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Vlad s’ennuyait, mais ferme, de voir son ami chroniqueur s’acharner sur l’antiquité grotesque qui lui servait de machine à écrire. Lui-même pesait avec sa main la petite bourse à son cou. Il n’avait pas sommeil mais c’était l’effet des drogues. Effondré contre la table, son ami n’avait pas la même chance. Ils avaient également faim et soif, enfin, ils sentaient bien que le temps allait leur manquer. Mais à écouter le ressort de la machine se tordre et se distordre, le drogué sut qu’il fallait encore patienter.
« C’est à croire que quelqu’un s’ingénie à nous rendre la tâche impossible ! » s’exclama Quirinal en arrêtant d’écrire.
Les deux chroniqueurs n’auraient pas été plus étonnés que cela de voir apparaître un esprit malin dans la pièce où ils se trouvaient. Les fenêtres étaient du reste grandes ouvertes. Mais ils étaient bien les seuls occupants des Chroniques, en tout cas, dans la partie du château qui n’avait pas été mise sous verrou.
« T’as d’jà essayé les mélanges ? » demanda le petit drogué au bonhomme qui s’était remis à taper. Il pensait alors à ses substances, les doses et les moyens d’additionner les effets. À mesure que le temps passait, ses idées devenaient brumeuses et il n’était plus toujours sûr du cheminement qui le menait de l’une à l’autre. Et le ressort de faire toinc. Il n’avait même plus envie de mâchonner son bâtonnet.
« Qu’est-c’tu f’ras si on ouvre une porte ? T’y as d’jà pensé ? »
« Quoique je n’aie pas l’esprit à ça, » répondit de son aire bonhomme le chroniqueur, en se débattant avec la touche espace, « j’y ai effectivement réfléchi. »
« Et alors ? »
« Cela dépendra, » reprit Quirinal, en resserrant le rouleau avec la clé, « de ce que nous trouverons derrière. Plus de manuscrits, d’autres chroniqueurs, dans tous les cas des réponses. Et s’il n’y a rien, que les autres se débrouillent, j’irai faire un somme. »
« Tu f’ras quoi, si y a une bête ? »
Mais son ami était trop occupé à suer sur le bord de page qui s’était déchiré quand il avait voulu l’insérer dans la machine. Le claquement des touches égrenait leur temps. En fait, ils n’avaient toujours pas la plus traître idée de ce qu’ils devaient faire, exactement. Sans cela, ils auraient déjà résolu toute cette affaire, l’énigme des Chroniques et son labyrinthe – de trois pièces, pour le moment – mais il fallait toujours tout recommencer et c’était ce travail épuisant qui constituait leur plus grande difficulté.
« Attends, que disais-tu à propos de mélanger ? »
La machine continuait de taper même si le chroniqueur bonhomme s’était retiré du clavier et, même, avait écarté sa chaise de la table. Il avait pris son air inquisiteur que Vlad trouvait si drôle sur sa face potelée.
« T’aurais pas trouvé quelqu’chose, Quir’ ? Une p’tite idée pour faire parler ces bouquins ? »
« C’est malin, » se plaignit son comparse, « tu m’as fait oublier ce que c’était. J’avais la solution sur le bout des lèvres. »
Il se remit à taper bon gré mal gré, à saisir le texte avec obédience, sous le regard fixe du drogué. Le ressort fit toinc encore. La solution venait toujours quand on avait besoin d’elle. Magique. C’tait comme ça. Ou alors ce devait être le Libra qui agissait. Il n’était pas trop sûr, pas trop. Mais si ça pouvait changer, si n’importe quoi pouvait changer, ce ne serait pas plus mal. Le drogué laissa dodeliner sa tête. Il y réfléchissait, lui aussi.
« Eh, Quir’ ? »
« Oui ? »
« Et si c’tait une histoire d’distance ? Si c’tait trop loin des Chroniques, t’simplement ? Dans les histoires, c’toujours pareil à c’qu’tu connais, là p’t’être qu’y a pas ça. P’t’être qu’il faut ajouter ça, là, sur tes feuilles. »
Le sourcillement prolongé de l’autre chroniqueur laissa exprimer toute la valeur de l’idée :
« Rendors-toi, je vais chercher tout seul. »

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