La nuit semblait toujours aussi agitée dans la ville portuaire de Marienburg. La Cité impériale connaissait une activité bouillonnante quelle que soit l’heure du jour. Trop heureux d’avoir pu regagner la terre sains et saufs, des dizaines de matelots se déversaient de leurs navires pour profiter des délices qu’offrait la ville. Ils se mêlaient ainsi aux autres badauds qui erraient dans les rues sinueuses et écumaient les auberges proposant d’envoûtants breuvages. Devant les échoppes encore ouvertes malgré l’heure tardive, des musiciens jouaient de leurs instruments à tue-tête, couvrant partiellement le bruit de quelques bagarres d’ivrognes. D’autres encore, dansaient sur des rythmes endiablés ou battaient des mains en cadence, totalement absorbés par le spectacle de danses sensuelles. Dans cette ambiance de fête, nul ne pouvait se douter de la présence d’une ombre qui escaladait prestement les murs de pierre du castel du Comte. Arrivée au niveau de la plus haute fenêtre, la silhouette stoppa sa progression. En un tour de main, le verrou avait cédé et l’intrus se précipita à l’intérieur. Le voleur retint son souffle. Le moindre bruit pouvait maintenant alerter sa proie. Cette dernière, emmitouflée sous plusieurs épaisses couvertures en laine, dormait paisiblement, bercée par le bruit rauque de sa propre respiration. L’intrus s’avança silencieusement jusqu’à une impressionnante tapisserie qui ornait le mur en face du lit du vieux Comte. Inspectant minutieusement la draperie, le voleur en releva délicatement un des bords et un sourire s’afficha sur son visage quand il aperçut l’interstice de la porte dérobée. Nathaniel était conscient qu’il devait redoubler de concentration à cet instant car c’est souvent quand le voleur touche au but que sa vigilance s’estompe et qu’il néglige certains détails. Mais le voleur avait eu les meilleurs Maîtres de la Guilde. Et cette fois, le mécanisme censé projeter la fléchette empoisonnée n’eut pas l’occasion de prouver son efficacité meurtrière. Ce dernier système de sécurité vaincu, Nathaniel pénétra dans l’anti-chambre. Repoussant d’un geste nerveux une mèche de cheveux de son front, il aperçut enfin l’objet de sa convoitise. L’Etoile Traîtresse brillait de mille éclats sur son socle de velours, séparée par un cube de verre poli de la main du voleur. A cet instant, une voix s’éleva de la chambre :
- Qui est là ? demanda d’une voix chevrotante le Comte.
Le vieil homme se dressait maintenant au milieu de sa chambre, toujours vêtu de sa robe de chambre aux motifs brodés d’or fin. Sa silhouette se découpait dans l’obscurité à la lueur vacillante d’une bougie qu’il serrait nerveusement. Transpirant maintenant à grosses gouttes, il s’avança prudemment vers la porte de sa chambre, sa main s’agitant nerveusement sur la poignée.
- Attention mon brave, vous allez vous brûler !
Avec un sourire à attendrir un fauve et un geste plus rapide que la pensée, Nathaniel projeta avec une précision diabolique quatre projectiles qui clouèrent le Comte au mur, sa robe de chambre percée de toute part. Le noble n’eut pas le temps de crier à l’aide qu’un coup à la tempe le fit sombrer dans l’inconscience. Nathaniel ne perdit pas de temps en entendant des bruits de bottes dans le couloir. Sans hésiter, il se jeta par la fenêtre encore ouverte, descendant de façon acrobatique les vingt mètres de la façade à l’aide de sa corde. Il pouvait entendre les gardes qui fouillaient la chambre du Comte et le dernier son qu’il entendit fut le cri poussé par ce dernier quand il réalisa la perte de son précieux bijou. Mais le voleur était déjà loin, fuyant la scène du crime en sautant de toits en toits.
