Il n’avait jamais été un conspirateur et à présent qu’ils détenaient un
noble comme prisonnier, Quill était rongé par le doute. L’idée ne lui
paraissait pas redoutable, bien moins que ne l’était la respiration du
vieillard rachitique attaché dans un coin, le visage couvert et
bâillonné. Dès l’arrivée de Vlades Jan dans le petit taudis il avait su
que les choses iraient de mal en pire à mesure qu’une sorte de folie
dicterait leurs actes, malgré cela l’apothicaire velu essayait de
réaliser qu’ils venaient d’enlever un noble, que la Garde Sombre
risquait de les trouver et de les tailler en pièces dans le meilleur
des cas. Il attendait le retour du devin la peur au ventre car chaque
respiration un peu plus forte du prisonnier lui faisait craindre qu’il
ne se réveille, auquel cas il n’aurait pas su quoi dire ni faire. Son
compagnon était parti semer de nouvelles rumeurs et recueillir celles
de leur action.
Qu’est-ce qui lui avait pris de l’écouter, de
l’entraîner dans cette histoire ? Il avait cru améliorer les choses en
ne livrant pas Mederick, après tout c’était son employeur mais à
présent cette perspective lui plaisait plus que sa situation. Et pour
quoi ? Il ne savait pas exactement quoi chercher dans la Lumière de
cendres, une information en bibliothèque ou quelqu’un au courant, un
secret comme s’il suffisait d’arpenter les couloirs du château royal
pour tomber dessus ! Une part de lui se persuadait qu’une fois sur
place, il saurait où chercher, il trouverait. En attendant Quill était
sur les nerfs.
La porte claqua, il bondit sur ses pieds. Le drogué
apparut au coin du rideau un sourire bête accroché à son visage. Il fit
signe au velu de se taire puis alla jusqu’au prisonnier, tendit
l’oreille et tranquillisé il resta pendu en avant la bouche pleine de
bave.
- Bas les masques, Vlades. Je suis curieux d’entendre les ragots du matin.
Par
de petits gestes des doigts, manière d’effriter de la poudre entre le
pouce et le majeur, le devin chercha à exprimer ce que sa bouche figée
par les bouffées délétères refusait de dire. Il avait l’air excité,
captivé par ce qu’il venait d’apprendre.
- Un garde sombre, c’t’un
gros rat. Des rats ils font – il imita le rat avec ses dernières dents
– c’pas malin. Y veulent attraper une secte. Ça attrape pas les sectes
les rats. Ça s’saurait. Moi, pas possible ! Quoi ? La secte c’est nous
on l’a fabriquée. C’pas malin les rats.
- D’acccord. Il faudra voir à relâcher le noble, ce genre de rats a des dents en acier réputées mortelles.
Donc
la Garde Sombre y croyait à présent, assez pour faire une descente dans
le quartier ouest. Pas le quartier nobiliaire mais directement au
quartier ouest. La force d’une rumeur était effrayante dans la
capitale, quelle facilité pour manipuler les âmes ! Il aurait pu être
de ceux mystifiés que se demanderaient si cette secte allait les tuer
dans leur sommeil. La plupart n’en avaient rien à faire, les lois du
monde ne s’appliquaient plus pour eux qui pourrissaient dans les
déchets mais pour ceux qui avaient de l’argent, l’inquiétude devait
grandir. Si la Garde Sombre était sortie alors le roi lui-même s’était
inquiété de leur apparition. Il devait croire comme Mederick que ces
hommes masqués étaient liés à l’assassinat. Ridicule mais cela jouait
en leur faveur.
- Autre détail, il faudra se débarrasser des masques. Pas question de tenter le hasard deux fois.
- Oh, on s’inquiète, si c’est pas mignon ? Promis, plus d’vilain masque qui fait peur à tonton Quill.
- Oui, réponds-moi juste oui, s’il te plait.
Ce
n’était pas la peine d’essayer tant le devin était sourd à toutes les
réactions de son entourage. Mais après tout l’essentiel était fait, il
ne restait que leurs masques à eux, juste au cas où, le reste le devin
s’en était débarrassé. Peu lui importait de savoir comment. Ils
devaient attendre encore un peu avant de demander à voir Ghendes, trop
tôt ils seraient suspects, trop tard la rumeur serait retombée aussi
vite qu’elle était née et personne ne les laisserait entrer. Demain
soir ils relâcheraient le noble, le jour d’après ils tenteraient leur
chance. Tous ces efforts juste pour se faire ouvrir une porte,
l’apothicaire trouvait cela risible alors que de grands assassins
étaient réputés capables d’en grimper les murs ou de voler par-dessus
les toits. Pourvu que cela finisse, souhaita-t-il, vite.
51 - Pion, sans recul
- Détails
- Écrit par Vuld Edone
- Catégorie parente: Autres Genres
- Catégorie : Libra
- Affichages : 1290
Discuter de cet article
Connectez-vous pour commenter