends-tu pourquoi il doit exister et son importance? Et toujours sachant ce que je voulais obtenir, comment, toi, tu aurais procédé (en admettant si possible que tu t'emploies à utiliser tes personnages)? Tu avais dernièrement, me semble-t-il, un peu d'empathie pour les yhlaks. Ça veut dire que les quelques pages du chapitre te l'on retirée et que tu n'as aucune envie de les voir trouver le bonheur?

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois #21120 par Vuld Edone

Enfin le peuple allemand (je ne parle pas des nazis qui n'ont rien à voir) a vécu dans la culpabilité de l'holocauste et continue d'ailleurs souvent. Toute comme la communauté internationnale qui a su et qui n'a pas voulu voir ou agir. Donc je ne vois pas pourquoi les eldreds seraient différents. C'est totalement humain. Et c'est encore une fois plus passionnant que de faire un peuple monolithique qui ressemble à une fonction programmée d'ordinateur. Avant d'être des eldreds, ils sont des hommes ou des femmes, des pères ou des mères etc. C'st ce qui rapprochera toujours l'humanité. Et la pire ordure peut être un bon parent. Cette complexité de l'être me passionne.

Je suis obligé de m'arrêter là parce que c'est important, et qu'il faut revenir sur le "bloc monolithique".

À quel moment dans un texte peut-on dire que tel personnage est "monolithique" ? (En traitant le groupe comme un personnage.)

Il faut déjà s'entendre sur l'activité :
Prenons Jean-Charles qui regarde la télévision. Il peut se lever, aller chercher une bière et retourner s'asseoir : il ne sera pas actif pour autant. C'est un geste stéréotypique, sans la moindre signification. Le même Jean-Charles qui change de chaîne parce que le présentateur a mentionné Pneuneuf SA n'est toujours pas actif : cette fois le geste est significatif -- pertinent -- mais Jean-Charles se contente de réagir. Quelqu'un d'autre lui a fait faire ce geste.
L'activité, c'est Jean-Charles qui se lève, saisit sa veste, se jette dans sa voiture, roule sur la station radio, surgit dans le studio et crie "MARCEEEEEL !" C'est... euh... mais c'est une activité. L'activité, c'est quand le personnage passe d'outil à acteur.

Il faut aussi s'entendre sur la personnalité :
On peut réduire la personnalité à la cohérence dans l'activité : tel personnage a fait telle chose dans telle circonstance, on s'attend donc à ce qu'il fasse telle autre chose dans telle autre circonstance. Il est constant dans ce qu'il fait.
Mais avec une telle définition, les cinquante gobelins qui attaquent le groupe d'aventuriers ont une personnalité. Ce qui est absurde, ce sont juste des stéréotypes qu'on aura oublié trois lignes plus loin. Avec une telle définition le garde qui beugle à l'entrée de la ville et fait payer le groupe aurait une personnalité, alors que l'auteur n'a même pas réfléchi à lui donner un nom.
Alors qu'est-ce qui fait la personnalité ?
Les contradictions.
Le personnage a fait X dans les circonstances A. On s'attend donc à ce qu'il fasse X dans les circonstances B. Mais il fait Y. Les gobelins sont dans les arbres, les personnages les voient mais les gobelins n'attaquent pas. Kékispass ? Soudainement les gobelins... existent. Ils ont une "personnalité", ils sont différents de tous les autres gobelins qu'on a toujours rencontrés. De la même manière que : "Ensuite André alla acheter une épée chez le forgeron mais ce dernier refusa de lui vendre alors il en racheta une à un aventurier à la taverne." La vitesse à laquelle ça va efface tout : on ne réfléchit pas à pourquoi le forgeron a refusé. Dans un texte plus lent, le lecteur se poserait la question et, automatiquement, le forgeron -- ou plutôt sa forge -- gagnerait en personnalité. Parlant de forge : "C'était la première fois qu'André voyait une forge peinte en rose."

