Tôt le matin, Nathan sortit de sa boutique avec un gros sac de toile sur les épaules. Comme tous les jours, il allait rendre visite à certains de ses patients qui n’avaient pas les moyens de se déplacer pour leur apporter les plantes nécessaires à leur guérison. Il ferma soigneusement la porte, puis entama sa tournée dans les rues du Palace des pauvres, encore bien silencieuses. Mais il avait des patients dans tous les quartiers de la ville, exception faite du quartier noble, et les habitants auraient bien le temps de se réveiller avant qu’il ne rentre dans son échoppe.
Un mauvais pressentiment le gagna dès ses premiers pas dans le quartier ouest. Ce n’était pas dû au danger ordinaire que représentait cette zone, car Nathan en avait pris l’habitude et, de toute façon, il rendait service à tellement de gens que ceux-ci l’agressaient rarement. Non, cette fois-ci, l’herboriste éprouvait le sentiment d’être épié et filé. A plusieurs reprises, il se retourna pour voir des ombres s’évanouir au coin de ruelles encore plus mal famées que la moyenne. Même si, à son âge et avec l’expérience accumulée au cours de ses innombrables voyages, il ne prêtait plus une attention aussi soucieuse à de tels sentiments, il hâta le pas, bien décidé à ne pas manquer à la parole donnée à ses patients. Ici, c’était bien son seul bouclier.
Soudain, malgré la foule de pauvres, il se retrouva encerclé par ses silhouettes portant un masque en forme de soleil et poussé avec une délicatesse aussi insistante qu’implacable dans une impasse étroite, imperméable au soleil. Immédiatement, il plongea une main dans la poche de son manteau et pressa de toute sa poigne une espèce de petit cactus au corps extrêmement bombé tout en déchirant le fond de la poche. Le végétal, resté accroché au tissu grâce aux multiples longues épines qui venaient de causer à Nathan des blessures qui auraient fait crier n’importe quel individu normal, se mit à goutter lentement d’un épais liquide jaunâtre. L’herboriste avait agi si rapidement qu’aucun de ses agresseurs ne s’en rendit compte.
« Tu es bien Nathan ?
L’herboriste compta le nombre de silhouettes qui l’entouraient : six. Et il fallait encore qu’il dissimule le sang qui ruisselait sur sa main, ce qui n’était possible que d’une seule manière. Sans crier gare, il bondit au visage de celui qui venait de l’interroger et lui envoya son poing sur le nez sans que personne ne réagisse, trop surpris par la vivacité, voire la démence du vieil homme. Puis l’homme au nez désormais ensanglanté esquissa un rictus.
- Je prendrai cela pour un ‘oui’. »
Puis il répliqua, et Nathan sombra.
* * *
Dans une chambre cossue du deuxième étage de la Lumière de cendres, une forme inconsciente depuis plus d’un jour bougea pour la première fois. Quand le premier Garde sombre qui veillait sur elle entendit les plissements des draps, il se leva et, avertissant son confrère, partit à grandes enjambées chercher le roi.
Il fallut plusieurs longues minutes à Ellébore pour ouvrir les yeux, et lorsqu’elle y parvint finalement, elle se retrouva allongée sur un matelas confortable, du tissu soyeux sur son corps nu, le visage rivé sur un plafond décoré d’une vaste fresque aux multiples nuances de rouge et de vert. Tendant les oreilles, elle n’entendit pas le moindre souffle : elle était la seule occupante de cette chambre inconnue. Elle se sentait extrêmement faible, et lorsqu’elle passa ses mains sur son corps, elle décela enfin les innombrables blessures qui la faisaient encore souffrir. Quand elle voulut se relever, elle hoqueta et s’écroula en grimaçant, des étoiles dansant sous ses yeux. Elle ne se souvenait pas avoir déjà éprouvé une telle douleur, même lorsqu’elle avait été blessée par le Garde sombre quelques jours – ou semaines, ou mois ? – plus tôt.
C’est à cette pensée que lui revinrent les événements récents : son engagement au service de Jari B’Rauts, la robe bleue, le dîner interminable avec le Vautour qui l’assaillait de questions, le difficile duel livré contre Markvart K’Thraus, la dague qui lui avait fouaillé les entrailles… Et ensuite, le trou noir. Elle se rappelait juste avoir hurlé de toutes ses forces, s’être tordue sous une souffrance incommensurable dont la source lui était inconnue, mais elle n’avait aucune image à associer à ces sons.
Elle se demanda ce qui était finalement arrivé. Elle était à peu près sûre d’avoir vu Markvart et le Vautour s’écrouler, mais elle ignorait si Jari avait pu tirer parti de la situation comme il l’entendait. Probablement, sinon on l’aurait déjà laissée mourir. A moins que quelqu’un d’autre, impressionné par ses talents, ne se soit mis en tête de la prendre à son service.
