Tous trois se concertèrent autour de l'écran du Libra. Jean pétillait de joie devant ses résultats ainsi que pour l'attention qu'on lui prêtait. Ils avaient la banque, et si la soeur était introuvable là-bas se trouvait la clé qui expliquait et la mort et l'importance du jeune de banlieue appelé Noé. Le général Akdov, qui ne regardait que de loin, se dirigea vers les portes d'entrée le premier. Kyréna allait le suivre quand un bruit de verre l'en détourna.
Une fiole venait de se casser par terre. Entre les débris ne se trouvait plus qu'une flaque d'un liquide fluorescent. Il le nota sans grande surprise, à cause des rôdeurs et sans-abri qui pouvaient occuper les lieux.
Jean lui venait de reconnaître le biodistrupteur.
- Sortez ! Maintenant !
Il s'était mis aussitôt à courir avec des gestes de panique, comme retenir sa respiration, qui ne servaient à rien face au biod. Mais l'instinct de survie prenait le pas sur la réflexion. Kyréna tira son arme, vit quelqu'un s'effacer au fond du couloir mais aux cris du biochimiste, et à la vue de la petite flaque, il préféra se retirer. Le général mit plus de temps encore et ne sortit que le dernier, sans se presser réellement.
Le biochimiste à l'extérieur reprenait son souffle.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- C'était le biod !
- Le quoi ?
Aucun des deux officiers en sa compagnie ne pouvait comprendre ce que représentait le biodistrupteur. Kyréna pistolet en main regardait toujours du côté de la porte, sans savoir exactement à quoi il avait affaire.
- Expliquez-vous.
- On doit être contaminé ! Il nous faut un antidote, un traitement, quelque chose !
- Calmez-vous bon sang !
Le général Akdov renchérit avec dédain :
- Ce n'était qu'un peu de verre cassé.
- C'est un mutagène à très forte dispersion ! Nous sommes des morts en sursis !
- Kyréna ?
- Je ne l'ai jamais vu dans cet état.
Il ne se contrôlait plus mais pianotait, frénétique, sur le clavier du Libra, à la recherche d'un antidote. L'idée l'obnubilait qu'ils avaient été en contact avec le biod, le plus dangereux agent développé au site B, celui-là même qu'avait volé le colonel Naem. Ce verre cassé était un attentat signé.
Tout comme il avait effectué un scan sur le distributeur, l'ordinateur lui permit de scanner son propre corps. Il n'y avait rien de suspect, ce qui le calma un peu. Mais le biochimiste restait inquiet.
- Ce n'est rien ! Ce n'est rien !
- On vous le dit depuis un moment.
- L'exposition a dû être faible, le milieu n'était pas assez fermé, le temps réduit ! Il faut faire incinérer cette pièce !
En même temps il cherchait à scanner ses compagnons à leur tour. Ceux-ci, agacés, évitaient ses efforts de sorte qu'il courait de l'un à l'autre avec son ordinateur, un peu ridicule, et eux comme au jeu du loup s'écartaient.
L'agent de Naem, lui, s'enfuyait déjà par l'arrière, au travers des rues de la cité. Il était resté assez longtemps pour savoir le dépôt d'Angelica à Montreal Trust et s'y rendait. Lui-même ne savait pas qu'il avait également été exposé, et ce que représentait le biod. Il les avait raté à l'aéroport, raté encore au terrain de basket et suivi de là jusque dans l'hôpital. Son jet avait été trop court pour toucher l'un d'eux, il ne savait pas si cela suffisait. L'agent n'avait disposé que de cette fiole et des deux anciens hommes de la CITL comme repères.