Au-dessous d'eux défilait la mer du Labrador. De nouveau. Agglutinés
dans l'habitacle tous trois observaient la surface défiler à plusieurs
fois la vitesse du son. Même ainsi, cela leur semblait lent.
- Et maintenant, où est-ce qu'on va ?
Kyréna se laissa tomber sur le plancher. Seule Naïa avait un siège.
- Nuuk. Où d'autre ?
- Si cette passoire arrive jusque là-bas. On a pris de sérieux coups.
Ils entendaient parfois la tôle grincer mais à part cela, tout allait
bien. Entre les mains de leur pilote, la navette de liaison tenait la
distance. Ils se doutaient que le Nouveau Monde devait les poursuivre
mais aucun d'entre eux ne préférait y penser. Pour le lieutenant du
CRIJ, il lui semblait qu'ils sortaient à peine du projet cinq. Et il
préférait ne pas parler des documents disparus, un peu étonné que leur
capitaine ne demande rien là-dessus.
Ce dernier s'était détourné d'eux encore une fois, dans son coin il
retournait les pensées l'air morne, presque abattu. Le lieutenant
décida de détendre l'atmosphère.
- Bien joué, Naïa ! Sacré pilotage !
- Arrête-toi tout de suite, tu dérapes.
- Non, sérieux ! Tu devrais faire partie du CRIJ ou je ne sais pas, t'es pas à ta place en mécanicienne.
- Bien sûr, et toi marié et amiral !
- Oh n'exagérons rien...
Il épiait du regard la réaction de Kyréna. Lui dans son coin tâtait à
présent sa tête, puis émit un petit gémissement. Ensuite, il grommela,
avant de fixer Immons d'un air de reproches qui signifiait d'arrêter de
le dévisager.
L'appareil eut un sursaut. Naïa s'accrocha aux commandes mais déjà les
voyants s'éteignaient les uns après les autres, bientôt un panneau
entier était dans le noir. Elle se rendait à peine compte de ce qui
arrivait qu'un réacteur endommagé rendait l'âme. Immédiatement elle
coupa la propulsion et la navette perdant toute sa vitesse rencontra le
mur d'air que jusqu'alors il traversait. Elle parut s'immobiliser
au-dessus de la mer, à quelques sept ou huit cents kilomètres par heure.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- La propulsion est morte. On va se traîner mais sinon tout va bien.
- Avec le Cive, on serait déjà sur Aïo.
Le Cive avait été équipé dès le départ pour se rendre à Montréal.
Kyréna chassa cette pensée de sa tête et se concentra sur ses
compagnons. Sa mission était un échec, son rapport serait vide et si
Jean n'avait pas trop déliré, il était contaminé par une sorte de
virus. Il tâtait en même temps, dans sa poche, les galons que les
soldats avaient oublié dans sa poche. Des galons du Nouveau Monde, de
colonel.
Ils furent surpris d'entendre la radio crépiter. Une voix familière filtra, le temps pour Naïa d'éclaircir la fréquence.
- Capitaine Kyréna, c'est vous ?
- Oïc ?! On vous capte depuis Aïo ?
- Nuuk a fait la demande d'un croiseur pour défendre le projet cinq. On vous croyait perdus avec le site.
- L'appui arrive trop tard, nous serons bientôt à Nuuk...
Le radar de bord s'affola. À l'arrière s'accumulaient les échos jusqu'à
devenir une masse énorme qui se déployait et s'approchait rapidement.
La flotte d'Akdov allait leur tomber dessus d'une minute à l'autre. Ils
se regardèrent sans savoir quoi dire. Le "bientôt" de Nuuk leur parut à
tous bien trop lointain pour être d'un quelconque secours. Reprenant la
radio, le capitaine Kyréna transmit cet unique message :
- En fait si, nous aurions besoin d'appui. Maintenant.
128 - Géo, loin d'être près
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- Écrit par Vuld Edone
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