Un sourire sans joie se dessina sur ses lèvres fines. Voilà bien le principal avantage d’être un assassin : survivre aux rois et aux seigneurs. Quand bien même votre employeur chutait, il ne vous entraînait pas nécessairement avec lui dans le gouffre, et celui-là même qui l’y avait poussé pouvait ensuite louer les services de l’assassin. Il n’y a pas à être loyal envers un mort. Malgré tout, Ellébore se prit à espérer que Jari B’Rauts s’en était sorti : travailler pour un homme à la personnalité aussi étrange – mélange d’une franchise presque candide et d’un machiavélisme tout seigneurial – et doté d’ennemis à la hauteur de son ambition était nettement plus excitant que de s’engager auprès d’un vulgaire marchand voulant se venger d’un pathétique escroc. Oui, elle l’espérait, elle le désirait même.
Lorsque Jari B’Rauts pénétra finalement dans la chambre, ce fut pour constater que l’Arme de chair s’était rendormie. Quand il s’approcha du lit pour la contempler, il remarqua non sans inquiétude que ses traits se crispaient de nouveau, tout le contraire de la sérénité qui se dégageait d’eux après que Nathan lui eut extirpé le venin – ou la magie – de son corps.
Soudain, il se demanda quel âge elle pouvait avoir. Si petite, en apparence si fragile, avec son crâne désormais exposé à la lumière, elle ressemblait à un jeune enfant. Cependant, son visage arborait de discrètes rides aux commissures de ses lèvres, et sa peau, bien que blanche, se révéla rugueuse lorsque Jari passa la main dessus. A ce moment, Ellébore poussa un gémissement dans son sommeil et le roi revint à des préoccupations plus immédiates. S’adressant à un des deux Gardes sombres qui protégeaient la pièce, il lui ordonna d’aller chercher l’herboriste au plus vite. Lui seul avait les compétences nécessaires pour savoir ce qu’il fallait désormais faire.
* * *
Cytise fut la première à se réveiller, peu habituée à dormir à la belle étoile. Le soleil n’illuminait pas encore le ciel et la jeune alchimiste ensommeillée resta à somnoler plusieurs minutes en contemplant le croissant de lune, blanc et brillant. Elle n’avait jamais eu l’occasion de le voir lorsqu’elle se trouvait dans la Cité des seigneurs tant les toits se serraient les uns contre les autres – et tant les rues se révélaient dangereuses la nuit tombée. Elle lui trouvait une allure singulièrement moqueuse, et ce grand croissant inaccessible prenait pour elle la forme d’un gigantesque sourire qui la raillait, elle, pauvre petite chose égarée dans un monde si sale et si sordide.
Elle secoua la tête pour effacer cette vision de son esprit, en vain. Elle ne se souvenait que trop bien des événements de la veille, de tous ces cadavres abandonnés au milieu des ruines du village, et de la soirée, et de ce qui s’ensuivit vraisemblablement… Comment, à la lumière de ceux-ci, lire dans cet astre lointain autre chose que des sarcasmes, des échos qui susurraient et vibraient à ses oreilles ? Et ce n’était que le deuxième jour du voyage… Il allait finalement se révéler bien moins prometteur que prévu.
Tout à coup, la pensée lui vint que tout cela avait pu n’être qu’un mauvais rêve, un cauchemar dû à son nouvel environnement – ironie que celle qui consisterait à la troubler dans son sommeil dans un cadre si paisible alors qu’elle dormait parfaitement dans le cadre souillé de la capitale. Après tout, il serait aisé de le vérifier. Sa décision prise, elle se leva et, après s’être enfin rendue compte qu’elle grelottait de froid, se vêtit d’une pèlerine et quitta Arandir et Therk pour aller chercher les autres.
Lorsqu’elle les trouva, ses jambes flageolèrent et elle ne put s’empêcher de s’asseoir sur une souche mouillée de rosée d’où elle les contempla, abattue. Ils étaient tous les deux assoupis sous les mêmes couvertures ; pire, ils étaient encore enlacés, comme s’ils n’avaient pas voulu se quitter malgré le sommeil qui guettait. Comme s’ils étaient devenus inséparables, comme si… Elle ne put supporter plus longtemps cette vision et, après avoir jeté un dernier regard triste sur la scène bien réelle, elle s’éloigna.
Sous l’œil songeur de Fadamar.
Therk se leva avec le soleil pour trouver tout le groupe encore couché, qu’il réveilla avec un enthousiasme forcené – pour une fois, ce fut Arandir qui bougonna, un bref instant seulement. Après le petit-déjeuner, frugal au cas où ils ne croiseraient pas de village correctement approvisionné avant longtemps, ils remontèrent à cheval et regagnèrent la route principale pour poursuivre leur périple. En voyant la mine défaite de Cytise, le barde et le vétéran échangèrent plusieurs regards inquiets, lesquels redoublèrent lorsque Sybèle se mit à plaisanter bruyamment avec Fadamar qui, lui, demeurait laconique dans ses réponses. Maigre consolation.
