Trois mois durant où les États-Unis offrirent une résistance symbolique du point de vue de leurs troupes, les soldats de Thulé avaient appris le nom d'Akdov en même temps que ses actions, déformées par la propagande. La destruction de la flotte internationale avait été suffisant pour imposer ce nom, celui de Raivac et la victoire des États asiatiques sur celui d'Amérique. Avec leurs deux sous-marins cloués au port, aux portes de l'invasion, Thulé avait appris à craindre ces deux noms. Par la suite Raivac était mort, assassiné sans doute par son ancien camarade.
À présent ce général se dirigeait sur Montréal, à la tête d'une flotte de Pornev et avec la réputation d'un assassin de masses.
- Pourquoi Montréal ? Demanda le capitaine.
- Vous devez connaître cette légende qui attribue le début des guerres à la disparition d'un document, à l'automne deux mille soixante-et-un. Ce n'est pas une légende, les documents ont en effet disparu dans une explosion qui a tué leur porteur. Ce que l'histoire ne raconte pas, c'est que ce jour-là se trouvait un dénommé Noé.
- Noé... comme l'Arche ?
- Tout à fait. Un jeune de banlieue qui se trouvait là par hasard et ne comprenait rien aux enjeux.
Le silence se rétablit entre eux. Il était visible qu'Akdov voulait l'entendre poser de nouvelles questions. Kyréna joua le jeu :
- Quel rapport avec Montréal ?
- D'après les rapports de police, d'hôpital, de la morgue, le jeune Noé est mort ce jour-là tué par l'explosion. Officiellement, son sort ne fait aucun doute.
- Officiellement.
- Je ne m'y étais jamais intéressé jusqu'à la découverte du Libra.
Le général désigna l'ordinateur resté devant le capitaine. Ce dernier jeta un oeil à l'écran, sans chercher à comprendre. Jean assis entre eux deux et silencieux jusqu'alors voulut intervenir mais le général n'eut qu'à jeter un regard pour le réduire au silence.
- Allez-y, capitaine. Je suis certain que vous saurez quoi faire.
- Je ne suis pas informaticien.
- Nous verrons.
À ces mots Akdov sortit son pistolet du fourreau et le déposa sur la table. Kyréna tira à lui l'ordinateur, aussitôt il ouvrit le journal où se trouvaient compilées toutes les opérations dans un ordre linéaire. Il jeta un oeil au pistolet puis remonta jusqu'à la première entrée du journal. La toute première ligne en trois mots disait que Noé était vivant.
Rien de plus mais il retourna sur l'interface de programmation et entra une requête de recherche. La fenêtre changea, le message disparut et il n'eut plus que le symbole d'entrée. Il tapa le nom puis entrée. Des fichiers de naissance, registres d'habitation, de famille, d'école, de police, se succédèrent à l'écran. Il reprit la recherche et tapa localisation.
Une carte apparut indiquant montréal. Le visage que Kyréna releva de l'écran était éloquent.
- Vous comprenez, à présent ?
- Rien du tout.
- D'après le Libra, ce Noé est officier au CRIJ, il a récupéré les documents disparus de l'avant-guerre, il serait à la poursuite de Naem et le meilleur pour la fin, il va faire échouer mon invasion de l'Eurasie.
Quelques secondes durant le capitaine ne sut pas quoi dire. Akdov y croyait. Jean lui faisait également signe que c'était vrai, et avec enthousiasme. Enfin :
- Rien que ça ?
- Je serai direct : aidez-moi à retrouver ce Noé.
Le sang monta au crâne du capitaine si violemment qu'il en fut étourdi. Akdov allait attaquer et détruire Montréal pour retrouver un seul homme, et ils devaient l'y aider.