Revenons à la foule.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. Jean-Charles fit un discours et la motion fut rejetée."
Les gens n'y ont aucune personnalité, ni aucune activité.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. Jean-Charles fit un discours. C'était le fils du président, mais il avait sauvé Patricia. La motion fut rejetée."
Les gens n'ont toujours aucune personnalité, ni aucune activité.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. Jean-Charles fit un discours et fut hué. Il s'acharna et fut hué plus fort. Alors il renversa la table et cette fois on l'écouta."
Pourquoi il ne s'est pas fait jeter dehors on ne le saura jamais, mais la foule lui résiste, et c'est déjà une différence. La foule a un peu plus de personnalité, mais n'est toujours pas active.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. On alla à sa rencontre, on lui serra la main, on l'entraîna vers le podium, on fit silence pour l'écouter."
Soudain la foule est un peu plus active, et a une forme de personnalité. On peut même dire que Jean-Charles se fait emporter par le mouvement.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. On alla à sa rencontre, on le hua, on voulut le chasser. Il fallut forcer le silence pour qu'il puisse parler."
Même chose. À noter que dans les deux cas, c'est de la personnalité primaire, qui ne fonctionne que parce qu'on est hors-contexte. Jean-Charles a un adversaire qui lui résiste, mais c'est tout.
"Jean-Charles rejoignit l'assemblée de Pneuneuf SA. Les gens s'y disputaient sur la motion de Marcel. On alla à sa rencontre, on lui demanda de ne pas parler. Il refusa. Les voix au loin s'échauffaient. Un représentant le prit à part et, inquiet, l'invita au moins à ne pas mentionner Marcel. Quand il monta sur le podium, un silence de révérence se fit."
On ne sait plus quoi penser. La foule est-elle énervée, inquiète, avec Jean-Charles, contre lui ? Qui représente qui ?

Et c'est là où je veux en venir.
"Jean-Charles regardait Marcel. Marcel baissait la tête. Il saisit sa plaque, la jeta à bas du bureau, balaya la lampe et les plumes, le téléphone. Puis il le regarda encore et alla s'asseoir à sa place dans le siège. Lui dit de s'en aller."
"Jean-Charles regardait Marcel. Marcel baissait la tête. Il saisit sa plaque, la regarda, longuement, puis la reposa et tapota dessus un instant. Marcel derrière lui ne bougeait pas. Jean-Charles gagna le siège, s'assit dedans. Le tourna vers les fenêtres et, seul face à lui-même, dit à Marcel de s'en aller."
Que ce soit une foule ou un personnage seul, la difficulté est d'en montrer toute la complexité.

Un personnage "monolithique" est un personnage aux convictions fortes, fait de certitudes, qui face à une situation donnée n'a qu'une seule réaction claire et nette. Ce peut être une armée galvanisée pour le combat, ce peut être le juge décidé à faire tomber ce criminel qui le nargue, ce peut être le mari prêt à mourir pour sa femme.
Il n'y a aucune nuance là-dedans.
Briser ce monolithe, c'est nuancer le comportement, c'est introduire une foule de variables qui vont parasiter son activité. L'armée a ses intérêts propres, qui veut vivre, qui veut le trésor de guerre, qui veut se venger, etc... Le juge veut faire tomber ce criminel, mais n'aime pas la justice courante et veut respecter son rang. Le mari se rappelle que le reste de l'univers existe.
Et là comme en tout, le bon vieux "ne le dites pas, montrez-le" vaut aussi.

Le peuple des Yhlaks est motivé du début à la fin, toutes leurs actions sont parfaitement explicables et cohérentes. Il en va de même pour tous les personnages.
Mais ce sont tous des monolithes. Lonstroek est le chef, il joue au chef. Reyv'avih est le devin, il agit selon ses rêves, je ne suis même pas sûr qu'il ait jamais eu son mot à dire. Même Vyréhel, pourtant la plus active du texte, semble confinée à un rôle que pourtant tout lui dit de briser.
Alors tu dis qu'ils ont des conflits, avec le cas exemplaire du devin au coeur du texte : l'imposteur. Mais dans les actes, rien de cela ne joue vraiment. Ils agissent toujours comme leurs émotions le leur dictent, "comme le texte l'a décidé". Avec là encore le cas exemplaire du devin qui (re)découvre la tendresse. Ce que le texte montre, ce sont des monolithes -- et je ne me suis rendu compte du jeu de mots qu'à la moitié de mon message.