Therk préféra s’extraire de cette ambiance tendue en portant une attention soutenue au paysage, qui nécessitait une prudence plus importante que la veille. En effet, il ne s’agissait plus de vastes plaines à l’horizon presqu’illimité, mais d’arbres plus ou moins éparpillés. Therk doutait que d’éventuels brigands s’en prennent à une petite bande apparemment bien armée comme la leur ; cependant, les récentes attaques l’inquiétaient, et il fallait être nombreux pour se permettre de piller impunément des villages situés à une seule journée de cheval de la capitale. Il faudrait plus que cinq personnes, dont deux femmes, pour effrayer de tels assaillants, d’autant plus que seule Cytise portait une arme de jet – l’arbalète accrochée à son dos. Il suffisait de quelques bandits équipés d’arcs et dissimulés dans les feuillages pour que…
Les craintes de Therk ne s’avérèrent cependant pas fondées et ce fut sans avoir été attaqués que les mercenaires pénétrèrent dans le deuxième hameau en ruines, aux cadavres encore relativement frais. Il s’agissait vraisemblablement de celui d’où ils avaient vu s’échapper des fumées noires, la veille. Cette fois-ci, ils s’arrêtèrent un peu plus longtemps, et chacun alla vérifier si les brigands avaient emporté quoi que ce soit. Pendant une bonne demi-heure, ils explorèrent toutes les habitations, fouillèrent quelques corps, entrèrent dans les boutiques… Rien ne manquait : monnaie, armes, nourriture, tout ce qui n’avait pas été brûlé y était encore. Les assaillants n’avaient rien emporté, et les charognards n’avaient pas encore fait leur office. Therk en profita pour se constituer un petit butin pendant que les autres réunissaient la rare nourriture épargnée, puis ils remontèrent en selle et quittèrent le village, non sans commentaires du vétéran.
« Je ne comprends pas, c’est idiot. Pourquoi raser un village si c’est pour ne rien prendre ? Par pur sadisme ?
Cytise émit une hypothèse.
- Peut-être qu’il existait certains objets, disons, exceptionnels cachés dans ces hameaux ? Des objets magiques, ou je ne sais pas, précieux, quelque chose que nous ne pourrions pas même connaître ! Ou alors, peut-être qu’ils cherchaient des choses très basiques, mais pas précieuses, qui nous auraient échappé ?
- Ben voyons !
Ce fut à Fadamar de participer.
- Le Hasard les a jugés et condamnés. Ces villageois n’avaient rien d’intéressant. N’est-ce pas, Sybèle ?
- Je n’en sais absolument rien ! Je pencherais plutôt du côté de Cytise. Les brigands ne font rien sans raison, après tout. C’est peut-être juste une bande de psychopathes en vadrouille.
- Ben voyons !
- Tu te répètes, Poingtonnerre.
Le silence se fit comme les mercenaires méditaient. Cytise attendait de son côté les paroles d’Arandir, souvent pleines d’une sibylline sagesse malgré leur opacité. Par ailleurs, par pur esprit de contradiction, elle se mit à envisager la possibilité que Fadamar ait raison. Après tout, en tant qu’assassin, il possédait un instinct certain et elle ne l’avait encore jamais vu se tromper – d’un autre côté, elle ne le connaissait que depuis très peu. Si l’on suivait son raisonnement, alors le seul but de ces brigands aurait été d’exterminer le village. Restait à en trouver la raison – car, comme le disait Sybèle, il y avait toujours une raison quelque part. Pourquoi tuait-on des gens ? Pour les voler, pour se venger… Non, cela devait aller plus loin. Ils ne volaient pas, et on ne se venge pas contre deux villages, cela n’a pas de sens. Plus loin, oui, mais où ? Finalement, Therk vint interrompre leur réflexion.
- De toute façon, cela ne nous concerne pas. On a une mission, et nous ne sommes pas des justiciers, mais des mercenaires. Alors, on continue, et si ces assassins nous barrent le passage, on avise. »
Au sud, une fumée noire s’éleva.
* * *
« La mort, la mort ! Des vagues qui déferlent, un ouragan de raz-de-marée de volcans de tremblements de terre, le sol qui se retourne dans le ciel, et la mort ! Les éclairs, l’or, l’or, la mort, la mort, la mort… la MORT ! »
Kjeld V’Fohs se renversa dans son fauteuil en tremblant, congédiant les énergies bleutées de gestes frénétiques. Les innombrables crânes de magie pure qui tourbillonnaient autour de lui le harcelèrent encore longtemps avant de finalement perdre toute consistance. Malgré leur disparition, les mots continuèrent de s’imposer au nécromancien, de se heurter dans son crâne, de hérisser tous ses poils. Les morts hurlaient leur souffrance tout en profitant de la faiblesse actuelle de Kjeld pour le vriller de leurs mots glaciaux. Il tenta de se lever, mais ses gestes étaient trop saccadés pour qu’il y parvienne. Il frissonnait sans pouvoir s’arrêter. De froid ? La froidure de la mort annoncée par les esprits de ceux qui avaient péri de l’Invocation, si longtemps avant. De peur ? La terrifiante crainte de perdre le contrôle, de laisser les énergies bleutées l’emporter dans leur monde hivernal.
