Non bien sûr. Vlades avait toujours eu une autre intention et ce depuis
le départ. S’il n’avait pas trouvé Mederick T’Nataus ce jour-là, avec
L’Fyls souffrant, il l’aurait quand même entraîné dans cette histoire.
Qu’avait-il jamais pu y avoir à la Lumière de cendres qui justifiait de
risquer sa vie pour y entrer ? Son ami ne pouvait pas décemment vouloir
s’attaquer au roi, il n’avait quand même pas espéré que deux parasites
comme eux puissent jamais inquiéter le maître tout-puissant de ce
royaume. La bibliothèque, il avait certainement toujours visé la
bibliothèque, c’est ce qu’il viserait lui s’il n’avait pas été entravé
et enfermé dans une pièce sombre, sa blessure emplie de Cardia qui
séchait en macérant.
L’apothicaire jugea sa situation des plus
inconfortables. Malgré cela il souriait en pensant à la tête que ferait
son ami, même drogué jusqu’à la gorge, quand il découvrirait ce que son
petit plan était devenu.
Dehors, de l’autre côté de la porte les
mendiants se disputaient parce que l’or qui circulait jusqu’alors dans
la secte ne circulait plus. Ce petit mouvement de crime masqué à peine
soulevé faute de motivations allait s’éteindre, avant le soir aurait
disparu. La garde retrouverait les masques un peu partout jetés sur
place lorsque tout le monde se débanderait. Cela signifiait également
que ses chances de survie n’iraient pas au-delà du soir s’il restait
emprisonné. Un sourire se cachait derrière le sourire de son bâillon :
c’était inconfortable mais à part ça, il ne comptait pas bouger. Avant
ce soir il serait dans la Lumière de cendres. S’il pouvait y réussir,
ce serait sans Vlades. Ce n’était jamais bon quand le drogué se mettait
en tête d’accomplir quelque chose, en général trop de sentiments
étaient impliqués et pas des plus nets. Et il lui en voulait à mort
pour avoir amené le Libra.
Quand il le retrouverait sa première
intention était de lui tordre le cou pour lui avoir rappelé l’existence
de ce maudit livre. Quelle anecdote dérisoire ! Leur passé d’aventure
dans le sud se résumait presque tout entier à ce livre et
l’apothicaire, à l’époque un simple étudiant, aurait juré qu’ils
l’avaient détruit. Les devins avaient ce défaut d’être imprévisibles
alors que pour eux, en général, tout se décidait à l’avance. Il
réfléchit à sa prochaine action. Le Libra était resté là-bas, dans son
taudis, dans un coin de la pièce sans qu’aucun des hères présents ne
s’y intéresse. Ils étaient arrivés si vite, si brusquement que personne
n’y avait prêté d’attention. Soudain les rumeurs cessèrent dehors, la
dispute venait de prendre fin. Ils ouvrirent la porte, une
demi-douzaine de capes et de masques argentés pénétrèrent pour le
ceinturer. Que se passait-il ? Ils puaient le vin et l’os, leurs mains
grossières se couvraient de cloques, leurs bras de poil et de crasse.
Peut-être voulaient-ils en finir avec lui maintenant.
- Tu t’appelles Quill ?
Tiens.
L’apothicaire le nota, ils ne connaissaient de lui que son nom. Si
quelqu’un les avait vraiment renseignés, ils auraient donné aussi son
prénom : c’était bien Vlades qui l’avait dénoncé.
- C’est moi.
- La Garde Sombre te cherche. Faut te cacher.
Dans
les bruits, les ragots qui traînèrent avec lui au milieu des rues,
tandis qu’ils le déplaçaient d’une cache à l’autre, le géant bedonnant
crut entendre qu’ils l’appelaient chef, parfois maître pour le désigner
de leurs doigts hostiles. Ils le portaient comme un sac, sans prendre
la peine de le cacher. Ils le firent rouler à l’intérieur de sa
nouvelle cache, plus sûre ? Quill constata sans autres que c’était le
même silo où il avait fabriqué les masques, voilà un temps. Il était
séparé à présent, seul et toujours ligoté, un bâillon à la bouche. Sa
nouvelle situation pour être à peine plus confortable, plus rassurante
aussi parce qu’il savait où se trouvait le silo, cette situation le
surprenait pourtant. Si c’était Vlades, alors pourquoi ce changement ?
Car il y avait eu un changement quelque part, un imprévu qui avait mis
fin aux disputes des mendiants porteurs de masques. Le drogué, quelque
tordu que pouvait être son esprit, ne chercherait pas à compliquer
autant son plan. Cela signifiait que la Lumière de cendres agissait
enfin de sa volonté propre, pour les écraser.
64 - Pion, chacun pour soi
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- Écrit par Vuld Edone
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