On nous dit qu'il y a des conflits chez les eldreds, chez les yhlaks, mais dans les faits l'activité est unilatérale.
Je m'arrête et j'insiste sur ce point -- au point de délaisser le suicide de Lonstroek -- parce que c'est quelque chose qui transpire dans tous mes textes.

Regarde la population du Contrat d'Arcelon. Sont-ils actifs, ou passifs ? Quelle est leur personnalité ?

Il s'éleva des clameurs, de la rage, une foule en colère qui parlait de faiblesse, de lâcheté. Qui exigeait du sang. À quoi le nouveau chef intima : « Les démons ne saignent pas ! » Et avec une assurance rare, dont même Marchen ne se croyait pas capable, il réduisit les protestations au silence. Il décrivit comment l'ancien chef était mort, et le village se plia à sa volonté.

Cette population, que je planifiais de rapprocher des bêtes, a une logique monolithique "nous guerriers, nous combattre". Ils sont actifs, et c'est amusant de les voir retomber sans arrêt là-dedans. Ou au contraire, de voir quand ils s'en écartent.

Le chef hurla de le jeter dehors, et le prédicateur sans attendre s'en alla. Il entendit, dans son dos, le chef jurer qu'il allait tuer ce corbeau de malheur. (...) Mais ensuite le patient demanda à sa famille de lui apporter sa lame et son bouclier. Cela fait, il promit au prédicateur de se battre, et l'attente reprit, qui semblait interminable. (...) Puis le guerrier dit simplement : « Nird n'est plus. » Puis, après quelques secondes, Marchen hocha la tête. Et attendit. Les yeux dans les yeux du guerrier. Et ce fut tout.

Tout le texte est justement une lutte pour "changer de logique", dépasser ce bloc.

Regarde la foule d'Attalway :

Why weren't they killing me, I couldn't tell. Just this morning they were calling for that, and now they were silent. A whole crowd of names I never spent enough time knowing, that would better listen to Bodin. (...) Hearing the crowd echo his joke a bit reassured me about the order of the world. I was just an attraction before the main meal. At least I wasn't crazy. (...) He had the number but I had the stronger voice, and there was a whole crowd who was excited at this idea of going to war forever. (...) As far as I understand, as soon as I left Karen took over, and they listened to her. Maybe it would have been enough, maybe it would have stopped nothing. I personally didn't care. I chased away all those who wanted to follow me.

"Je chassai tous ceux qui voulaient me suivre." Ce n'est pas juste une facilité scénaristique pour excuser que le héros soit seul à l'acte suivant. C'est le résumé de cette confrontation à la foule. Le héros n'argue pas pour ou contre la guerre, il argue contre ce pouvoir d'une seule bête à décider pour toutes.
La foule d'Attalway est monolithique, avec la logique des bêtes d'Alquière. Leur comportement est justifié mais passif et sans véritable personnalité. Et même s'ils étaient actifs, et même s'ils avaient une personnalité, ils sont enfermés dans cette seule logique. "Eux méchants, nous vouloir taper." Au lieu de la "foule de noms que je n'avais jamais pris le temps de connaître" que voudrait le héros.

Tu dois savoir combien j'enrage quand dans un texte un personnage secondaire est réduit à du pur mobilier, traité comme un outil et dégradé.
Le bourgmestre un peu gras et lâche qui accueille les aventuriers pour le contrat, le garde qu'on assomme pour accéder au cellier, la boulangère qui vient apporter un billet à la taverne, l'espionne cachée dans le conduit de ventilation... ma règle est qu'ils doivent être traités à égal avec les personnages principaux, capables de faire ce que les héros peuvent faire, ni plus ni moins. J'ai l'obsession du personnage secondaire, du personnage dans l'ombre, dont je voudrais quasiment faire les véritables acteurs de mes histoires.
Donc le sujet est important pour moi.