Tous ces risques pour rien. Les morts refusaient de l’aider. Ils se contentaient de jouer avec lui et faisaient preuve à cette occasion d’une joie sadique. Impossible d’en savoir plus sur l’origine de cette maudite Invocation, sur ses réels effets, sur sa source. Jamais auparavant une recherche ne l’avait poussé à appeler les morts aussi régulièrement, jamais il n’avait été confronté à une telle difficulté. Mais si ces cadavres bleus croyaient – si tant est qu’ils aient une véritable personnalité – le rebuter avec leur mauvaise volonté évidente, ils se trompaient lourdement. S’il y avait bien une chose qui intéressait Kjeld au plus haut point, c’était la connaissance ; pour elle, il était prêt à tout. Elle était sa priorité.
Il contint son imprudent désir de manipuler de nouveau la Nécromancie. C’eût été un suicide pur et simple. Depuis que ses prunelles avaient été calcinées par l’Invocation, il se sentait incroyablement faible, comme si la magie dorée avait affecté son corps tout entier. Il sentait les énergies bleutées se faire de plus en plus pressantes, comme si elles le poussaient à les manipuler encore et encore, comme si elles avaient quelque chose à lui dire absolument. Pourtant, chaque fois qu’il cédait à leur insistance, c’était pour les voir répéter toujours les mêmes choses, ressasser les mêmes mots dénués de sens, qui évoquaient tous une mutation et une destruction incontrôlées. Soit, mais où avait bien pu se réfugier l’Invocation par la suite ? Quand et comment s’était-elle divisée en plusieurs magies différentes ? Et surtout, comment s’en débarrasser ? Autant de questions qui demeuraient sans réponse.
Avec ceci qui occupait toutes ses pensées, comment prêter une attention sincère aux plans du Roi, qui lui semblaient désormais si superficiels, si dénués de la moindre importance ? Les monarques allaient et venaient. L’Invocation, elle, mettrait définitivement un terme à cette valse triviale si personne ne l’en empêchait. En réalité, seule la dernière information que lui avait apportée Deetje S’Nomotes lui permettait de simuler l’existence persistante d’un lien entre ses recherches et les manœuvres du Roi : celui-ci faisait désormais montre d’un intérêt certain pour l’Invocation et il comptait bien soumettre le mystérieux invocateur à sa volonté pour pouvoir manipuler à son tour la magie dorée. Une excellente raison pour l’étudier, d’autant plus qu’aveugle, Kjeld ne pouvait plus se révéler que d’une utilité relative à la Lumière de cendres. Même si une paire d’oreilles y était toujours précieuse.
Tout comme celle qui, entendant le nécromancien soupirer puis s’assoupir, alla faire son rapport au capitaine de la Garde sombre.
* * *
Ils n’avaient cessé de chevaucher depuis leur départ du deuxième hameau ravagé, et ils approchaient du troisième en silence, ayant épuisé tous leurs mots. Malgré le soleil éclatant, l’atmosphère était morose au sein du groupe : Fadamar ne faisait plus l’effort d’écouter la conversation volubile de Sybèle depuis longtemps au grand plaisir de Cytise, dont toute l’attention était portée sur l’assassin. Quant à Arandir et Therk, ils ne savaient plus trop où se mettre, un peu honteux de dissimuler des informations à l’alchimiste, même si c’était selon eux pour son bien. Ce fut donc avec soulagement que ce dernier accueillit les cris qui provenaient du village, apparemment pas tout à fait mort. Sans attendre, il fit quitter la route aux mercenaires, puis leur ordonna d’attacher les chevaux et de se déplacer furtivement en direction des premières maisons incendiées.
Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient par les bois, ils constatèrent que le village avait subi le même sort que les précédents. Il était donc surprenant d’entendre toujours des signes de vie, d’autant plus que ceux qui avaient commis les destructions n’avaient aucun intérêt à s’éterniser sur place. Non seulement ils ne volaient rien, mais encore il pouvait s’avérer dangereux de rester top longtemps : cela signifiait s’exposer à la fureur de poursuivants éventuels. Ils parvinrent finalement aux abords du village, où les voix se firent plus claires. Elles étaient relativement nombreuses, en tout cas au moins quatre, selon Therk. Il se retourna vers Fadamar, qui acquiesça. L’assassin partit tout seul en avant.
Il revint quelques minutes plus tard, aussi silencieusement qu’il était parti. Ce ne fut que lorsqu’il se mit à murmurer que Cytise le remarqua.
« Charognards. Six. Sans arcs.
Therk parcourut le petit groupe du regard en réfléchissant, puis il prit sa décision.
- J’ai toujours eu horreur des rats. Cytise et Arandir, vous me suivez. Fadamar et Sybèle, vous les contournez et arrêtez les fuyards. Prenez-en un vivant, si possible, il saura peut-être quelque chose.
