Les entreprises lucratives situées à Montreal Trust n'étaient plus que des oripeaux sur la ville. Entre toutes celle de la banque NeoNova était la tour la plus ancienne, encore bétonnée aux fenêtres étroites, ce qui lui évitait d'exposer trop clairement son état de délabrement. Pourtant cette banque comme toutes les autres banques de la cité, comme toutes les industries de Montréal avait été laissée exsangue par les guerres.
Comme la rue ne se trouvait pas loin de l'hôpital, les trois hommes y furent en une poignée de minutes. Et bien que le biochimiste parmi eux s'affolait encore de leur exposition supposée au biod, comme les autres n'avaient aucune idée de ce dont il s'agissait, ils allaient bon train sans grande inquiétude. L'immeuble NeoNova se trouvait à l'angle, sur les ruines d'une ancienne banque qui avait elle-même éliminé la précédente. Ils en gravirent les marches jusqu'à la porte, l'ouvrirent sans y penser.
- Qu'est-ce que nous cherchons, exactement ?
- Tout ce qu'une certaine Angelica a pu déposer.
- Notre justification pour le prendre ?
- On est armés.
- Il faudra s'en suffire.
Le général Akdov laissait ces détails à ses deux nouveaux subalternes. Lui-même tenait la distance l'air indifférent, profondément froid. À la traîne Jean continuait à se plaindre qu'ils avaient dû être exposés : ils ne faisaient plus attention à lui.
Ils arrivèrent à la réception, surpris de le trouver en meilleur état que celui de l'hôpital après avoir vu la façade. Une jeune dame, fourrée dans ses lunettes, releva la tête à leur approche :
- C'est pour quoi ?
Ce ton dur les surprit. Elle se méfiait des étrangers, avec raison.
- Nous venons retirer des affaires pour Angelica.
- Nom de famille ?
- Toucourt. Angelina Toucourt.
Le général se retint d'applaudir à cette marque d'intelligence. Bien entendu, la secrétaire leur jeta un regard noir, qui signifiait qu'ils pouvaient aussi bien repartir. Le colonel se préparait à insister quand il remarqua un policier armé, au fond de la pièce. Malgré l'absence de fréquentation, la banque tenait toujours à sa sécurité.
Il tira donc son pistolet et tira à plusieurs reprises sur l'agent, jusqu'à ce que celui-ci, après avoir eu le temps de tirer deux fois, s'écroule. Akdov passa derrière la réception, releva la femme par les cheveux, la remit sur son siège.
- S'il vous plait.
Elle chercha de l'aide, affolée. Ses yeux tombèrent sur Jean Valdes et elle sembla le reconnaître. À sa surprise, sa voix se brisa avant de passer les lèvres. L'arme de Kyréna s'appliqua contre sa tête. Devant elle Jean ne se préoccupait que de contrôler encore et encore son diagnostic, à pianoter sur le Libra. Alors d'une main tremblante elle désigna le registre.
- On y va.
Kyréna sentit toute la pression accumulée dans ses veines se relâcher brutalement. Il regarda le général s'écarter et, tranquillement, se diriger vers les coffres. Lui-même voulait le suivre mais il ne savait pas quoi faire de l'employée. Sa gêne était visible. Il vit Akdov disparaître par la porte, il chercha à son tour, l'air perdu, son compagnon biochimiste qui passa à son tour, le nez dans l'ordinateur, et disparut par la porte.
Elle trouva la force de dire :
- S'il vous plait...
Une minute plus tard, il les rejoignit dans la pièce : des alignements de petits coffrets blindés à n'en plus finir. La sécurité était pour ainsi dire devenue inexistante. Il n'y avait plus rien à voler de valeur. Akdov regarda Kyréna qui se détourna. S'il s'était agi d'un véritable officier du Nouveau Monde, il l'aurait giflé : mais voilà, il venait de la CITL.