Et ce n'est pas pour dire qu'un bloc monolithique est mauvais. Zaleth de Goten est un monolithe, capable d'une humeur et d'une seule ou ce n'est plus Zaleth de Goten. Le roi trucmuche doit se montrer intransigeant, sans la moindre nuance, c'est ce que sa fonction exige. Reyv'avih, justement parce qu'il se sent imposteur, n'a pas le choix de s'engager complètement dans sa prophétie. Tout comme le monolithe ne lui demande pas s'il a envie de se sentir tendre ou non.
De fait, en écriture, les "monolithes" sont prisés. Un personnage à l'action claire, suffisamment prévisible, est plus souhaitable qu'un personnage trop humain, trop nuancé, comme un dégradé qui finirait par effacer les traits.
Dans les premiers chapitres du Chant des Pierres, la foule se devait d'être monolithique. Et passive. Les premiers chapitres, avec leur atmosphère irréelle, fonctionnaient comme un huis clos. Tu avais trois personnages : Lonstroek, Ilda, Reyv'avih, c'était entre eux et personne d'autre. Le peuple n'était que l'espace clos de leur histoire. Rendre le peuple actif aurait été absurde. Je peux grogner autant que je veux, la pertinence du texte exige un peuple passif, se moulant à la volonté de leur devin.

Mais oui, il manque le dégradé.
Lorsque Lonstroek apprend le rituel, il est brutalement désespéré. On ne le voit pas essayer de se reprendre, on ne le voit pas lutter, se raccrocher à sa vision de chef, se chercher un but. On ne le voit pas douter, se disputer, on ne le voit pas s'isoler, donner des ordres contradictoires, on ne le voit pas s'absenter. Par manque de temps mais vraiment ? "Lonstroek s'adressa au peuple, leur dit de garder espoir, de se remettre en marche. On l'écouta à peine." Rien que cela aurait montré un Lonstroek luttant encore, jouant encore son rôle, avant que plus loin on ne le découvre détaché : "Lonstroek n'était nulle part pour donner des ordres." Cette simple phrase préparerait le moment où on le trouverait à boire.
Tu manques de temps pour la transition mais Lonstroek aussi, tout comme Reyv'avih a manqué de temps quand le rêve a décrété qu'il serait soudain tendre. Il n'y a plus toute la nuance, tout le dégradé, tout est expédié et c'est ce qui change tout. On n'a pas Reyv'avih qui se fait violence pour être doux, Reyv'avih qui lutte contre ses vieilles habitudes, qui se retient, qui s'excuse sans arrêt auprès des gens et se flagelle... non, le changement est fait et acté.

Cela vaut pour les peuples et les peuples, peu importe ce qu'on en dit, agissent en bloc, et n'agissent pas vraiment. Et c'est un problème quand le texte commence à déployer une géopolitique, avec tout le dégradé de nuances qu'on pourrait y attendre.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
il y a 7 ans 7 mois - il y a 7 ans 7 mois #21121 par Zarathoustra
En te répondant juste avant, j'ai oublié de t'expliquer le grand truc sur tous ces personnages (et sur lequel tu t'agaçais) et qui est essentiel. En fait, ce que je voulais montrer dans ce chapitre sur ces personnages, c'est qu'ils atteignent une autre dimension qui les fait justement changer parce qu'ils ont soudain accès à leur face cachée. Reyv'avih accède à sa part féminine et Vyréhel à sa part masculine. Ils forment ainsi un tout en tant qu'individu. Donc quand tu me dis qu'ils font de virages à 180 degré, c'est sans doute vrai et maladroit, sauf que le texte n'a cessé de préparer ce bouleversement. Bon, là, c'est l'auteur qui parle, les personnages peuvent être perçus différemment et ta perception est aussi fondée que ce que je vais dire.

Pourquoi Ryv'avih allait si mal? Parce qu'il refusait d'écouter une partie de lui qui lui aurait apporté l'équilibre. En l’occurrence, sa féminité. Cela n'en fait pas un gay pour autant. Mais il en prend conscience et il comprend soudain mieux le monde et ses semblables. Et avant lui, Lonstroek avait fait cette découverte qui l'avait changée, même si, je te l'accorde, cela ne lui aura servi à rien.
Même chose avec Vyréhel. Elle accède à la masculinité, d'abord via l'épée, puis ensuite via le commandement.
Connaître cette face cachée en soi, c'est peut-être un point de vue personnel, mais elle permet de mieux comprendre l'autre, et par conséquent de mieux se comprendre soi-même, et par conséquent de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Le texte ne met pas en scène cette pensée, je suis d'accord, par contre, il dit clairement que les deux héros ont eu accès à cet autre soi et qu'ils comprennent mieux les autres qui les entourent.