Sybèle voulut répliquer, mais Therk ne lui en laissa pas le temps.
- Je sais, je sais. J’ai dit que ça ne nous regardait pas. Mais ça m’intrigue, et c’est sur notre chemin. Alors, on y va. Bonne chance à tous. »
Il se mit à avancer précautionneusement dans un silence qui étonna Cytise. Elle ne croyait pas le guerrier capable d’être aussi discret avec un fléau d’armes aussi lourd à la main. A ses côtés, Arandir avançait telle une ombre parmi les arbres, et sa démarche était celle d’un prédateur, résolue et inquiétante. Même pour qui se trouvait dans son camp.
Bientôt, les trois mercenaires atteignirent un muret miraculeusement intact, qu’ils longèrent en rampant. Une voix nasillarde et une plus rauque semblaient se disputer, mais il aurait fallu se concentrer pour entendre les paroles et Cytise se préoccupait plutôt de sa discrétion. Puis, arrivés au bout, ils se dissimulèrent derrière un mur qui soutenait autrefois un toit, d’où Therk put jeter un coup d’œil discret. Par quelques gestes précis, il informa Arandir, qui esquissa les mêmes gestes à l’attention de la jeune femme. Elle hocha la tête et, le plus silencieusement possible, arma son arbalète. Le barde dégaina enfin sa rapière, adressa un ultime sourire rassurant à Cytise, puis ses traits se tordirent en un rictus sinistre et il s’apprêta à bondir à la suite de Therk.
Alors le vétéran chargea en hurlant, le fléau tournoyant au-dessus de sa tête, et Arandir courut derrière lui, prêt à le protéger des coups. Avant qu’ils n’atteignent des ennemis pris au dépourvu, Cytise surgit de sa cachette et visa la tête d’un pillard excentré. La corde claqua et le carreau fila au loin, sans causer de dommage. Elle jura, saisit un nouveau carreau et tourna la manivelle de son arme, pendant que celui qu’elle avait manqué dégainait et se précipitait vers elle.
Puis Therk atteignit le reste du groupe et lança la tête de son fléau en avant. D’un balayement, il écrasa deux corps encore dans l’expectative. Les autres reculèrent d’un pas, puis contre-attaquèrent. Emporté par son élan, le guerrier leur présentait désormais son dos. Alors Arandir entra en scène, déviant toutes les attaques à une vitesse stupéfiante, tournant comme une toupie à la suite de Therk. Quand celui-ci s’apprêta à frapper de nouveau, les trois pillards bondirent en arrière, lames brandies.
L’homme était désormais trop prêt pour lui laisser une autre chance si elle ratait son tir. Cette fois-ci, elle se remémora les leçons de Therk, et entendre de nouveau la voix du guerrier lui permit de garder son calme. ‘Vise toujours le ventre, ma fille. C’est le point le plus large, et si tu le rates, tu pourrais bien toucher un point encore plus sensible. Toujours le ventre.’ Elle pointa son arbalète presque tranquillement, l’orienta vers le ventre du pillard, et lâcha le projectile. Il alla s’enfoncer dans son cœur.
Sur la place du village, les charognards survivants, à la vue de la mort d’un autre de leurs compères, tournèrent soudain les talons et se mirent à courir, sans que Therk ou Arandir fassent mine de les suivre. Tout juste l’un d’entre eux s’effondra-t-il lorsque l’une des deux dagues projetées par les mercenaires vint se ficher dans sa nuque, sans que les autres ne s’en préoccupent. Cytise vint rejoindre ses amis au centre de la place. Désormais, tout reposait sur Fadamar.
Celui-ci entendit les pas précipités des pillards bien avant de les voir et jeta un coup d’œil à Sybèle pour vérifier si elle avait bien le petit sac de poudre qu’il lui avait confié. C’était le cas. Nathan lui avait certifié que les plantes qu’il avait broyées avaient un effet lacrymogène immédiat pour peu que la cible reçoive bien la poudre dans les yeux. L’espionne paraissait suffisamment vive et agile pour ne pas manquer son coup.
Quand les deux fuyards les aperçurent enfin, ils se séparèrent sans hésiter, et Fadamar prit en chasse l’un des deux sans sourciller, non sans noter le juron poussé par Sybèle, qui avait vraisemblablement gâché la plante broyée. Dans son affolement, sa proie trébuchait et haletait parmi les bâtiments en ruine, et l’assassin le rattrapa en un clin d’œil. Quand elle se tourna vers lui en agitant maladroitement son arme, il lui projeta une poignée de poudre sur le visage, ce qui eut comme effet immédiat de pousser l’autre à lâcher sa lame pour se frotter éperdument les yeux. Fadamar l’assomma de la garde de sa dague, et immédiatement se lança à la poursuite du deuxième, soucieux de découvrir l’attitude de l’espionne.
