Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

La porte du taudis avait été enfoncée, elle était restée ouverte tout ce temps et malgré cela les pauvres du quartier ouest avaient eu le besoin de la briser lorsqu’ils étaient entrés en force. Ils avaient aussi arraché le rideau noir, jeté bas tout ce qu’ils avaient trouvé. Le drogué passait en revue ce désordre de pots brisés, passa la bougie par-dessus la table où se trouvait encore le sang de l’apothicaire. Son ami avait été emporté par les hères, par la secte de quelques jours qui avait fait trembler le pouvoir d’un petit frisson éphémère. Il n’avait plus qu’à faire sa déposition à la Garde Sombre pour que Ghendes le reçoive, Ghendes, ce frère adoré, Ghendes qui aurait dû accepter de le voir dès le premier jour au lieu de l’obliger à toute cette mise en scène. Le drogué ne s’amusait pas, son rire était trompeur, il réfléchissait, il pesait longuement chacun de ses actes. Et même s’il les avait vus enveloppés d’un voile blanc, ces gestes étaient les siens. Ou étaient-ce les drogues ?
Il quitta le taudis de l’apothicaire pour l’enceinte du quartier noble. Pourquoi ne pas s’y être rendu plus tôt ? Il aurait pu tout précipiter mais le devin laissait en partie décider la chape de substances qui lui rendaient les idées si claires. Chaque chose en son temps. Le mur de briques surplombait déjà les habitations. Il passait devant les douves malgré l’odeur comme pour éviter le plus possible tout contact avec la secte, ces mendiants du quartier ouest et la prison de son ami. Quand Vlades Jan donna son nom, cette fois, ses informations concernant la secte avaient attiré suffisamment l’attention des sentinelles pour qu’elles fassent le lien avec l’enquêteur royal. Les gardes le firent attendre à l’écart, le temps de recevoir leurs ordres. Le devin alla se coucher contre le mur, ses haillons contre lui serrés. Il chercha dans sa bourse le petit bâtonnet noir mais, après une hésitation, il ne le porta pas à sa bouche. Ses doigts jouèrent avec, quelques minutes.
- Eh ! Le pouilleux !
Le garde devait parler de lui.
- T’es attendu.
Tout de suite Vlades flaira le piège. Il se leva à son rythme, se massa les membres puis hochant la tête le drogué suivit deux hommes en armes qui le menèrent à travers les portes jusqu’à la demeure de son frère. Les rues pavées ne ressemblaient en rien aux autres quartiers : il n’y avait ni gouille ni herbe folle mais de la propreté partout et de l’entretien. Les murs n’étaient pas décrépis, il y avait de la vitre aux fenêtres, brillante comme du cristal. Les nobles qu’ils rencontraient portaient tant de vêtements qu’il était presque impossible de distinguer leur corps mais aussi, et surtout, ces rues-là étaient vides ou presque, et larges assez pour y faire passer une armée. Il se crue sur une Voie magique rénovée à une époque que personne n’aurait connu. Et quand les gardes l’obligèrent à passer la porte arrière d’un bâtiment, ne pouvant pas reconnaître la maison de Ghendes Jan, il se laissa faire. À l’intérieur ils le tirèrent jusqu’à une petite pièce meublée qui devait servir de bureau, d’un luxe étrange car négligé et laissé dans le plus grand désordre.
L’attente ne fut pas longue. Celui qui entra n’était pas Ghendes mais un Garde Sombre entièrement en armes.
- Vous êtes Vlades Jan ?
- Hein ? Ah oui ! Les rats, ça m’revient les rats, et il fit le bruit d’un rat.
Le visage du Garde Sombre se crispa. Son armure siffla sans bruit lorsqu’il s’avança jusqu’au bord de la table, debout écrasant de son ombre le devin. Le pommeau de l’épée surtout captivait le regard du drogué qui continuait à se balancer la bouche ouverte.
- Vous v’lez la secte ? La méchante, la méchante secte…
Le garde eut un geste d’agacement qui souffla la parole au fou en haillons.
- Oubliez la secte. Où est votre complice ? Et devant son air bête : où est l’ermite ?
Vlades en conclut que le moment était idéal pour mâchonner son bâtonnet. Il le mit en bouche sans que personne ne réagisse, il laissa sa gencive appuyer le plus fort possible pour deviner ce qui lui avait échappé en quelques instants.

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