Nathaniel marchait tranquillement dans les rues agitées, les mains enfouies dans les poches. Il ne prêtait aucune attention aux bruits qui l’entouraient ni même aux regards aguichants que lui lançaient quelques belles demoiselles. Il s’éloignait de plus en plus de la zone de fête pour arriver dans le Vieux Quartier de la ville. Peu à peu, les demeures modernes aux couleurs vives laissaient place à des bâtisses d’un gris uniforme taillées dans la pierre usée par le temps. Nathaniel appréciait le calme et l’atmosphère qui régnait en ces lieux. Les matelots en permission s’aventuraient rarement aussi loin dans la ville, l’absence de débits de boissons jouant peut être aussi son rôle. Nathaniel stoppa devant une église sigmarite qui paraissait laissée à l’abandon. L’édifice dégageait une aura de mystère qui forçait le respect malgré sa taille modeste ; les colonnes cannelées qui se dressaient sur le parvis décoré de fresques donnaient à l’ensemble un cachet unique. Le voleur pénétra dans le lieu sacré. Comme bien souvent à une heure aussi tardive, la place était déserte, seuls quelques cierges pouvaient témoigner du passage de fidèles. L’air sentait l’encens et les herbes rituelles. Un pigeon, nullement gêné par ceci, avait trouvé refuge sur une poutre de la charpente. Nathaniel s’avança le long des bancs avant de s’asseoir au premier rang, en face de l’autel. Il se tenait ainsi depuis un certain temps, quand le pigeon s’envola d’un bruissement d’ailes. Une voix féminine l’interpella :
- Alors Nath, on essaie de se faire pardonner toutes ses vilaines actions ?
La jeune femme qui venait de prendre la parole se tenait à l’entrée du temple. Enveloppée dans une grande cape noire identique à celle que portait Nathaniel, on ne distinguait d’elle que sa peau légèrement brune qui dénotait son métissage. Elle se dirigea en direction de Nathaniel d’une démarche féline. Ce dernier se retourna lentement, fixant son regard sur la jeune femme.
- Tu en as mis du temps, Cassandra. Ca fait bien vingt minutes que je poireaute ici. Et tu sais bien que je n’aime pas trop m’attarder dans ce genre d’endroit.
Cassandra ne releva même pas. Elle retira la capuche qui masquait ses traits, dévoilant ainsi une longue chevelure blanche. Puis, elle sourit et reprit la parole.
- La guilde a choisi ce lieu de rendez-vous. C’est l’endroit idéal pour éviter les rencontres imprévues. Et puis, un peu de recueillement et de foi ne te feront pas de mal". Elle s’avança jusqu’à l’autel, se signant brièvement devant l’emblème de Sigmar. "Mais laisse-moi d’abord te féliciter pour ton travail. Cet objet que tu as dérobé a une valeur inestimable. La guilde sera contente.
- Tant mieux pour elle. Mais qu’elle me fasse signe quand elle voudra enfin me confier une mission digne de ce nom. Je parie qu’à l’heure où il est, le Comte ordonne à ses hommes de placarder sur tous les murs de la ville des avis de recherches. Le pauvre ! Il n’a aucun moyen de remonter jusqu’à nous". Nathaniel marqua une pause avant de reprendre. "Maintenant, ma chère, que dirais-tu de m’accompagner pour fêter ça ?
- Peut-être une autre fois, j’ai à faire ce soir, répondit Cassandra pensivement.
- Tu ne sais pas ce que tu rates, poursuivit Nathaniel, un sourire aux lèvres.
A peine avait-elle eu le temps de se retourner que déjà Nathaniel avait disparu...
La taverne était bondée. Dans ce chaos, les serveuses tentaient tant bien que mal de faire leur travail malgré les chaises renversées et le va-et-vient incessant. Un épais nuage de fumée tapissait le toit de la salle, témoin d’un récent concours de ronds de fumée. Dans un coin un peu à l’écart, Nathaniel sirotait tranquillement sa chope, attendant patiemment l’arrivée de son ami Henri Drake. Il aurait dû se rendre dans le repaire de la guilde après la mission de ce soir, mais l’ambiance festive qui régnait partout avait eu raison de son sens du devoir. Nathaniel n’en avait cure : ce n’était pas sa première entorse au règlement. L’évocation de la guilde lui rappela ses tous premiers pas sur la dangereuse voie qu’il empruntait alors. Recueilli enfant par un membre de la guilde, il avait vécu toute sa vie en suivant les préceptes de cette curieuse famille d’adoption. Dès ses dix ans, il était passé maître dans l’art des menus larcins. Maintenant qu’il en avait 25, il recherchait des défis à sa mesure. Jamais il n’envisageait ce mode de vie avec dégoût ou honte ; pour lui, ce n’était qu’un jeu. Un jeu parfois dangereux et dont il connaissait parfaitement toutes les règles.