Il paraissait immatériel tant le silence de sa course était complet : il ne fallait surtout pas que Sybèle sache qu’il la surveillait. Bientôt, d’une maison branlante mais encore vaillante, il entendit s’échapper la voix étonnamment impérieuse de l’espionne. Il s’approcha discrètement tout en tendant l’oreille.
« J’vous jure, je n’sais rien de plus ! Des gens bizarres avec des masques, des soleils ! Me tuez pas !
- Tais-toi. »
Au moment où elle apparaissait enfin dans son champ de vision, Fadamar la vit trancher la gorge du pillard, qui s’étouffa dans son sang. Elle se retourna brusquement, mais il eut le temps de se jeter derrière un mur et elle ne parut pas le repérer. Alors elle sortit de la maison et se mit à chercher quelque chose – c’est du moins ce qu’il semblait à l’assassin. Il la fila en toute discrétion, jusqu’à comprendre le lieu qu’elle désirait atteindre : l’endroit où gisait assommé le dernier pillard survivant. Cette fois-ci, elle ne prit même pas la peine de l’interroger.
Fadamar provoqua leur rencontre quelques minutes plus tard, simulant l’essoufflement, sous le regard amusé de Sybèle, qui ne résista pas à la tentation de le railler. Puis il se renseigna.
« As-tu eu le tien ?
Elle répondit sans sourciller.
- Oui, je l’ai eu. Il baigne dans son sang à l’heure qu’il est. Qu’en est-il du tien ?
- Il est assommé, dans le coin. Comme nous étions censés nous y prendre. Comment se fait-il que le tien soit mort ?
Sybèle haussa les épaules.
- J’ai manqué mon lancer. Sans poudre, j’ai dû le combattre, et je n’ai pas pu le désarmer. C’était lui ou moi.
- Je vois. Allons chercher le survivant.
Fadamar étudia attentivement le visage de l’espionne, mais nulle émotion ne vint s’y loger. Elle ne présentait qu’un masque impénétrable, que n’aurait pas renié l’assassin lui-même. Quelques pas plus loin, ils découvrirent le cadavre, dont le sang encore chaud s’écoulait lentement sur le sol. Comme il l’avait supposé, c’est Sybèle qui prit les devants pour se moquer de lui, une tactique aussi éculée que celle de l’embuscade.
- Ah oui, vivant, sans nul doute ! Quel maître assassin !
Et ce fut bien volontiers que Fadamar accepta de se prêter au jeu, poussant même le vice jusqu’à ne pas contester et jouer la carte de la fierté blessée. Pour Sybèle, son orgueil d’assassin serait tout à fait suffisant pour expliquer son manque d’intérêt concernant celui ou celle qui avait causé la perte du pillard.
- Peu importe, ce n’étaient que de vulgaires charognards.
- C’est moi qui l’ai tué.
Il haussa un sourcil. De toute évidence, il l’avait sous-estimée, et l’espionne avait percé à jour sa manœuvre. Ou peut-être l’avait-elle repéré lors de sa filature. Toujours est-il qu’elle brouillait remarquablement bien les pistes. Fadamar attendit avec un plaisir presque pervers la justification.
- Ecoute, cher et tendre. J’ai relativement mal vécu le jour où des brigands sont venus piller le village de mes parents. J’étais toute gosse à l’époque. Je suppose que tu as entendu parler de la guerre contre les Hommes des sables, tu y as même sans doute participé.
Fadamar hocha la tête. Bien sûr, qu’il y avait participé. Il avait même été l’un des acteurs principaux de la victoire du royaume… Non, c’était inexact. Pas lui, mais sa disciple. Celle dont personne n’avait admis l’existence, préférant la reléguer au rang de légende, comme si les habitants du royaume avaient eu trop peur d’accepter l’existence d’une personne aussi inhumaine, démoniaque. Son ancienne disciple. Son aimée…
- Ma famille avait survécu au massacre, avec quelques rares villageois qui s’étaient dissimulés dans une cave secrète. Mais après les Hommes des sables sont venus les pillards. Ils croyaient trouver un village mort, et lorsqu’ils se sont rendu compte que tel n’était pas le cas, ils ont abattu tout le monde. Sauf moi, la fillette qui criait de peur. Moi, ils m’ont prise à tour de rôle, avant de me laisser pour morte.
L’assassin s’extirpa de sa nostalgie pour fixer avec attention les traits de l’espionne, soudain plus crispés. Ses yeux bleu-gris brillaient d’une fureur féroce, bien que contenue.
- Alors, comprends que je les hais. »
Il l’observa attentivement, puis se détourna pour aller rejoindre tous les autres. Pour une fois, il ne savait trop que penser. Sybèle était incroyablement crédible, et ses propos n’allaient aucunement à l’encontre de ses actes, bien au contraire. De toute façon, il avait eu le temps d’entendre les mots du premier pillard qu’elle avait occis.
C’était presque tout ce qui comptait.
