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Le capitaine Kyréna rêvait qu'il était en retard pour rédiger son rapport au général Oïc, sur la station Aïo. Il rêvait que le général allait entrer d'une minute à l'autre et qu'il lui manquait encore quelques mots avant de pouvoir imprimer. Il n'arrivait jamais au bout de son rêve parce que son rapport était vide. Ce n'était pas un rêve. Cela lui revint. Il avait écrit un rapport avant son départ pour la tore du Groenland mais ce rapport était sans objet.
Le capitaine se réveilla. Il était sous bonne garde, sur un lit d'hôpital. Seule éclairaient les lampes de plafond, dans des parois de métal. Le garde ne portait pas l'uniforme bleu de la CITL. C'était un soldat du Nouveau Monde.
- Où on est ?
Le soldat fut surpris d'entendre son prisonnier, de surcroît blessé, lui adresser la parole. Il le jugea désorienté et lui répondit sur le même ton familier :
- Sur Aïo.
- Avec quels vaisseaux ?
Tous deux se regardèrent encore, tous deux cherchant leur rôle l'un de geôlier et l'autre de prisonnier. Après quoi ils éclatèrent de rire. Leur hilarité attira d'autres gardes qui se mirent à apostropher le capitaine blessé. Bientôt un sous-officier se présenta qui ordonna de le faire transporter en cellule. Il ne trouva pas assez de force pour seulement soulever la tête, à peine les doigts. Les gardes le passèrent sur une civière et l'emportèrent par les couloirs du Pornev.
Quelques heures s'étaient écoulées depuis la destruction du projet cinq. Le site sous-marin n'existait plus, la flotte faisait demi-tour en direction du continent. Malgré le déploiement de forces à Nuuk, pas une fois les unités d'Akdov n'avaient été inquiétées. Kyréna fut déposé dans une cellule assez spacieuse, fermée par une porte pleine, où l'attendaient Naïa et Immons. Tous deux se levèrent en le voyant.
- Eh ben ça ! Ils vous ont opéré le cerveau ou quoi ?
Le capitaine trouva cette fois la force de bouger. Alors qu'on venait de le déposer, il passa la main sur son crâne, pour sentir les énormes bandages qui le recouvraient. Concussion, cela lui revenait, comment l'abordeur s'était abîmé en mer. Bien sûr, le Nouveau Monde les avait récupérés, pour les documents.
- Où est Jean ?
- Le biochimiste ? Les gardes l'ont emporté il y a un paquet de temps, notez, ça nous a laissé en tête-à-tête...
- Une heure à vous écouter gémir. Répliqua Naïa. Je m'en serais bien passée.
- Écoutez-moi...
Kyréna eut une toux en articulant ces mots. Il reprit :
- C'est important. Vraiment. Important. Immons...
- Oui ?
- Trouvez...
- Oui ?
- Trouvez-vous une femme.
La pilote pouffa, elle cacha vite sa réaction derrière sa manche mais ne parvint pas à maîtriser son rire. Cependant Immons en restait coi, et comme frappé en plein coeur : hébété. Mais déjà Kyréna détournait la tête, à la recherche d'une position confortable sur le sol dur de la prison. Depuis l'astroport de Nuuk, aucun d'eux n'avait plus respiré d'air frais.
Quelques minutes s'écoulèrent sans qu'aucun d'eux trois ne puisse aborder le sujet qui les préoccupaient. Ils se regardaient, tournaient en cage inquiets à propos des documents, dont dépendait leurs vies. Le capitaine surtout n'avait aucune idée de ce qu'ils étaient devenus et ne pouvait pas le demander alors qu'au coin de la cellule, bien visible, les regardait une caméra.
De nouveaux gardes ouvrirent la porte.
- Prenez le blessé.
Une nouvelle fois le capitaine fut séparé de ses deux compagnons.

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