Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Le chroniqueur tâta ce passage ouvert, entre deux torches éteintes qu’il s’empressa de raviver. Il était déjà passé dans ce couloir et se souvenait très nettement que toutes les portes étaient alors bien verrouillées. Celle-ci s’était ouverte dans les dernières minutes. Pour la première fois alors, bien que Vlad lui en ait parlé, Quirinal vit nettement marqué sur le battant le mot de « Verrou », en attaché, qui s’effaçait. Il avait disparu. Quelqu’un, ou quelque chose, avait affaibli la force du mot.
Derrière cette porte, le chroniqueur le savait pour s’être promené de long en large dans le château – même si cela faisait longtemps – se trouvait un grand écritoire aux bancs penchés et lourds, tachés d’encre. Plus personne ne l’utilisait mais c’était ce petit côté des Chroniques que de tout conserver. Une très forte odeur de… de colle ? émanait de l’intérieur. Il entra, sans grande gêne, éclaira tout autour de lui et vit que rien n’avait changé. Les bancs étaient alignés de façon scolaire, avec peu d’espace. Ils avaient tous des chandelles neuves, remplacées une fois et qui n’avaient jamais brûlé.
Il regarda dans les tiroirs, relevant pour cela les pupitres et les refermant sans faire de bruit, pour y trouver diverses affaires laissées là, toutes utilitaires, pour qui voulait écrire, inutiles pour une aventure et sans mémoire pour lui. Même si la pièce se trouvait en étage, son atmosphère était celle d’une cave.
Dans un coin, tiré de travers et surélevé se trouvait un banc plus large et plat, incongru dans cette pièce et qui servait en fait à déposer les ouvrages annotés. Il trouva dessus de petits livrets, de grands tomes, plus d’une vingtaine de livres qui se disputaient la place. L’odeur de colle venait de là, si forte qu’elle effaçait celle de renfermé et celle du bois. Le chroniqueur n’eut pas le cœur de les toucher. Il savait déjà dans quel état étaient ces livres.
« Je ne risque rien à parier qu’ils n’ont pas été oubliés là. »
Et s’il avait parlé à haute voix, c’était pour s’assurer que personne ne se trouvait avec lui dans cette pièce, puisqu’il ne connaissait pas encore la cause qui en avait déverrouillé l’accès. Ces livres avaient des titres, des auteurs. Il reconnaissait les noms. Ils avaient tous été écrits là, dans le temps, sans doute durant le saccage y avaient-ils été ramenés. Quirinal jugea qu’il n’avait plus aucune raison de s’attarder.
Son entrée dans le petit salon, où enfin le bonhomme se sentit respirer, fut remarquée par son comparse.
« T’as l’teint pâle. Et les mains vides. »
« Une des portes s’est ouverte, un peu plus bas, un des vieux écritoires. J’y ai retrouvé une vingtaine de livres en décomposition, beaucoup de souvenirs mais personne pour m’accueillir. J’en suppose que ce qui garde les portes fermées est en train de perdre de sa force. »
« Et si t’avais juste soufflé d’ssus ? Hein ? C’bouquin » il faisait pendre le livre entre deux de ses doigts « est plein d’surprises, on n’s’ennui’ra pas. »
Quirinal rejoignit son ami drogué pour lui prendre l’ouvrage et faire défiler les pages. Il s’était absenté si longtemps que ça ? Le chroniqueur avait annoté dans presque toutes les marges. Ou bien simplement tous deux connaissaient déjà l’histoire. Oui, ce devait être ça.
« Tout de même, cela me dérange de partir sans laisser personne pour garder les Chroniques. Si un chroniqueur revenait, ou bien avec ce Mgrv à nos portes. Je n’aime pas cette idée. »
« Tu t’fais d’la bile. Ce n’sont qu’des pierres d’plus, des bêtes de plus dans l’labyrinthe. »
« Comme le minotaure ? » fit remarquer Quirinal. « Mais ce labyrinthe, c’est le nôtre. »
« C’pas sûr. »
Le loqueteux ne voulut rien dire de plus, mais lui ouvrit un sourire effrayant qui laissait voir toute la gencive et les chicots qui servaient de dents. Son ami en fut intrigué, sans plus, et préféra se laisser distraire par l’histoire qu’ils allaient explorer. Cela faisait suffisamment de questions, suffisamment de mystères. Ils étaient restés enfermés trop longtemps dans les Chroniques.
Désormais c’était à eux de prendre l’initiative.

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