* * *
C’est Markvart K’Thraus en personne qui franchit la porte de la chambre où dormait toujours l’Arme de chair et vint annoncer au roi les dernières nouvelles, qui allaient nécessairement le contrarier. Il trouva Jari B’Rauts assis au bureau, l’air pensif, en train d’écrire quelques missives sans y prêter grande attention, préoccupé qu’il était par l’état de santé de sa protégée. Quand Jari remarqua que Markvart se tenait dans la chambre en attendant qu’on lui donne la parole en sus de l’absence de l’herboriste, il ne s’énerva pas. A la place, il soupira profondément, et son air las en disait long sur son inquiétude.
« Allez, Markvart, dis-moi tout. Pourquoi ne me ramènes-tu pas Nathan ?
Le capitaine répondit promptement.
- D’après un certain nombre de témoins, il a été enlevé ce matin dans le quartier ouest par des membres de la secte, qui n’avaient pas pris la peine de retirer leurs masques. Cependant, l’herboriste avait des ressources insoupçonnées…
Jari eut un de ces sourires francs dont il avait le secret.
- Parle pour toi, capitaine ! Je soupçonne ce vieil homme de cacher pas mal de choses, et m’est avis que ses ravisseurs auront du mal à lui extirper les renseignements qu’il désire. Par ailleurs, j’ai en ma possession ce qui lui est peut-être le plus cher au monde.
Markvart haussa un sourcil, avant d’avancer.
- L’assassin ?
- L’assassin. Elle s’appelle Ellébore, c’est lui qui me l’a révélé. Continue.
- Nous avons relevé une longue trace d’un liquide visqueux et extrêmement tenace, qui semble former une piste. Je suis à peu près certain que Nathan est au bout. J’ai déjà envoyé nos meilleurs espions sur ses pas. Avec un peu de réussite, il nous conduira même jusqu’au repaire principal de la secte. Si toutefois nous ne pressons rien, bien sûr…
Le roi ferma les yeux, comprenant parfaitement ce que voulait dire son capitaine. C’était à lui de faire un choix, à lui de décider des événements à venir. C’est pour cela qu’il avait tant désiré monter sur le trône du royaume : pour décider du sort du moindre de ses sujets. Pour être confronté à des dilemmes, pour se torturer l’esprit sur des problèmes dénués de toute solution. Maintenant qu’il y était, qu’il devait choisir un chemin, il ne trouvait plus l’hésitation si exaltante. Il pouvait se reposer sur K’Thraus, qui saurait prendre sans nul doute la meilleure décision pour le royaume, mais c’eût été faire preuve d’une lâcheté qui ne l’avait jamais caractérisé. Alors, Jari rouvrit les yeux et, fixant Markvart sans ciller, il déclara.
- Nous prendrons le temps qu’il faut. Elle s’en sortira seule, j’en suis persuadé.
Markvart acquiesça, approuvant le choix du roi. Sachant que le sujet demeurait sensible, il adopta une autre direction.
- Sinon, Kjeld V’Fohs est toujours aussi obnubilé par l’Invocation. Je doute qu’il travaille pour qui que ce soit – hormis lui, bien sûr. Vous le connaissez : sa soif de connaissance prend le dessus sur le reste. Cela dit, la Garde sombre continuera à le surveiller : il reste pour le moment le plus grand nécromancien du royaume, même si nous risquons de le perdre bientôt, de l’avis d’autres magiciens.
- Pas de lien avec la secte, donc ?
- En tout cas, nous n’en avons pas la preuve.
Jari hocha la tête, satisfait. Même s’il l’aurait fait sans sourciller, il ne tenait pas à se débarrasser du nécromancien, un des rares sorciers qu’il estimait réellement, avec feu Alrick N’Drof. De plus, il avait clairement montré, le soir du meurtre du roi précédent, que le trône ne l’intéressait pas. Un excellent point en faveur de sa survie.
- Bien. Merci, capitaine. Tu peux disposer. Oh, et fait quand même venir un apothicaire pour veiller sur l’assassin. Je ne tiens pas à la perdre. »
Markvart s’inclina, puis sortit de la pièce d’un pas vif, déjà en train d’organiser la traque des ravisseurs de l’herboriste dans sa tête. Il eut une brève pensée pour Signe, qui lui manquait déjà tant pour ses compétences que pour son affection, puis l’oublia et alla donner ses ordres.
* * *
Lorsque Signe N’Mephe et Osbern parvinrent au deuxième village traversé par les mercenaires, ils le trouvèrent bien moins inhabité que ces derniers. Ils ne s’en rendirent toutefois compte que lorsqu’une bande de silhouettes vêtues de noir, dont le front se creusait en une cicatrice imitant un soleil, se matérialisa tout autour d’eux, les menaçant de courts arcs recourbés. Comment un officier de la Garde sombre avait-il pu se laisser surprendre aussi aisément ? Pour la énième fois ces derniers temps, Signe se mordit la lèvre inférieure : une nouvelle preuve d’incompétence, sans le moindre doute. Même les quelques mots que lui glissa Osbern à l’oreille ne purent la déculpabiliser.
