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Soudain le colonel se détourna : l’agent s’était relevé, péniblement. Elle respirait, elle haletait au travers du sang séché qui coulait par petits paquets entre ses lèvres. La chair s’était tuméfiée, épaissie, ridée prématurément, elle tombait en lambeaux remplacée par l’hypoderme plaqué de chair. Les muscles à nu noircissaient et formaient des croûtes. Elle était simiesque, elle ne tenait pas d’une pièce mais n’était que déformation incohérente sous l’effet du biodistrupteur. Elle s’imposait à eux en même temps que la peur.
Kyréna fut le plus rapide des trois. Avant qu’Akdov n’ait bougé, il braqua son arme et tira, par deux fois. Le premier coup manqua, le second détacha le bras du corps et jeta ce dernier contre la paroi. Elle se remit d’aplomb, tituba encore alors que sa blessure se boursouflait et séchait de façon grotesque. Le bras au sol se déchira à vue d’œil.
- Qu’est-ce que c’est que ça encore ?
Le colonel s’adressait directement à Jean.
- Qu’est-ce que vous avez fait encore ?
- C’est une méchante bébête, hein ? Vilaine, vilaine ! Et elle va tous nous tuer !
- Qu’est-ce que vous me chantez là ?!
- Kyréna !
Il n’y avait plus devant eux qu’une créature grotesque dans des vêtements en lambeaux qui se jeta sur le groupe. Kyréna tira mais manqua son coup. Il bouscula le biochimiste et tomba avec lui de côté alors que le monstre s’abattait contre le mur, là où plus tôt ils se tenaient. Elle se tourna vers eux, prête à bondir de nouveau.
Cette fois Kyréna ajusta son tir, pressa la détente et ne la lâcha plus. Le Desert Scorps fit un bruit d’enfer, répercuté encore par les parois du coffre. Il laissa ensuite le chargeur glisser à terre, vidé. Akdov se relevait, remettait de l’ordre à sa tenue, mit même du soin à rajuster son chapeau mou. Ils regardèrent à peine dans le coin.
- Ce n’est pas si redoutable.
- Vous êtes stupide. Déversé sur une ville, cela donne vingt millions de créatures. Avec une telle arme j’aurais déjà conquis l’Eurasie.
- Inutile d’en discuter et de toute manière il y a les boucliers ELW. Trouvons plutôt un moyen de sortir.
- Kyréna.
- Oui, quoi ?
- Nous aussi, nous sommes contaminés.
Et il fit un hochement de la tête vers le coin de la salle en question. Le colonel mit la manche sous son nez, l’air dégoûté, puis réfléchit. Et quand il comprit, son visage d’abord se décomposa, avant de retrouver un certain calme. Il encaissa mieux que prévu. Après une forte inspiration il parut presque aussi détaché que ses compagnons.
- On est mort.
- Nous avons deux Libra, j’ai une nation, ce n’est pas un virus qui va m’arrêter. Ouvrez-nous la porte, notre docteur va nous trouver l’antidote.
En même temps il tendit à Kyréna le second Desert Scorps. Jean les avait écoutés, l’air rêveur, emporté par sa drogue. Il comprit à peu près ce qu’on attendait de lui, de sorte qu’il se remit à pianoter sur le Libra, mais sans conviction. À son départ du site B, voilà plusieurs mois, il n’existait pas d’antidote.
Sa première hypothèse était de réintroduire la thymine de force dans l’organisme. Cela reposait sur l’idée que c’était effectivement sur la suppression de la thymine que fonctionnait le biod, comme il le supposait aussi pour les radiations. Or certain de sa thèse, le docteur refusait toute autre piste. Il inscrivit ce code et laissa tourner le programme et les pages cryptées défilèrent, défilèrent, puis il y eut le message d’erreur. Un énorme message d’erreur rouge venant du Libra. Relevant les yeux Jean vit que Kyréna cherchait à ouvrir la porte blindée. Il sourit vaguement, regarda l’écran figé et ne fit plus rien.

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