Donc tout ce petit parti pris "féministe" sur lequel tu butais cherchait aussi à installer ça. Dans un monde d'hommes (même si les femmes sont omniprésentes dans ce récit, il s'agit avant tout d'un monde d'hommes, ce sont eux qui dirigent et qui orientent les grands choix du monde), on ne peut y trouver un équilibre qu'en s'ouvrant sur le monde féminin. Et l'inverse est bien entendu vrai.
Donc à la fin, Reyv'avih et Vyréhel sont sur ce plan pareil. Si j'étais prétentieux, je dirais que le Rêve (à vie) rejoint la Vie (réelle), ce qui, pour moi, est une sorte de réconciliation fondamentale qui autorise justement l'avenir. Tout n'est pas rose, tout ne sera pas facile, mais au moins, ils peuvent l'un et l'autre se comprendre et envisager le monde avec ce regard plus complet d'eux-mêmes et des autres..

Donc effectivement, mes personnages peuvent être monolithiques ou fouillés ou abhérents. Je laisse le soin aux autres de le juger. Mais ils avaient avant tout vocation à faire apparaître cette dimension. En soi, on peut dire qu'ils sont aussi des fonctions ou des équations comme dans tes textes, je ne le nie pas. Pourtant, il y a des changements qui ont mis plusieurs chapitres à opérer en eux. Pour moi, Reyv'avih était dans une impasse psychologique. Soit il continuait dans cette voix et il finissait fou à force de ne pas écouter ce qu'il était fondamentalement, soit il découvrait l'origine de sa folie. Tu dis qu'il est un imposteur. A la fin de l'histoire, pour moi, il ne l'est plus. Il est un vrai chef justement parce qu'il comprend son peuple, parce que justement il a compris qui il était.
Vyréhel est plus problématique parce que le personnages arrive trop tard et que je n'avais rien planifié à son sujet en me lançant dans ce récit (je ne pensais mêm pas la faire apparaître, elle était formait juste le Yin et Yang de la nouvelle du Devin). Et dans ma tête, je pense que son personnagel a changé en cours de route. Il lui manque un peu de cohérence. Mais si Ilda était la Lune, elle est le soleil. C'est un peu ça mon idée avec elle, en faire un être solaire, qui s'opposerait à l'image d'Ilda.

Lorsque Lonstroek apprend le rituel, il est brutalement désespéré. On ne le voit pas essayer de se reprendre, on ne le voit pas lutter, se raccrocher à sa vision de chef, se chercher un but. On ne le voit pas douter, se disputer, on ne le voit pas s'isoler, donner des ordres contradictoires, on ne le voit pas s'absenter.

Il me semble qu'il se comportait déjà bizarrement avant le rituel puisqu'il avait déjà remis à sa place Vyréhel par rapport à Ilda. Il se détestait bien avant ça parce qu'il avait tué sa femme, ce qui ne peut s'oublier en claquant des doigts... Et il avait l'impression de la tromper en couchant avec son quasi sosie. Donc, non, je nepens pas avoir chambouler ce personnage en deux lignes sur ce chapitre. C'est en soi un personnage très chargé. Tuer sa propre femme à main nue, c'est pas rien! Comment peux-tu vivre avec cette idée? Et il ne fait rien de ce que tu dis parce qu'il se recroqueville sur lui-même. Et comme en plus il se sent responsable de la mort de son peuple, je vois pas comment il pouvait faire autre chose, sauf un rebondissement justement que tu me reproches sur le devin et Vyréhel. Autant je veux bien croire que Vyréhel ça ne fonctionne pas trop de manière subtile, autant pour lui (à l'ivresse excessive près), ça me paraissait inéluctable...

Pour revenir au fond de ton propos, ton approche des personnages est fort différente et permet plein de choses que je ne propose pas et que je me sentirai bien en peine d'écrire. Je ne pense pas qu'il y en ait une plus juste que l'autre. On va dire que la mienne s'inscrit plus dans la tradition du 19eme siècle et que la tienne est plus contemporaine.
Pour ce qui est de ton développement, ça mériterait de le copier/coller sur un topic à part, je pense qu'il y a un sujet fort intéressant à creuser tous ensemble.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Modérateurs: SanKundïnZarathoustra
Propulsé par Kunena