« Vous n’y êtes pour rien. Ces hommes-là sont dangereux.
Ils étaient une dizaine, un nombre bien insuffisant pour venir à bout de deux Gardes sombres en temps normal, mais ils les avaient encerclés et possédaient des armes de jet. L’un d’entre eux vint se placer devant eux et, bombant le torse, les railla.
- Allons bon, deux éminents Gardes sombres pris au piège par de simples larbins comme nous ! M’est avis que père sera fort aise lorsque nous lui rapporterons vos têtes. Avez-vous une dernière requête ?
Signe tourna la tête vers Osbern, qui haussa les épaules, avant de répondre.
- Oui, en effet. J’aimerais bien savoir qui est ce père si prolifique.
- Requête rejetée. Adieu, chère élite ! »
Dans un bel ensemble, Signe et Osbern sautèrent de cheval pour esquiver les flèches, dont certaines vinrent se ficher dans leurs montures. Celles-ci churent sur le sol, se convulsant avec force hennissements, pendant que les Gardes sombres dégainaient et se ruaient sur leurs adversaires. Las, ceux-ci s’étaient bien abrités derrière des pans de bâtiments et les attendre en esquivant et en parant les flèches était mission impossible. Tous deux se précipitèrent dans un retranchement provisoire, cherchant une solution.
Alors Osbern se mit à esquisser des gestes dans l’air, comme s’il tirait sur des fils invisibles, et Signe mit d’interminables secondes à comprendre que son homme de confiance s’apprêtait à manipuler des énergies. La vice-capitaine de la Garde sombre, trop occupée à dévier les rares flèches qui trouvaient leur chemin vers leur abri, n’osait pas le regarder, mais elle l’entendait très nettement ahaner, comme s’il éprouvait les pires difficultés à invoquer la magie.
Enfin, l’air se teinta de noir et bientôt les ténèbres s’abattirent complètement sur le village, ce qui provoqua des exclamations inquiètes de la part de leurs agresseurs. Signe jeta un coup d’œil dans son dos et constata qu’Osbern était adossé au mur, apparemment à bout de forces. Deux évidences s’imposèrent à elle : son compagnon ne lui serait plus d’aucune aide dans le combat, et il ne pourrait maintenir l’Abjuration très longtemps. Alors, elle le remercia d’un hochement de tête et jaillit comme une panthère noire de son abri, frénétique, avide de chasser les impudents qui avaient osé s’en prendre à la Garde sombre. Chaque forme qui lui tombait sous les pattes succomba sans un son, fendu par sa longue lame, et elle n’arrêta de bondir que lorsqu’elle eut abattu tous les agresseurs, y compris ceux qui tentèrent de s’échapper du ciel ténébreux.
Alors la rage toute animale qui imprégnait son être l’abandonna et elle s’effondra par terre, haletante, les cheveux gorgés de cendres, de sueur et de sang. Elle se força malgré sa fatigue à se relever pour aller voir comment se portait Osbern. Il s’était évanoui mais respirait toujours, au grand soulagement de Signe. Un instant, elle avait craint qu’il ne se soit laissé entraîner par la magie. Heureusement, il avait su s’arrêter à temps. Elle s’assit péniblement à ses côtés et attendit patiemment qu’il se réveille pour lui annoncer sa nouvelle résolution. Désormais privés de montures, ils ne pourraient plus tenir le rythme des mercenaires.
Désormais, l’éradication de la secte représentait son seul et unique objectif. Et cette fois-ci, elle assumerait les conséquences la tête haute. Car pour une fois, elle n’obéirait pas aux ordres, mais suivrait sa propre voie. N’en déplaise à Markvart.
* * *
Ah, je vois que tu allais diriger ton regard vers le Roi, t’attendant à le voir s’activer une fois de plus dans l’ombre. Libre à toi de le faire, mais tu risques d’être bien déçu. Non, jette plutôt un œil à l’est, tout là-bas, sur ce château illuminé malgré l’heure tardive. Tu ne t’y es que rarement intéressé, persuadé qu’il n’a aucune importance dans les vies que tu déroules. Je me demande même si tu connais le nom du noble à qui il appartenait.
Tu hésites, tu sondes ta mémoire, et tu en reviens bredouille, cela se lit sur ton visage. Allez, je vais t’aider : il s’agit d’Olaf N’Maiz, mort trop rapidement pour pouvoir participer à cette histoire. Mais sa femme, elle, est bien en vie et a des soutiens puissants. Un grand du royaume, ce n’est pas rien. Qui donc ?
Oh, je vois bien que je t’ennuie. Et puis, tu as raison, d’une certaine façon : les réunions qui s’y déroulent n’ont pour l’instant aucune importance. Et puis, si un événement susceptible de bouleverser le royaume est en train d’y naître, soit sûr que les espions du roi qui le guettent sauront te tenir informé.
Oui, oublions donc Halvor L’Gellaus. Pour le moment.
Chapitre 5 : Prémisses
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- Écrit par Monthy3
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