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Tout avait commencé à Montréal. L’automne n’avait pas changé en sept ans, la cité triste sous le blocus du Nouveau Monde faisait s’effondrer les arbres dans les cheminées. Les ombres du soir sur les immeubles s’étiraient le long de places dénudées. Deux divisions tenaient là au piège un demi-million d’habitants. À la pointe est de l’île, l’ancienne raffinerie de pétrole à défaut d’être alimentée servait de crématoire. C’était là que vers deux mille quarante-cinq un enfant était né qui portait le nom de Noé.
C’était également là que seize ans plus tard les documents disparaissaient qui entraîneraient le monde dans la guerre, déchaînerait les arsenaux et plongerait la cité dans la misère. Des habitants de grise mine couvraient les trottoirs, les gens riches s’enfermaient au sommet des bâtiments. Les autorités cédaient le pas, la cité se mourait. Malgré cela, depuis plus de trois ans, Montréal refusait de se rendre. Leur navette se posa sur le Mont-Royal.
- Séparons-nous. Commença Kyréna. Nous irons plus vite. Jean…
- On reste ensemble.
Le général Akdov n’était même pas perturbé de contredire l’ancien officier de la CITL. Il descendit le premier, suivi par ses deux nouveaux subordonnés. Tout ce qui le cachait était un vieil imperméable d’avant-guerre, passé sur son uniforme, et un chapeau mou. Il ne prenait pas la peine de cacher son visage.
- Alors s’il n’est pas mort, il aurait récupéré les documents ?
Leur discussion reprenait. D’eux tous le biochimiste en était le plus passionné :
- Imaginez ! Il survit et s’empare des documents…
- Pourquoi ? Demanda Kyréna. Pourquoi un jeune de banlieue s’amuserait à voler des documents d’État ?
- Ca n’a aucune importance ! Il s’en empare et les cache là, quelque part dans sa ville natale ! Sept ans plus tard, avec le grade de commander, il revient chercher ces informations afin de contrer son rival, le colonel Naem !
Le colonel dans leur dos à tous deux se tenait la tête l’air d’avoir la migraine. Il ne chercha pas pour autant à contredire son comparse. La rue descendait au sud, là-bas vers la place publique, à l’écart se trouvait le lieu où ces fameux documents avaient disparu. Documents dont ni eux ni Akdov ne connaissaient le contenu exact.
- Allons-y.
Ils s’éloignèrent tandis que leur navette redécollait. Le général ne prit même pas la peine de surveiller les deux hommes qui le suivaient : ils ne cherchaient pas à s’enfuir. Les gens se retournaient à leur passage. Ils sentaient l’étranger à pleins nez. Mais la face d’Akdov ne revenait à personne.
Depuis la place publique ils observèrent un temps le générateur ELW de la cité, à flanc de mont. Il contrastait fortement avec le reste des constructions, vétustes, dont une partie avait été abattues pour lui laisser place. Toute la ville ne tenait qu’à ce seul bâtiment. Akdov s’en désintéressa. Ils continuèrent vers l’ouest jusqu’à un quartier résidentiel, depuis complètement déserté, fait de maisons en ruines et de terrains vagues. Ils se trouvèrent bientôt en un espace qui avait dû être un terrain de basket.
Ce lieu ne ressemblait plus à rien, se distinguait à peine du reste. Les grillages pendaient encore, ici et là. Tous cherchèrent à deviner où avait eu lieu l’explosion : sept années en avaient effacé la moindre trace.
- Que faisait un document aussi important dans un lieu aussi anodin ?
- La Russie d’avant-guerre était mieux organisée.
- Vous m’en direz tant.
Ils se tenaient tous trois près d’un poteau arraché qui avait dû servir de panier à l’époque. La demeure en cause était la plus proche, sur leur gauche. Ce jour-là, le ballon avait traversé la route, un enfant avait dû le ramasser, presque au pied de la maison. Explosion. Il était mort des heures plus tard, à l’hôpital, seul.

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