Tout était expliqué dans la dernière note qu’avait laissée Naïa avant
qu’elle n’aille en quête de nouveaux textes pour alimenter le Libra.
Ils avaient trouvé cette note en évidence parmi les papiers du bureau
d’administration, ces papiers qui ne servaient pas tant à administrer
qu’à la chroniqueuse.
« Impossible de lire le texte : il est éclaté. Je vais donc éclater le
texte pour pouvoir y accéder. Ne touchez à rien, je reviendrai vite.
P.S. : Vlad, prends une douche. »
Même s’il ne parvenait pas à mettre un visage à leur compagne, Quirinal
commençait déjà à l’apprécier. Le drogué près de lui s’était mis à
fouiller parmi toutes les feuilles, les enveloppes, les timbres, tout
ce qu’elle avait réuni dans cette petite salle qui devait lui servir de
repère. Tout cela avait dû lui servir, d’une manière ou d’une autre, à
disloquer le livre dans lequel elle voulait s’immerger. Il comprit
soudain ce que Vlad cherchait : le livre avait été délié là, donc, le
Libra aurait dû y être aussi.
Outre la paperasse administrative, outre également tout le matériel de
bureau, il y avait donc deux livres dont les pages étaient
inextricablement mélangées. Or toutes les pages ou presque étaient
blanches. Le drogué cherchait une différence qui lui aurait permis de
recomposer les deux ouvrages.
« Ce n’est peut-être pas une bonne idée » fit remarquer le docteur,
sans obtenir d’attention. « Si nous recomposons le livre, nous risquons
d’y enfermer Naïa. »
« Et t’vas rester là à t’tourner les pouces ? »
Ils étaient maintenant deux à essayer de reconstituer le puzzle. Ils
auraient mis des jours simplement à réunir toutes les pages tant elles
étaient épars. Quirinal n’arrivait pas à voir quelle chroniqueuse était
prête à délier un livre, à le transformer en tas de feuilles volantes
pour atteindre son but. Cela revenait à détruire le livre. Il était
même difficile d’envisager que quelqu’un aux Chroniques agisse de la
sorte. Le docteur n’en doutait plus, il connaissait Naïa, ils étaient
deux adversaires de longue date mais malgré cela le visage pas plus que
le nom ne lui revenaient.
Leurs tentatives aboutirent rapidement à l’échec. Il leur manquait la
reliure, la numérotation, la première page, il leur manquait jusqu’au
matériel pour relier les pages. Tandis que Vlad continuait à agiter les
papiers en l’air, le docteur se laissa aller sur la chaise au fond. Il
tenait lui-même une liasse entièrement vierge qu’il lança devant lui et
vit retomber au hasard. Ils faisaient peut-être fausse piste, tout
simplement.
« La carte nous aurait été bien utile. »
« Fallait pas échouer, mon p’tit Quir’ ! »
Restait la solution de facilité. Alors que le loqueteux se plongeait
dans un nouveau tas tout aussi indistinct de feuilles blanches, son
compagnon se releva de sa chaise et en quelques pas avait mis la main
sur le Libra. Il l’ouvrit à la page où Vlad avait écrit son histoire de
la cuisine, seulement pour noter qu’il n’y avait plus rien. Il ne
retrouvait peut-être plus la page. Laissant loin ces considérations,
Quirinal saisit une plume et réfléchit un instant à ce qu’il allait
faire avant d’écrire.
Sitôt qu’il l’eut en main, une nouvelle idée avait vu le jour dans
l’esprit du bonhomme. Il y avait plus simple, beaucoup plus simple que
d’écrire longuement une historiette qui était tout sauf certaine de
fonctionner. Ils avaient déjà reconstitué un livre, celui-ci n’était
guère différent. En fait de première page, ils avaient dans le livre de
cuisine tout ce qu’il fallait. Il ne leur manquait donc qu’un seul
outil.
« Vlad… » Le loqueteux regarda son ami. « Avais-tu remarqué le chariot à l’entrée des presses ? »
Peu de temps après, le loqueteux à l’intérieur, le docteur derrière
soufflant de toute sa sueur, ils traversaient les couloirs à toute
allure sur le gros chariot de fer dont les roulettes patinaient. Ils se
rendaient au petit salon près de l’entrée avec un plan en tête et la
nécessité de transporter l’ustensile le plus encombrant des Chroniques.
79, Ouvert, le fin mot
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- Écrit par Vuld Edone
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