L’arrivée d’Henri le tira de ses pensées. L’homme qui se présentait à lui était plutôt petit mais ses larges épaules et son cou de taureau soulignaient son impressionnante musculature. Nathaniel appréciait beaucoup Drake. Ce dernier travaillait à l’occasion pour la guilde même s’il refusait l’étiquette de mercenaire. Pourtant, ses services étaient très prisés dans certains milieux. En effet, il avait fait des explosifs sa grande spécialité. Il se passionnait pour tout ce qui était sciences et nouvelles technologies au point de se balader en permanence avec d’innombrables sacoches contenant instruments divers et matériaux instables.
- Comment ça va Nathan ?". Henri était le seul à l’appeler ainsi.
- Très bien, merci. Les affaires sont bonnes."
Henri sourit à cette remarque. Il n’ignorait pas la mission que Nathaniel avait accompli avec succès ce soir.
- L’Etoile Traîtresse, c’était quand même un gros morceau, poursuivit Drake à voix basse.
- Comme tu vois, je me débrouille, dit Nathaniel en lui adressant un sourire.
Les deux amis poursuivirent leur discussion, ignorant totalement les gens qui les entouraient. Pourtant, peu de temps après, l’arrivée discrète d’un singulier individu attira leur attention. Il s’agissait d’un petit homme, un halfling comme ils étaient nommés dans l’Empire. Il était vêtu d’une simple tunique d’un vert foncé et d’un gilet en cuir usé qui dénotaient avec les habituelles couleurs vives qu’affectionnent ses semblables. On aurait dit qu’il sortait tout droit d’une expédition en forêt. Nathaniel examina attentivement le nouvel arrivant et nota également que malgré sa taille modeste, le halfling ne s’embarrassait pas d’un large embonpoint, trait qui faisait pourtant la fierté du petit peuple. Le semi-homme se dirigea en direction du voleur pour s’installer finalement à la table d’à côté. Il passa commande à l’une des tenancières qui venaient d’esquiver avec grâce la chute d’un quidam un peu éméché.
Remarquant le regard de Nathaniel, le halfling leva son verre en signe de bref salut. L’interpellé lui rendit la pareille tout en essayant de coller un nom à ce visage qui ne lui était pas inconnu. Nathaniel était certain d’avoir déjà vu cet individu. Peut-être même dans les archives de la guilde. En effet, cette communauté regroupait tout ce que Marienburg comptait de voleur. Et chaque membre de la confrérie obéissait à des traditions transmises depuis des siècles. On disait que la guilde des voleurs possédait des ramifications dans tout le Vieux Monde. Certains prétendaient même qu’elle était présente dans les régions lointaines de Cathay. Nathaniel ignorait le degré d’influence exercé par la guilde mais il savait par contre que chaque voleur affilié figurait dans un registre qui, au fil des ans, avait atteint plusieurs dizaines de volumes. Les Patriarches de la guilde, chargés d’enseigner à leurs disciples l’art du vol dès leur plus jeune âge, considéraient ces archives comme leur bien le plus précieux. Elles symbolisaient à leurs yeux le lien fraternel qui unissait les membres de la guilde. D’ailleurs, ils ne manquaient jamais une occasion de rappeler le devoir de solidarité incombant aux initiés. Hélas, la dure réalité ne laissait guère de place à de telles considérations, et très souvent, les rivalités incitaient à la plus grande méfiance. Après son rite d’initiation, Nathaniel avait eu accès à une partie des archives et il y avait trouvé une source inépuisable de connaissances.
C’est ainsi qu’il se remémora l’histoire du petit homme. Il se nommait Théoren et était originaire du Comté de Fleury. Lassé de sa petite vie tranquille dans son village natal et désireux de connaître le monde, le semi-homme partit un jour à l’aventure. Au cours de son périple, Théoren se forgea une solide réputation de pickpocket. Son aspect débonnaire et son visage poupin masquaient en fait un incorrigible cleptomane qui ne savait pas garder les mains dans ses poches. Et malgré sa grande dextérité et ses boniments, il avait plusieurs fois échappé de justesse à la pendaison publique. Sa présence en ce lieu était pour le moins curieuse, pensa Nathaniel. Un coup d’œil à son copain de boisson lui apprit que lui aussi avait reconnu le petit homme. Ils n’étaient pas encore au bout de leurs surprises lorsqu’ils reconnurent sans peine les têtes des deux nouveaux arrivants.
