Ils étaient partis tous les deux au matin après avoir expliqué à
Mederick T’Nataus leurs intentions. Ce dernier resterait caché avec son
ami souffrant au Palace des Pauvres qui, dans son cas, s’enrichirait
pour lui de quartiers plus agréables, rien que l’or ne pouvait obtenir.
À part leur tentative, il ne restait plus que la veille pour espérer
voir l’état du noble s’améliorer. Aussi Mederick, non sans maudire le
temps que cela prendrait, s’était résolu à laisser partir l’apothicaire
et son étrange compagnon. Il comptait se rabattre, en cas de problème,
sur l’herboriste Nathan.
Pas un instant eux d’eux n’avaient songé à
parler au noble de l’invocation, pas sans perdre aussitôt toute
crédibilité. Ils auraient pu convaincre un désespéré mais le noble
n’était pas désespéré : il faisait son possible et dénigrait
l’impossible. Pour le reste, ils n’avaient pas menti. Chercher un
ermite sauvage et nomade n’enchantait ni l’un ni l’autre. Le devin
avait alors proposé le plan le plus simple du monde, qui consistait, si
le livre avait été détruit volontairement, à retrouver le coupable. Il
devinait le trouver en un lieu et un seul, et avait tant insisté que
son ami lui faisant confiance, ils s’étaient mis en route pour le
quartier nord. Tous deux voulaient rencontrer l’enquêteur officiel
Ghendes Jan et l’utiliser pour qu’il les fasse entrer à la Lumière de
cendres.
Une courtine de briques rouges haute de dix mètres,
hérissée en son sommet, isolait les nobles du reste de la cité. Aux
portes la garde ne laissait passer personne. Seule une poterne était
ouverte, sur ordre, aux messagers ou à quelques personnes désignées.
Ils étaient tous les deux trop mal vêtus pour entrer. Le nom de Jan ne
suffit pas, loin s’en fallait, pour convaincre les faces moqueuses des
soldats. Après avoir tout tenté, ils durent s’éloigner sous la menace
et se retranchèrent près des douves. L’odeur de l’eau stagnante faisait
déserter une légère bande de terrain dégagée de toute habitation, pavée
par une époque ancienne et qu’un vieux muret en ruines séparait de la
fosse même. Face à eux les dominant de haut s’élevaient les murs et les
tours noires de la Lumière de cendres. Ils ne pouvaient pas l’approcher
de plus près.
- Quelle surprise, nous avons échoué. Allons nous enivrer à la Hache Brisée, nous aurons les mêmes chances et moins soif.
- Eh ben Quill, défaitiste ? Pas facile d’entrer mais facile d’faire sortir.
Immédiatement
son compagnon protesta contre l’idée qu’il avait eu l’erreur de
formuler le soir précédent, alors qu’ils étaient dehors et qu’il avait
senti le besoin de plaisanter. Il avait alors proposé rien moins que de
dénoncer les deux nobles pour être sûr de faire sortir Ghendes et
surtout pour le rencontrer. L’option aurait été tentante si elle
n’impliquait pas de les faire emprisonner ce qui un supprimerait leur
raison d’entrer au château et deux réduirait à néant les honoraires que
l’apothicaire comptait retirer de l’histoire. Il avait là deux
excellentes raisons de protester et une de n’en rien faire, qui était
que Vlades ne l’écoutait à priori jamais. Au final cette raison-là
l’emporta sur les autres.
Tous deux s’installèrent dans la table du
coin, au fond de l’auberge de la Hache Brisée, non sans vérifier au
passage qu’aucun des deux nobles ne s’y trouvaient. Ils s’étaient
entendus sur la marche à suivre : de son bras poilu Quill héla pour
deux bières. Il laissa son ami déployer tout son attirail de
substances, étaler les poudres et peu à peu sombrer dans ses rêves. Lui
rêvait de faire pareil mais avec du tabac, un produit trop luxueux pour
leur condition. Il préférait n’en rien dire devant cette exposition de
produits aussi chers. Peu à peu les fumées rejetées couvrirent leur
coin.
Ce fut à ce moment que la rumeur les atteignit. De discrète,
amenée par juste un client pour qui ce n’était également qu’un bruit,
elle devint persistante et de plus en plus pressante à mesure que de
plus en plus de personnes en ramenaient des détails qui se
corroboraient. Une nouvelle secte était apparue, une secte cachée
quelque part au quartier ouest et dont les membres portaient des
masques en forme de soleil. Ils avaient trouvé l’un de ces masques
abandonné dans une ruelle près d’un entrepôt déserté, une place où
personne ne voulait se rendre. Quill et Vlades s’échangèrent un regard
entendu.
47 - Pion, pour Ghendes
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- Écrit par Vuld Edone
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