Kyréna chercha encore chez le biochimiste une attitude quelconque, un
indice sur ce qui se passait. Il ne trouva rien que le visage benêt et
simple de Jean, souriant et penché sur son propre Libra. Drogué,
c’était certain. Il n’aimait pas cet air consentant.
De l’autre côté de la table Akdov attendait une réponse. Il voyait
l’arme posée à côté du général, à nouveau l’ordinateur et le nom de
Montréal clignotant.
- Dites-m’en plus.
Il dut prendre cela pour une approbation.
- C’est simple : trahissez la CITL, devenez un officier sous mes
ordres. Vous et le docteur Jean, il le désigna de la main, aurez pour
seule mission de retrouver ce Noé.
- Et ensuite ?
- Ramenez-le ou tuez-le.
Sa tête bourdonnait, à cause du sang, de sa blessure, des pansements
qui lui serraient le crâne. Le capitaine se chercha une contenance,
étourdi sur sa chaise. Il ne réalisait toujours pas que le dirigeant du
Nouveau Monde voulait son aide sur la foi d’un programme défaillant,
vieux de quatre ans. À défaut le capitaine ne regarda plus que son
assiette.
- Ca ne colle pas.
- Quoi donc ?
- Vous détruisez le site B, vous détruisez le projet cinq et maintenant
vous voulez retrouver un mort. Rien de cela ne fait sens.
Akdov tourna le regard vers Jean qui, heureux qu’on fasse enfin attention à lui se mit à débiter en rythme :
- Tout fait sens au contraire, colonel !
- Capitaine, et si vous me parlez encore une seule fois de tyamine ou que sais-je, je vous étrangle.
- Pourtant c’est ça ! Mais enfin vous savez que le site B a une tore ?
- Oui.
- Une tore pour quoi ?! Les circuits de refroidissement ? Sur la Lune ?
Même Aïo exige plus d’énergie et pourtant le site a été équipé d’un
Tokamak de quatre mille mètres carré ! Je n’ai jamais su exactement en
quoi mais c’est une certitude, le site B et le projet cinq étaient
étroitement liés !
Il avait raison, douloureusement raison, cela d’autant qu’un secret
strict avait été maintenu autour du site B, qui n’était pas pour rien
sur la face cachée du satellite. Mais à part la présence d’une tore, le
lien était flou.
- À strictement parler, reprit Akdov, je n’ai pas attaqué votre site.
Auriez-vous oublié que je ne dispose pas de croiseurs ? Le colonel Naem
seul en prend la responsabilité.
- Naem ? Ce chien de guerre ?
- Le CRIJ est mieux renseigné que vous. Naem a agi sans ordre, j’ignore encore la raison.
Cette fois Kyréna ne réagit pas, mais mesure chaque geste avec
tranquillité. Il retrouve de l’assurance, et regarde Jean Valdes. Le
docteur sait, forcément, ce qu’il y avait au site B. Il n’avait rien
dit à Akdov et Akdov semblait s’en désintéresser.
- Et donc vous avez attaqué le projet cinq ?
- Même si j’obtenais des plans de tore, il me faudrait des années pour
les rendre opérationnels. Ce n’est pas une solution viable au blocus
énergétique de l’Eurasie, à court terme. Non, je veux ces documents
pour retrouver ou remplacer ceux disparus au début de la guerre et
c’est pour ça que je veux retrouver ce jeune de banlieue mort.
Tous ces documents ne devaient avoir normalement aucune importance.
Certains n’étaient que des plans, d’autres des directives, d’autres des
avis ou des enquêtes de commissions datant d’une décennie. Mais si
l’histoire disait vrai les documents disparus avaient sinon causé du
moins précipité la guerre. Sa curiosité fut piquée au vif et le
capitaine, pour la première fois de sa vie, goûta au caviar.
101 - Géo, caviar
- Détails
- Écrit par Vuld Edone
- Catégorie parente: Autres Genres
- Catégorie : Libra
- Affichages : 1089
Discuter de cet article
Connectez-vous pour commenter