Il fit la moue, une moue bête et grossière sur son visage bête et
grossier et rendu flasque par sa vieillesse prématurée. Le devin se
secoua tel un sac d’os sur sa petite chaise non parce que les effets de
la drogue se faisaient plus forts, au contraire, ils faiblissaient.
L’idée que les effets cessent tout à fait ne lui venait jamais en tête,
ce n’était pas quelque chose sur quoi il pouvait réfléchir. Mais secoué
par cette sorte de rire nerveux qui faisait sauter les rides grotesques
de son visage, le devin calculait son prochain achat à Nathan. Il le
rencontrerait, il le pariait, bien assez tôt quand tous deux seraient
entrés.
- L’ermite, devin.
Face à lui le Garde Sombre avait
encore durci le ton, il avait serré sa gorge en parlant jusqu’à serrer
l’air et l’étrangler. Dans la pièce pleine de meubles cette armure et
cette arme suffisaient à elles seuls à menacer. Mais le devin riait,
bien malgré lui, il riait de son petit rire qui le faisait pouffer et
il retenait sa bave entre les doigts. Alors face à lui l’intonation
changea comme la tactique. Une autre personne était entrée, également
en armes, et avait pris la parole derrière son supérieur :
- Vous pouvez ne pas savoir de qui nous parlons. Alors vous êtes libre de partir, Vlades Jan.
Cette
voix-là eut raison de lui. Non, il n’était pas question de partir, il
n’était pas question de perdre cette seule et unique chance d’entrer à
la Lumière de cendres, de marcher dans la cour du château royal, d’en
parcourir les couloirs, d’en découvrir les chambres, les habitants et
leurs affaires. Il ne mit qu’un instant à le comprendre mais son corps
ne l’exprima qu’après bien des secondes de retard. Qu’il se sentait
bien, qu’il se sentait bien juste là !
- Bah alors, toujours là ? On s’ennuie trop sans moi ?
-
Laissez-moi vous exposer la situation, reprit cette voix sèche. Quelle
que soit votre position dans la secte celle-ci va être écrasée sous
peu. Nous savons qui est le chef et où le trouver, votre trahison
arrive un peu tard.
Ces derniers mots, la personne nouvellement
arrivée les avait jetés avec un certain sarcasme. Après tout, ils ne
pouvaient pas juger si le devin était sincère ou s’il voulait les
piéger. Lui-même n’aurait pas su le dire. Il savait juste que tout
devait venir de ce Lametrouble, que l’assassin avait dû jouer les
espions et renseigner le roi. Pourquoi l’aurait-il fait ? Ils ne le
payaient que pour un meurtre. Cette explication ne tenait pas,
seulement il n’y en avait pas d’autre, surtout quand les devins ne
pouvaient plus deviner. Vlades ne devinait pas, il supposait à moins
que cette Aë n’ait voulu les trahir mais, là encore, elle n’avait
aucune raison de le faire. Il restait une personne encore à qui le
devin pouvait penser, il restait Quill. Peu importait comment son ami
aurait fait, cela ne l’aurait pas étonné d’apprendre que Quill avait
réussi à se dénoncer lui-même. La personne continuait :
- Nous
savons aussi que la secte veut tuer le roi et comment elle compte faire
: c’est voué à l’échec. Aussi n’avez-vous aucun intérêt pour le roi et
si nous vous parlons encore, c’est parce que deux nobles s’intéressent
à vous et que le roi les écoute. La secte en avait capturé un,
peut-être vous souvenez-vous, Kjeld V’Fohs. Il veut vous rencontrez
mais vous n’aurez cet honneur que si effectivement vous êtes le
complice de l’ermite.
- Oh, c’pas bien d’être soupçonneux !
Elle continuait sans en tenir compte :
-
Il s’agit d’un vieux fou qui veut faire croire à l’invocation. Il a
tenté d’assassiner quelques magiciens, il y est parfois parvenu. La
rumeur voulait qu’il ait un journal avec le secret de cette énergie
mais nous n’en avons trouvé aucune trace. Mais ni vous ni moi ne
croyons à l’invocation. Dites-moi pourquoi il nous intéresse et vous
rencontrerez le nécromancien.
Vlades sourit, sincèrement il sourit
devant ce piège tendu. Personne n’était dupe dans cette pièce, depuis
le départ il était évident pour tous que le devin n’avait rien à voir
avec ce parfait inconnu dont on lui parlait sans cesse ni raison. Il
savait pourquoi, il le savait parfaitement, à présent les portes du
château lui étaient ouvertes : enfin.
- C’t ennuyeux, hein ? Qu’on veut écrire dans les énergies, hein ? Et qu’ça vient pas !
66 - Pion, ça vient pas
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- Écrit par Vuld Edone
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