Le premier s ’appelait Fenster. Grand et svelte, il transpirait la confiance en soi par toutes les pores de sa peau. Ses cheveux noirs de jais coupés courts et son teint olivâtre indiquaient clairement son origine tiléenne. D’épais sourcils donnaient l’impression d’un tempérament ténébreux. Il revêtait des habits impeccables, très certainement en soie de Cathay, qui semblaient faits sur mesure. Mais le fourreau de sa rapière qui pendait négligemment à sa ceinture rappelait aux malandrins à qui ils avaient à faire.
Le second répondait au nom de Mac Manus. Son aspect était plus austère que celui de son compagnon : ses vêtements consistaient simplement au port d’un large manteau noir et de bottes hautes plus toutes neuves qui remontaient sur un pantalon en toile. Ce qui attirait le plus l’attention, c’était ce regard bleu-acier, si perçant qu’il semblait pouvoir lire en quelqu’un comme dans un livre. Et aussi la discrète cicatrice qui courait le long de sa joue et qui s’arrêtait juste au-dessus du bouc taillé de près qu’il arborait. S’il était armé, aucun signe ne permettait de le déceler mais Nathaniel en avait la certitude.
Ces deux gaillards étaient bien connus des services d’ordre. Ils étaient impliqués dans tout un tas d’affaires plus ou moins louches et plusieurs personnages haut placés rêvaient de les voir sous les verrous. Mais les deux compères avaient encore des relations qui leur permettaient de tenir en respect tout ce beau monde. Leur arrivée fit lever sur eux quelques regards qui se détournèrent rapidement de peur de déclencher la colère des hors-la-loi. Accoudé au comptoir, Fenster commanda une bouteille de Magritta. Le tenancier ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes : ce vin très rare était hors de prix. Heureusement pour lui, il en avait une en sa possession. Il en servit un verre à Fenster qui le goûta du bout des lèvres :
- Mmm... Un véritable nectar.
Mac Manus, qui se tenait à côté, empoigna la bouteille et en vida la moitié en une seule et longue gorgée.
- Ah ! C’est pas dégueulasse ton truc. Bon, on a pas toute la nuit. J’ai pas trop envie de m’attarder dans ce bouge, dit Mac Manus d’une seule traite.
- Mac ! T’as vraiment aucune éducation, répondit Fenster visiblement outré par le comportement de son ami. "Qu’est-ce qui ne te plait pas ici ? Il y a de l’alcool et des femmes, et pour peu qu’on trouve des gens pour une partie de carte, je serais comblé". Puis, il continua plus bas : "De toute façon, notre contact ne devrait plus tarder..."
- Peut-être bien, mais il y a des gus qui traînent ici et qui ne me sont pas totalement inconnus, reprit-il en laissant courir son regard sur la salle.
Nathaniel se recroquevilla dans son siège, peu désireux d’attirer l’attention sur lui. Il regrettait amèrement de ne pas être rentré directement à la Guilde où il serait bien plus en sécurité. Mac Manus le fixa un instant mais Fenster choisit ce moment pour lui glisser quelque chose à l’oreille. Il pivota alors à 180 degrés et se précipita à l’étage grimpant quatre par quatre les marches de l’escalier. Nathaniel ne put percevoir que le bruit de verres brisés et de chaises qu’on renversait même si parfois on entendait un juron ou une plainte de douleur. Un homme atterrit directement sur le plancher, s’étalant de tout son long. Mac Manus apparut en haut des marches, visiblement satisfait. La taverne s’était vidée en un coup d’œil, seule une poignée d’individus, curieux ou trop saoul pour déguerpir, restèrent à leur place. Nathaniel et Drake se levèrent, bientôt imités par Théoren qui n’appréciait pas la tournure que prenaient les évènements. Les ignorant totalement, Fenster releva l’homme qui gémit de douleur.
- Alors Gidéon, on dit plus bonjour ? lui demanda le Tiléen d’un air moqueur. "On t’avait pourtant prévenu que si on te revoyait, t’en sortirais pas indemne..."
Mac Manus se tenait maintenant à côté des deux hommes. Le nommé Gidéon essuya d’un revers de la main le sang qui coulait de sa lèvre entaillée. Il portait une large robe rouge sombre qui semblait trop grande pour lui. A son cou pendait un collier orné d’un symbole cabalistique en argent. Un sorcier à n’en pas douter pensa Nathaniel. Gidéon se débattait pour tenter de se soustraire à la poigne de Fenster mais un direct à l’estomac de la part de Mac Manus le plia en deux. Discrètement, Henri souffla à Nathaniel : "Si on ne fait rien, ce pauvre type va se faire massacrer." D’un geste de la main, le voleur fit comprendre à son ami de rester sur le qui-vive. De l’autre côté de la pièce, le sorcier reprenait ses esprits.
