Aucune foule ne vint appuyer cet homme seul qui leur barrait le
passage. Le masque sur son visage les empêchait de l’identifier. Dans
l’obscurité il leur semblait que le masque flottait tout seul, à cause
des habits noirs mais aussi parce que les effluves de cette ruelle
étroite troublaient leurs sens. Le garde fit un pas en avant mais leur
opposant dressa un bras leur intimant de s’arrêter. Des bruits de métal
mêlés à des raclements sourds coururent autour d’eux derrière les murs
des masures, près des portes. Le magicien toussa. Ils regardaient tout
autour d’eux et derrière la ruelle cruellement vide dans ce quartier où
les gens s’entassaient partout où il y avait de la place. Un claquement
les fit revenir à l’individu qui leur barrait le passage. Il avait été
rejoint par une autre personne, également vêtue de noir et portant le
même masque en forme de soleil.
- Qu’est-ce que vous voulez ?
- Vous allez venir avec nous. leur répondit une voix étouffée derrière le masque.
De
nouveaux raclements plus forts bruyants comme une tempête éclatèrent de
tous les côtés et aux portes et dans la ruelle ils virent apparaître
d’autres masques, d’autres figures du soleil qui luisaient dans
l’obscurité. Ils en comptaient six, sept, douze, une vingtaine, ils
étaient partout et les entouraient. Tous les masques identiques se
fixaient sur eux oppressants et sur les toits mêmes ils en virent
encore d’autres, partout où ils regardaient les deux hommes piégés ne
voyaient que des masques tous identiques et tous effrayants. L’une de
ces figures fit un pas, toutes les autres suivirent, surgirent des
portes et par la ruelle, une foule s’avança sur eux les mettant dos à
dos par un accès soudain de panique. Le noble jugea qu’ils seraient
tués s’il n’agissait pas rapidement, qu’il lui fallait écrire dans les
énergies maintenant.
Il fit courir ses doigts dans le ciel comme en
tâtant, il chercha à attraper les courants bleu nuit qui le faisaient
frissonner. Ceux-ci s’enroulaient devant lui, formaient des caractères
étranges puis se défaisaient et il luttait pour les assembler devant
lui, autour de lui en vastes vagues toujours plus denses. Mais les
énergies lui échappèrent, tout son art se perdit en quelques instants
et les formes invoquées, les premières traces de la nécromancie
s’évanouirent sous ses yeux ronds. Un cri s’arrêta à sa gorge alors
qu’il voyait le meilleur de sa science se déliter entre ses doigts, les
dernières courbes se défaire. Impossible de se concentrer, il n’aurait
pas pu autrement dévier le cours d’un torrent en furie.
Tout autour
d’eux les individus masqués reprenaient leur marche lente pour les
enserrer, leurs ombres flottaient dans les ténèbres à la puanteur d’un
charnier contenu dans les murs, leurs vêtements flottaient comme des
linceuls de ténèbres et ces masques partout se multipliaient en masse
presque indistincte, ils en voyaient partout où qu’ils posaient le
regard. De désespoir, le garde tira l’épée, il fouetta l’air autour
pour les repousser et les individus reculèrent sans qu’il parvienne à
les toucher, brusquement ils s’avancèrent, son épée fouetta le vide, un
bras le saisit, lui fit lâcher son arme.
- Toi. dit une voix au garde. Tu peux partir.
Il
ne se le fit pas répéter et détala comme un lièvre, non sans voir tous
ces masques le poursuivre jusqu’à ce qu’il se soit suffisamment éloigné
de la ruelle. Le noble resté seul, serrant son petit ouvrage à deux
mains, râlait devant ces hommes irréels, comme face à un cauchemar. Il
ne parvenait qu’à cracher quelques râles. Une main plaqua du tissu
contre son nez, un sommeil foudroyant le saisit, il s’effondra.
Les
deux hommes masqués portèrent le noble, chacun d’un côté, à l’intérieur
d’une des maisons effondrées. Ils le posèrent sur les débris puis se
mirent en mal pour récupérer les quelques masques pendus ici et là par
des cordons de bourse. L’un d’eux alla le long de la rue récupérer de
tous petits pots de terre cuite où brûlait le mélange de Bedeline et de
nerve. Quand ils eurent fait disparaître toutes les traces de leur
passage, ils traînèrent le corps par les ruines jusqu’à peu de distance
avant de retirer leurs masques. Quill hébété par les drogues se frotta
les yeux et tira sur le mouchoir pour respirer à pleins poumons. Il
chercha autour quelqu’un qui aurait vu la mystification, ne vit
personne, ce qui finit par le calmer.
50 - Pion, pur hasard
- Détails
- Écrit par Vuld Edone
- Catégorie parente: Autres Genres
- Catégorie : Libra
- Affichages : 1272
Discuter de cet article
Connectez-vous pour commenter