Pas un lieu de la capitale n’avait ignoré l’enlèvement du noble et
nécromancien Kjeld V’Fohs, celui-là même qui se présentait aux dîners
du roi et n’avait pas de plus grande richesse que son savoir. Sa perte
venait de porter un grand coup à la puissance rayonnante de la Lumière
de cendres. Pour le retrouver, pour le peu d’espoir qu’il restait de le
retrouver, la Garde Sombre elle-même avait été envoyée dans le quartier
ouest, le quartier où était réputée se terrer la secte. Ils n’avaient
pour se guider que les rumeurs les plus folles et le rapport du garde
du corps qui cette nuit-là avait survécu à l’embuscade. Aussi
recevaient-ils l’aide de l’enquêteur Ghendes, dont le premier souci
était de déterminer la raison de l’enlèvement. Certain que cela n’avait
rien d’un assassinat l’enquêteur avait vite conclu qu’il s’agissait
d’une tentative de chantage contre le roi.
Un garde vint lui
apporter sur son bureau le rapport des fouilles au quartier ouest.
Dedans se trouvait l’arrestation d’un forgeron, un misérable dont le
fourneau tenait dans la paume et qui ne maniait que les métaux les plus
grossiers. Les gardes avaient découvert près de lui, puisqu’il
n’habitait nulle part, un masque inachevé. Ils l’avaient aussitôt
ramené avec eux au château, ils l’avaient enfermé et l’interrogeaient
désormais. Ghendes s’empourpra violemment à l’idée que c’était son rôle
d’enquêteur que de poser les questions. Il exigea d’être mené à ce
hère, dans les plus bas niveaux de la Lumière de cendres.
Les
couloirs gouttaient courbés par le poids de leurs voûtes. Le sol pourri
par les brins de paille exhalait entre ses interstices une puanteur à
chaque pas. D’épais barreaux fermaient les cellules des deux côtés
innombrables. Ils passèrent lui le gardien et son trousseau devant
autant d’indigents et de criminels aux corps usés par la faim et les
maladies, par le juste poids du remords. Certains se plaignaient,
d’autres n’avaient plus la force de gémir, les plus forts suppliaient
de les achever. Ici le roi pouvait visiter ses ennemis et les écraser
d’un simple regard. L’enquêteur fut impressionné par le silence de
certains pourtant vivants mais qui laissaient pendre les membres et ne
réagissaient même plus aux passages. Ils avaient tous l’air infiniment
vieux, l’un surtout avait un regard profond effacé par un gouffre d’âge
que les geôles seules ne pouvaient pas expliquer.
Ils arrivèrent
devant la cellule du forgeron. Le gardien ouvrit et s’effaça. À
l’intérieur le loqueteux chercha à rassembler ses frasques tant il
était intimidé par l’arrivée d’un homme trop bien habillé pour lui. Il
ne ressemblait lui-même à rien. Seul son regard disait quelque chose,
une terreur née suite aux premières questions de la garde. Son corps en
portait encore les marques.
- Est-ce la secte qui t’a commandé ce masque ?
- Oui ! Oui c’est la secte, c’est elle !
- Qui exactement ? Un noble ? Avoue, c’est un noble ! À qui devais-tu le remettre !
- Oui, un noble oui ! Comme vous dites, un noble !
Il
le savait ! Une secte ne pouvait pas apparaître aussi brutalement sans
un soutien de quelqu’un haut placé. Quant à déterminer qui, il en avait
quelque idée. Mederick T’Nataus avait disparu avec son ami Thorlof
L’Fyls, or ce dernier était le coupable sans aucun doute de
l’assassinat du Roi. Ainsi toutes les pièces se rejoignaient. Sans
aucun doute possible Mederick dirigeait la secte, probablement caché
dans le quartier nord loin des soupçons : un noble refuserait la crasse
des quartiers pauvres, à moins d’être aux abois mais justement, grâce à
la secte, Mederick ne l’était pas.
Heureux de ses résultats, Ghendes
conclut que l’enquête venait de prendre fin. Il ne resterait plus à la
Garde Sombre qu’à faire son travail, le détail de retrouver ce chef et
ses subordonnés. Quand le roi K’Rahsco serait mis au courant,
l’enquêteur ne doutait pas d’être récompensé. Il lui présenterait les
faits indéniables qui allaient à l’encontre du noble Mederick T’Nataus.
La tête emplie de cette conclusion, quand un garde lui annonça que deux
personnes voulaient lui fournir des informations sur la secte, il les
fit renvoyer sans la moindre arrière-pensée. Le garde avait oublié de
prononcer le nom de Vlades Jan.
52 - Pion, toute l'enquête
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- Écrit par Vuld Edone
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