- Pas d’entourloupes, Magicien de pacotilles ! l’avertit Mac Manus d’un ton sec, "sinon mon collègue va te tailler un joli sourire."
Fenster avait sorti sa rapière dont la pointe effleura la chair nue de la gorge de Gidéon. Subrepticement, Théoren s’était rapproché des trois hommes.
- Hé le nain ! Dégages de là si tu veux pas participer aux réjouissances."
Le Semi-homme retourna tranquillement à sa place et une fois assis, il prit une gorgée de sa chope comme si de rien était. Mac Manus reprit :
- Tu t’es bien foutu de nous à Lendry et maintenant tu vas payer.
- Ecoutez les gars, on peut peut-être régler ce malentendu, tenta Gidéon d’une voix tremblante.
-Attends, je réfléchis une seconde, mmm... Non. C’est vrai quoi, on a une réputation à tenir !
A ce moment précis, alors que la tension était palpable, la porte principale vola en éclats et un groupe d’une quinzaine d’hommes armés fit irruption dans la salle. Diable, c’était la milice locale ! Plusieurs clients encore présents dégainèrent leurs armes, visiblement dégrisés par la présence des forces de l’ordre. Gidéon en avait profité pour s’éloigner des deux bandits, trop surpris pour l’en empêcher. Le gradé de l’unité prit la parole, s’adressant à l’assemblée :
- Je suis le sergent Lumme. Nous avons été prévenus qu’un ou plusieurs individus suspects étaient présents dans cet établissement. Nous allons procéder à un contrôle de vos identités. Si tout le monde reste bien calme, il n’y aura aucune complication."
Ces derniers mots firent sourire certains soldats pour qui l’issue ne faisait aucun doute. Nathaniel et Henri redoutaient le pire. Cette taverne comptait en ce moment même les auteurs d’une bonne cinquantaine de crimes ou délits commis dans la région ces derniers mois. Et pour ne rien arranger, Nathaniel sortait tout juste d’un cambriolage réussi sur la personne du Comte. Deux soldats se dirigèrent vers Mac Manus qui les accueillit tout sourire.
- Allez raclure, donne ton nom et dis-nous où tu étais en début de soirée.
- Certainement avec ta femme, rétorqua Mac Manus du tac au tac.
Le soldat le frappa à la tempe avec le manche de sa hache. Fenster voulut s’interposer mais cinq lames pointées dans sa direction le stoppèrent dans son élan. Mac Manus se redressa, son visage marqué à présent par la force du coup.
- Très bien, vous voulez jouer à ce petit jeu ? dit-il
Deux pistolets jaillirent entre ses mains comme par enchantement et en une fraction de seconde, les deux gardes s’écroulèrent, percés de plusieurs trous. Réagissant tout aussi rapidement, Fenster embrocha un garde supplémentaire. La mêlée se généralisa et ce fut une véritable bataille qui s’engagea. Le gradé était resté complètement abasourdi par la tournure des évènements mais ses hommes n’avaient pas attendu ses ordres pour se jeter à l’assaut. Nathaniel et Henri luttaient dos à dos, repoussant leurs adversaires à grands coups de chaises. Théoren qui avait tenté de s’éclipser, était maintenant pris à partie par un garde et luttait férocement pour sauver sa peau. Même Gidéon combattait aux côtés de Fenster et Mac Manus, usant de sa magie pour repousser les gardes.
Ces derniers ne s’attendaient pas à une telle résistance mais leur nombre était suffisant pour tenir tête. Nathaniel n’ignorait pas que des renforts allaient arriver d’un moment à l’autre. Il leur fallait fuir au plus vite. Il émit un sifflement strident, signal de repli pour ses semblables voleurs. Henri réagit instantanément, et se jeta par l’une des fenêtres, bientôt suivi par Théoren et Nathaniel. Trois secondes plus tard, Gidéon, Mac Manus et Fenster parvenaient à s’extirper du bâtiment par la porte principale. Hélas pour eux, le bruit de chevaux se faisait entendre de plus en plus pressant, signe de la proximité des renforts.
- Vite, il faut foutre le camp d’ici ! cria Mac Manus."
Les six fuyards partirent en trombe dans les rues tortueuses du Bas-quartier, espérant semer leurs poursuivants. "Dans quel pétrin me suis-je fourré ?" pensa Nathaniel...