Akdov les fit monter avant lui, puis il leur emboîta le pas dans la navette. Le soir arrivait alors qui s’étirait à l’horizon. Les gardes ne les accompagnaient pas. Ils décollèrent du Pornev, dont les hangars brûlaient encore, et partirent en direction du Saint-Laurent.
- Notre passage est arrangé. Nous allons nous fondre à la circulation.
- Justement. Nota Kyréna. Vous êtes connu à Montréal. Si on vous voit, Ange Noir ou pas, vous serez tué.
- Détail, détail.
Le général semblait se complaire dans ce rôle étrange qu’il s’était attribué, en accompagnant les deux anciens membres de la CITL qu’il avait retourné à son service. Celui qui avait parlé, le désormais colonel Kyréna, en était encore à garder ses galons dans la poche. Pour le biochimiste, n’importe quelle situation le laissait indifférent. Il les observa encore tous deux dans la navette.
- Non, vraiment. Insista le colonel. Vous allez nous faire tuer.
- Il est toujours comme ça ?
La question était adressée à Jean, qui répondit en retenant son rire :
- Le colonel se croit toujours sur Aïo !
- Et pourquoi pas dans la Lune ? Je pourrais tout aussi bien vous fausser compagnie une fois en ville.
- Ville que deux de mes divisions encerclent et dont les autorités m’obéissent bien forcées par le blocus. Dites-moi plutôt comment vous comptez retrouver ce Noé.
- Je n’en sais rien.
De son côté le biochimiste agitait la main à la manière de l’écolier fier d’avoir la réponse, et même quand il eut attiré l’attention de ses compagnons, il continua son geste. Il fallut quelques secondes pour le calmer.
- Il est toujours comme ça ?
- Il ne se croit pas sur Aïo : il y est.
- Eh, je suis là ! Toute information a son signal stop, voyez-vous, c’est dans tout individu ! La thymine bien sûr, parce que comme tout bon vivant – et même mort – notre ami Noé a sa dose d’acides !
- Il n’est pas le seul.
Kyréna leva les yeux au ciel. Devant leur incompréhension, Jean se renfrogna :
- La thymine, la thymine voyons ! L’information manquante pour le trouver ! Faites un effort ! Sa destination !
- Son but ?
- Ce qu’il vient chercher dans cette ville ! Il est Commander au CRIJ et trois jours après l’attaque du site B, le voilà en plein Canada !
- Vous ne pourriez pas dire les choses clairement comme tout le monde ?
- Mais la thymine…
Le général en face d’eux fit taire leur début de dispute.
- Le site B. Il serait à la poursuite de Naem ? Naem serait à Montréal ?
- Nous ne le saurons qu’une fois à terre. Il y a forcément quelque chose qui l’attire dans cette cité, il nous suffira de trouver quoi.
C’était compter sur le biochimiste, ce qui leur laissait peu d’espoir. Kyréna se détourna : il pensait à leurs deux compagnons prisonniers, Immons et Naïa, avec ennui. La navette perdit en altitude, ils ne voyaient rien car il n’y avait pas de hublots et ils étaient à l’arrière, coupés du poste de pilotage par une cloison. Le silence dura alors qu’ils s’engageaient dans la circulation : ils devaient être arrivés aux portes de Montréal. Soudain leurs visages se décomposèrent :
- Non, vous ne croyez pas ?!
Ils venaient de réaliser ce que Noé, commander du CRIJ, avait pu venir faire ici.